Ecrivez des courriels de protestation au Rectorat de Créteil (ce.recteur@ac-creteil.fr, ce.drh@ac-creteil.fr), et/ou envoyez vos témoignages à salah_lamrani [at] yahoo [point] fr (ou à Maître Jean-François CANIS, mon avocat, en cas d'arrestation : canis.avocats@laposte.net)
Vendredi 27 mai, je suis arrivé à 7h50 à mon poste rue d’Anjou, et avant même de mettre ma chaise en place, je me suis rendu compte que quelque chose n’allait pas : il n’y avait aucun élève devant l’établissement ou aux alentours, et bien qu’il me soit arrivé d’être le premier, c’était à un horaire plus matinal. En voyant la surveillante mademoiselle S. sortir de l’édifice et se diriger vers la rue de Reims, j’en ai déduit que tous les cours y avaient lieu, certainement du fait de l’épidémie d’absents parmi les enseignants – voire les surveillants. Je m’y suis donc rendu immédiatement, bien marri d’avoir raté la rentrée des élèves et l’occasion de voir « tête-de-mort » malgré mon réveil aux aurores, mais heureusement, j’ai été gratifié de ce plaisir plus tard dans la journée.
J’ai pu arriver à Reims juste avant la sonnerie de 8h, et quelques élèves entraient encore, dont un 3e qui est venu me serrer la main et m’a demandé où était ma chaise, que je n’avais pu apporter avec moi dans mon empressement. Je lui ai dit que je l’aurais plus tard et l’ai interrogé au sujet des cours à Anjou, et il a pu me confirmer que tous les cours étaient dispensés à Reims du fait des nombreuses absences parmi les enseignants, notamment les Profs de gym, en voyage scolaire. La proportion de collabos parmi leurs rangs est tout à fait exceptionnelle, du 100% : ils font honneur aux préjugés à leur égard, « Tout dans les bras et les jambes, rien dans la tête et le cœur. » Mais à Romain Rolland, à l’avant-garde de la réforme du Collège, tous les personnels sont plus ou moins pétris dans la fange de qualité inférieure prônée par l’Education Nationale pour l’abêtissement le plus optimal de la population. Made in France, aucun doute là-dessus : nous sommes les maitres-artisans en la matière. Quiconque veut faire de ses enfants des veaux les met entre de bonnes mains.
Tandis que je faisais des hypothèses sur l’identité des enseignants absents, notamment sur les 3 collabos-en-chef (la pimbêche-à-l’emploi-du-temps-mirifique et les deux singes hurleurs) et ma remplaçante, j’ai pu voir toute une classe de 3e venir dans la cour et y stationner une vingtaine de minutes, dans l’attente de deux Profs qui devaient les faire sortir, Saint Georges (qui avait le teint bien plus terreux que trois mois auparavant, lorsqu’il prétendait terrasser le dragon ; il faisait vraiment de la peine à voir) et une autre fière enseignante. Peut-être avaient-ils un temps mort dans leur projet, et à défaut de pouvoir le meubler, ils auront fait attendre les élèves dans la cour tout ce temps. Il est vrai que toutes les classes doivent être bien en avance sur les programmes grâce aux innovations imaginatives et particulièrement efficaces de cette nouvelle direction qui honore tant ses pays natals (Maroc pour tête-de-mort, et Algérie – Oran – pour la folle : je demanderai la déchéance de sa nationalité à Bouteflika !) que sa terre d’accueil, la France, dont ils suivent encore le programme d’acquisition de la langue. Je dois pour ma part trouver d’autres moyens de subsistance, et s’ils veulent des cours particuliers, je ne suis pas rancunier : qu’il s’agisse d’orthographe ou de dignité, j’aime prodiguer aux plus nécessiteux...
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J’ai du reste pu observer longuement la harpie, qui est apparue dans son large costume ocre, les manches retroussées, tantôt les mains dans les poches latérales, tantôt une main dans la poche arrière (elle se la joue « djeune’s », et n’a manifestement pas même le « professionnalisme » vestimentaire de son larbin-adjoint). Elle m’a regardé avec un ricanement sauvage, puis s’est s’incrustée brutalement dans les rangs des élèves parmi lesquels elle disparaissait et réapparaissait au gré d’ondulations saccadées, ponctuées de grasses plaisanteries et d’exclamations gutturales qui laissaient son audience perplexe. Son désir ardent d’en imposer la rendait aveugle à toutes les bienséances, mais elle n’en pétrifiait pas moins son auditoire de gêne, de crainte ou de stupéfaction. Durant un entretien animé avec Saint-Georges, elle lui flatta la tempe avec un gros sourire vorace, le félicitant certainement pour sa servilité toute S1-SNES-ienne, un geste qui ne dut pas lui valoir moins de satisfaction qu’un grognard se voyant tirer l’oreille par Napoléon après la victoire d’Austerlitz. Car elle ne se considérait guère inférieure à l’illustre personnage, et malgré ses failles béantes, l’empire absolu qu’elle exerçait sur le Collège (personnels, parents et enfants) ne lui paraissait pas moins glorieux que celui de Napoléon Ier à son zénith. Du reste, ses lacunes historiques et sa volonté d’en imposer sur le plan des connaissances (sur lequel la publication de sa correspondance dysorthographique l’avait largement discréditée) l’amenaient à comparer régulièrement la lutte anti-terroriste acharnée qu’elle menait à sa propre Bérézina, personne dans ses différents auditoires ne pouvant ou n’osant lui dire que la retraite de Russie comptait parmi les défaites les plus cinglantes de l’Empereur, et que ses rengorgements ne trahissaient que davantage son inculture. Cheveux aux vents, lunettes de soleil ceintes en guise de serre-tête sur une cavité crânienne étroite, elle incarnait parfaitement la crasse ignorance et l’absence de moralité totale du fonctionnaire-bureaucrate d’aujourd’hui, produit et outil du système façonné en quantité industrielle pour étouffer dans l’œuf toute revendication de liberté ou de dignité.
A 9h, l’affluence des élèves aux grilles ne s’est traduite que très timidement dans les quelques salutations qui me furent adressées ou prodiguées de près ou de loin, ce qui est tout à fait normal car je fais dorénavant partie du paysage, et qu’on me remarque plus quand je suis absent que quand je suis présent. Encore une fois, la lutte dure depuis bientôt 4 mois, on approche de la fin de l’année, et il est bien naturel que l’énergie, l’espoir et les manifestations de solidarité des enfants diminuent. En Egypte, un pays où l’oppression est tout de même plus enracinée qu’en France, j’ai vécu cela dès les premières semaines. Mais bien évidemment, la justice d’une cause, qui devrait être le seul critère de mobilisation, ne dépend ni du nombre ni de la chaleur de ses soutiens. Il se trouve qu’en prévision du Ramadan notamment, je me suis replongé dans la lecture de la vie des personnages illustres de l’Islam, et notamment de l’Imam Hussein b. ‘Ali (as), petit-fils du Prophète (saas) qui ne trouva d’autres partisans que sa famille face à « l’armée des musulmans », composée de ses ennemis mais aussi de ses prétendus partisans, et qui fut massacré avec les siens. Son épopée tragique, que je relisais durant ma faction, est une source de courage et d’inspiration sans égale. Tout au long de ma lecture, j’en ai relevé quelques passages que je reproduirai en fin d’article.
J’ai notamment entendu les élèves parler d’une fête de fin d’année dans deux semaines, et il était évident qu’il s’agissait d’un autre établissement car jamais cette direction ne prendrait le risque d’organiser un quelconque événement qui amènerait une affluence de parents et d’élèves, même les remises de bulletins scolaire ayant été ajournées jusqu’à la neutralisation de la menace terroriste que je représente. Et j’ai su que ma remplaçante était présente en ne voyant pas mes 5e C, qui avaient donc commencé les cours avec elle à 8h, et qui ont dû être enthousiasmés par son retour. Maintenant qu’il est évident que je ne reviendrai pas avant la fin de l’année scolaire – la lutte continue et je suis toujours convaincu que je l’emporterai, même si ça dure plus longtemps que prévu –, je peux lui conseiller, afin qu’elle survive aux quelques semaines qui restent, de reproduire ma tradition du vendredi, à savoir le quart d’heure ludique durant lequel je faisais découvrir des œuvres diverses aux élèves – Vallès, Calvin et Hobbes, Honest Trailers, Donald Duck, etc. J’avoue que c’est plus pour mes élèves que pour toi que je le fais ma chère amie, n’ayant cure du bien-être des délatrices. Mais tu en as assez pris pour ton grade, et tu auras la suite plus tard, en justice et ailleurs. Les 15 signataires du courrier de calomnies me présentant comme un déséquilibré – tout comme les parents de la FCPE que je n’ai guère oublié – resteront pour moi du fair game jusqu’à la fin de cette affaire, soit pour plusieurs années, où qu’ils soient. Votre engeance prospère en ces temps troubles et n’affronte que rarement les conséquences de ses actes directement, sinon via le karmaqui suffit bien, mais puisque j’ai l’occasion de relier les points, je ne vais pas m’en priver. Pas par vengeance, mais par esprit de justice et volonté d’édification. J’ai bien vu à quel point l’idée qu’on puisse se défendre si vigoureusement faisait scandale dans les hauts lieux de l’arrivisme, et j’espère rendre justice indirectement à d’autres victimes de harcèlement moral (beaucoup m’ont contacté et se délectent à la lecture de mes chroniques) voire faire des émules.
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Du reste, ma remplaçante n’est pas la seule à avoir du mal. Dès le début de la deuxième heure de cours de la journée, un enseignant criait sans cesse « Silence », vraiment toutes les 5 minutes, et son propos et son accent m’ont permis de reconnaitre mon très-digne voisin de Tizi-Ouzou. Faudrait-il s’étonner que des bouses ne soient pas respectées par leurs élèves ? Au contraire, il faut s’en féliciter. Je travaille pour les enfants, mais je ferai au mieux pour que tout le monde passe une année inoubliable, et pour hanter, à défaut de la conscience (ce serait un pari sur l’inconnu), le quotidien des coupables. Il faut faire des choix dans la vie, vous avez fait le vôtre, j’ai fait le mien, assumons-en les conséquences. La fin d’année sera plus difficile pour vous que pour moi.
Je suis allé chercher ma chaise vers 9h15, et j’ai rencontré un de mes élèves qui m’a informé qu’il y avait encore des enseignants « en grève », ce qui n’est certainement pas le cas, mais du moins confirme qu’une certaine atmosphère pèse toujours sur l’établissement. Il m’a notamment demandé s’il était vrai que la collabo-en-chef était psychiatre, ce qui indiquait que nombre des élèves suivaient mon blog et ma chaîne Youtube, et avaient écouté le bulletin de Radio Libertaire qui a été consacré à cette voyante extra-lucide qui a prédit un attentat devant le collège si on ne me neutralisait pas. Il s’est également plaint du retour de ma remplaçante et m’a demandé s’il était vrai qu’elle avait peur de moi – elle ne sort toujours pas par la porte d’entrée – et si j’allais revenir bientôt. Lorsque je l’ai informé que j’étais renvoyé pour deux ans (ce n’était donc pas encore de notoriété publique), il en a été indigné, et m’a demandé, noble élan pragmatique du cœur, si j’allais continuer à percevoir mon salaire, si j’allais pouvoir toucher le chômage, etc., à quoi j’ai répondu par la négative. Ces pourritures savent bien ce qu’elles font, car étant toujours considéré comme un fonctionnaire, je ne toucherai aucune indemnité. C’est bien la mesure la plus propre à me neutraliser, tout en évitant le scandale d’une révocation. On fera au mieux pour leur donner le scandale ! Mon élève m’a enfin informé que « tête-de-mort » avait interrogé des élèves que j’avais séparés durant une altercation en pleine rue, certainement pour leur demander des informations sur mon action et faire valoir mes actions au Rectorat : cet être servile doit avoir la justice et l’intérêt général dans le sang, et veillera infailliblement à ce que je sois dûment félicité. Merci frère ! Je peux même dire congénère, car tu ne seras toujours qu’un bougnoule pour les gens auprès desquels tu croies te valoriser en te prostituant. Essaie donc de t’épanouir d’une manière saine, et occupe-toi des tiens, au lieu de jouer les serpillères.
En revenant devant Reims avec ma chaise, avant même de la poser, j’ai entendu un « Silence » de la part du voisin de Tizi, et ce n’était pas le dernier cri qu’il allait pousser. J’ai pu distinguer des propos concernant un énoncé de géométrie que la classe ne semblait toujours pas comprendre, mais cela a bientôt dégénéré en aboiements indistincts qui évoquaient plutôt des cours de karaté que de mathématiques. Kiai ! Chi ! Shihan ! Nagashi ! Cela m’amusait au début, mais il criait tellement qu’il m’en déconcentrait dans ma lecture, et j’ai failli lui crier à mon tour de faire un peu moins de bruit, il y en a qui essaient de travailler, sans blague. Enfin, le fait que ce sous-larbin de la deux-sous-et-c’est-cher-payé soit décrié par ses classes prouve qu’il s’est bien intégré dans le moule vaseux du corps enseignant. Et dire qu’il se trouve des personnes pour parler de l’échec du modèle assimilationniste français ! Dans l’Education Nationale, ça marche comme sur des roulettes !
A 10h, j’ai pu être salué par quelques élèves de 5e et 4e, et peu après la deuxième sonnerie, une classe de 3e est venue jouer au football dans la cour sans aucune surveillance, certainement du fait de l’absence de Professeurs et de la difficulté à tenir les élèves en permanence – et, encore une fois, certainement parce que les programmes sont bouclés et que les élèves sont fins prêts pour le brevet. On peut prédire des résultats record. Une maman est venue me trouver pour me demander de mes nouvelles, notamment quant aux buts de ma présence maintenant que j’avais été renvoyé, et j’ai pu répondre qu’en ce qui me concernait, rien n’avait changé sur le plan des principes : je dénonce non seulement l’injustice dont je suis victime, mais également l’oppression qui règne sur cet établissement, et si les parents sont disposés à laisser leurs enfants entre les mains de forcenés analphabètes et autres ectoplasmes, je ferai pour ma part tout ce qui m’est possible pour les protéger. Je n’ai pas pu m’empêcher de dire que j’avais été déçu de l’inaction de la plupart des parents, qui devraient être bien plus investis que moi dans ce combat qui les concerne en premier lieu. Mais j’aurais du moins fait tout ce qui était en mon pouvoir, et continuerai à agir dans ce sens tant que mes ressources me le permettront. Cette maman m’a fait part de son indignation quant à cette situation et m’a souhaité bon courage pour la suite. Ca fait toujours plaisir, et je l’en ai remerciée, mais j’espérais et j’espère encore que les parents feront bien plus que ça pour leurs enfants. Mettez-les donc dans le privé, au moins !
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L'éducation est le passeport pour l'avenir, car demain appartient à ceux qui s'y préparent aujourd'hui. Malcolm X
Des élèves, notamment mes 4e A, sont arrivés à 11h, confirmant que l’emploi du temps des classes continue à être particulièrement clairsemé. Est-ce là une mesure populiste de la KaBot, qui veut regagner les faveurs des élèves, ou une conséquence de la menace (cyber-)terroriste traumatisante qui pèse sur l’établissement ? Mes 4e m’ont appris qu’ils avaient un contrôle sur le Horla, alors que je finissais Maupassant avec mes classes au moment de ma suspension, si bien qu’ils n’ont absolument rien fait depuis. C’est du joli. Ils m’ont demandé si je serais là pendant le Ramadan, la chaleur et le jeûne accroissant la difficulté des factions, mais j’ai répondu que cela ne me gênerait en rien car je jeûne régulièrement, et que seule ma recherche d’emploi constituera un obstacle à ma présence. J’ai su que la collabo en chef était absente, certainement pour se remettre de l’émotion d’avoir eu un bulletin radiophonique consacré à elle, mais le singe hurleur n° 2 est passé à deux reprises devant moi avec sa guitare, sans doute pour composer un nouvel hymne des personnels de Romain Rolland. Je l’ai observé attentivement à l’aller et au retour, mais il n’a pas osé se retourner, tout concentré qu’il était sur un point à l’horizon. Et après que les élèves soient rentrés, j’ai été salué de manière enthousiaste par l’un des miens depuis une fenêtre. Plus la fin de l’année approche, et plus l’illusion même de considération pour les enseignants disparaîtra. Il faut que je fasse quelque chose pour finir en beauté, un petit bouquet final qui comblera les enfants d’aise et accablera les personnels. On y travaille.
Des élèves de 3e m’ont tenu compagnie et m’ont parlé de choses et d’autres, de la puérilité d’une surveillante, passionnée par les affaires de collégiennes, à l’absence du CPE depuis des semaines (la FCPE a-t-elle exigé sa tête au Rectorat ?), et à celle du surveillant-agresseur ce jour, jusqu’à leurs projets pour l’année prochaine, après le brevet – ainsi que mes propres perspectives après mon exclusion. En parlant des enseignants, notamment des signataires de la lettre de délation dont elles avaient eu connaissance via les bandes dessinées qui ont circulé, j’ai émis le souhait que quel que soit leur avenir, elles deviennent autre choses que la sélection de loques et autres bouses exposée dans cet établissement, et que ceux-ci puissent en voir de toutes les couleurs dès que les Conseils de classes seraient passés, lorsque aucune mesure de représailles ne pourrait être prise contre les élèves. D’autres élèves avaient pu me faire part de quelques idées à ce sujet, et je suis sûr qu’elles seront grandement appréciées par les enseignants qui en feront les frais. Encore une fois, la justice immanente, ça existe.
A la pause déjeuner, quelques élèves m’ont salué en sortant, ainsi qu’un passant en voiture qui s’est arrêté pour s’enquérir de ma réintégration, et a été choqué d’apprendre mon exclusion. « C’est la France », lui ai-je dit, en l’assurant que je poursuivrai mon combat. Plus tard, j’ai été salué depuis la cour même d’où les élèves jouaient au football, et avant l’entrée de 13h30, des élèves de 4e et de 3e m’ont demandé de mes nouvelles, et j’ai encore rapporté le détail de mon exclusion. Dès lundi, elle sera certainement connue de tous, mais ce n’était pas encore le cas. Peut-être qu’une petite bande dessinée y contribuera... Entre 13h30 et 14h30, des élèves de 5em’ont salué en se rendant au stade, plusieurs classes n’ayant pas cours l’après-midi. Il faudrait que cette direction de virtuoses puisse concocter de tels emplois du temps à toutes les classes, et, pourquoi pas, aller jouer au foot avec les élèves les après-midis : cette innovation serait certainement appréciée en haut lieu.
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Je commençais à somnoler sur ma chaise, et des nuages m’ont fait craindre du mauvais temps pour l’après-midi, mais heureusement, il n’a pas plu, et j’ai eu droit à une belle embellie. En effet, le moment le plus attendu de la journée a eu lieu autour de 14h40, lorsque le très-digne principal adjoint« tête de mort » est sorti à la tête d’un petit groupe d’élèves. Il a traversé la rue juste en face de moi et ne m’a absolument pas quitté des yeux un instant, soutenant mon regard de manière assidue. Il était vêtu d’un costume-cravate noir et, bien entendu, de lunettes de soleil noires, parodie vivante des « Men In Black » version blédard. Je croyais avoir tout vu mais il m’a vraiment surpris par le comique de son attitude, au point que j’aurais voulu le prendre en photo. Il avait évidemment lu mon Jour 46, et notamment le « Il n’a pas osé croiser mon regard qui le scrutait avec l’attention d’un entomologiste, mais il se donnera courage et s’y risquera peut-être une prochaine fois. Allez, tout ton Maroc natal t’observe. » Et il a trouvé le moyen infaillible de prendre sa revanche et de « faire honneur » à son pays honni (il a vendu toutes ses racines aux puces dès qu’il a posé le pied en France, et aurait demandé à changer son nom en « François-Marie DUPONT »), des lunettes de soleil ! Dieu, qu’il était fier de sa trouvaille et de son courage ! Il en bombait le torse ! Il s’en serait frappé la poitrine en guise de défi simiesque ! J’ai eu toutes les peines du monde à soutenir son regard sans éclater de rire le temps de la traversée (heureusement, il n’y avait pas de voitures, il était tellement concentré sur moi qu’il n’aurait pas remarqué un bus !…), mais j’y suis parvenu, et ce n’est que lorsque j’ai répondu au salut d’un élève qu’il menait à je ne sais quelle activité culturelle que je me suis laissé aller. Et lorsque j’ai reporté mes yeux sur lui, j’ai pu voir que même en s’éloignant, il tournait la tête de mon côté fièrement, déterminé à remporter cette bataille de regards ! Bravo mon petit bonhomme ! Il est vrai qu’il n’y avait pas de soleil, mais le mois de juin approche, tes lunettes feront plus naturel les prochains jours. Je vois que tu arpentes avec décision le sentier ardu de la réhabilitation morale. Si bas qu’on ait pu descendre, on peut toujours remonter à la surface, et les odeurs d’égout les plus incrustées ne résistent pas à un bain à la lavande et à l’eau de javel. Mais sérieusement, c’était plus pathétique qu’amusant, je garde un petit cœur sensible à l’indignité malgré tout. J’ai vraiment dû le traumatiser ce malheureux bourreau-adjoint sadique. Mais je n’ai pas l’impression qu’il en ait tiré de véritables leçons, donc je continuerai à me rappeler à son bon souvenir.
Il n’y avait guère d’élèves à 15h20, au point qu’on se demande si on enseigne quoi que ce soit dans ce collège en fait de cursus classique – car pour les violences, humiliations et autres leçons de vie, on peut prétendre au pompon. Je suis donc reparti après avoir ramené ma chaise. A lundi !
Salah Lamrani
PS : Avant d’en finir, voilà quelques extraits du livre que je lisais traduits de l’anglais pour l’occasion (il faut bien que je travaille ça aussi !), qui relèveront très opportunément le niveau : je ne prétends à aucun autre lien avec ces modèles illustres que le respect et la déférence que je leur professe, et la reconnaissance de leur autorité, bien que je sois incapable de leur faire honneur. Que Dieu me rende digne de leur allégeance.
Muslim Ibn Aqil, émissaire de l’Imam Hussein, est abandonné par ses partisans à Koufa (Irak), terrorisés par l’arrivée du gouverneur ‘Ubaydullah Ibn Ziyad qui sert le calife Yazid
« ‘Abd Allah b. Hazim rapporte :
Par Dieu, j’étais le messager de Ibn ‘Aqil au palais, envoyé pour voir ce que ‘Ubaydullah ferait de Hani. Lorsqu’il fut battu et emprisonné, j’enfourchai mon cheval et fus le premier à entrer dans sa maison pour informer Muslim Ibn Aqil de son sort. Les femmes de la tribu de Murad s’y étaient réunies et s’écriaient : ‘O larmes de tristesse pour Hani ! O deuil pour Hani !’
J’entrai pour voir Muslim et lui donner des nouvelles de Hani. Il m’ordonna d’appeler ses partisans. Les maisons avoisinantes en étaient remplies, et 4000 hommes s’y trouvaient. Il demanda à ses messagers de crier : ‘O gens victorieux, (accourez) au combat !’, et je m’écriai donc ‘O gens victorieux, (accourez) au combat !’ Alors, les habitants de Koufa se rassemblèrent autour de lui. Muslim, que Dieu lui fasse miséricorde, désigna des chefs pour les différents quartiers, et pour les tribus de Kinda, Madhhij, Tamim, Asad, Mudar et Hamdan. Les gens avaient massivement répondu à l’appel et s’étaient réunis, à l’exception d’un petit groupe de retardataires, au point que la mosquée et la place du marché étaient noires de monde. Ils manifestèrent leur enthousiasme débordant jusqu’au soir. La situation de ‘Ubaydullah était critique. Toute son énergie était concentrée sur la porte de son palais qu’il fallait maintenir fermée, car il n’avait que trente membres de sa garde personnelle et vingt nobles à ses côtés, en plus de sa famille et de ses serviteurs. Les nobles absents commencèrent à venir à lui par la porte adjacente à la maison des Romains. Puis, ceux d’entre les nobles qui étaient avec Ibn Ziyad commencèrent à regarder le peuple amassé à l’extérieur. La foule leur lança des pierres et maudit et insulta ‘Ubaydullah et son père. Ibn Ziyad convoqua Kathir b. Shihab et lui ordonna de se rendre auprès des Madhhij qui lui obéissaient et de parcourir Koufa en incitant le peuple à déserter Ibn ‘Aqil ; il devait les apeurer par la perspective d’une guerre et les menacer du châtiment des autorités. Puis il ordonna à Muhammad b. al-‘Ash’ath de se rendre auprès des Kinda et des Hamdan qui lui obéissaient, en brandissant un drapeau qui garantirait la sécurité à quiconque viendrait à lui. Il donna des instructions similaires à al-Qa’qa’, al-Dhuhli, Shabath b. Rib’i al-Tamimi, Hajjar b. Abjar al-‘Ijli et Shamir b. Dhi al-Jawshan al-‘Amiri. Il garda le reste des nobles à ses côtés, craignant de rester sans eux du fait du petit nombre de personnes qui l’entouraient. Kathir b. Shihab sortit et commença à faire en sorte que les partisans de Muslim l’abandonnent. Muhammad b. al-Ashath sortit jusqu’aux maisons des Banu ‘Umara. Ibn ‘Aqil envoya Abd al-Rahman b. Shurayh al-Shibami auprès de Muhammad b. al-Ashath depuis la mosquée. Lorsque Muhammad b. al-Ashath vit le grand nombre de partisans de Muslim, il resta où il était et n’appliqua pas les instructions d’Ibn Ziyad. Puis Muhammad b. al-Ashath, Kathir, b. Shihab, al-Qa’qa’ b. Shawr al-Dhuhli et Shabath b. Ribi commencèrent à persuader les gens de rompre leur engagement avec Muslim en les menaçant du châtiment des autorités, de sorte qu’un grand nombre des membres de leurs tribus et d’autres s’assemblèrent autour d’eux et ils se rendirent auprès de ‘Ubaydullah Ibn Ziyad via la maison des Romains, accompagnés par les membres de la tribu.
« Que Dieu rende ton règne prospère », s’exclama Kathir b. Shihab, « un grand nombre de nobles du peuple est avec toi, ainsi que tes gardes du corps, ta famille et tes serviteurs. Sortons pour combattre tes adversaires. »
‘Ubaydullah refusa, mais il donna un étendard à Shabath b. Ribi et il l’envoya à leur rencontre. Les partisans de Muslim Ibn Aqil restèrent nombreux à ses côtés jusqu’au soir.
La situation de ‘Ubaydullah se renforça. Il convoqua les nobles et les réunit. Ils montèrent sur le toit pour s’adresser au peuple. Ils promirent davantage d’argent et de récompenses à ceux qui leur obéiraient et ils menaçèrent leurs adversaires de saisir tous leurs biens et de les punir d’un châtiment terrible. Ils leur dirent que l’armée de Syrie venait pour les combattre. Kathir b. Shihab parla jusqu’au coucher du soleil. Il déclara : « Ô gens, restez avec vos familles. Ne vous empressez pas à commettre de mauvaises actions. Ne vous exposez pas à la mort. Les soldats du Commandeur des croyants, Yazid b. Mu’awiya, sont à l’approche. Le gouverneur a fait le serment devant Dieu que si vous persistez à le combattre et ne partez pas avant la tombée de la nuit, il privera vos enfants de leurs droits et il enverra vos soldats dans les campagnes syriennes. Ceux qui sont en bonne santé seront responsables des malades et les personnes présentes seront responsables de ceux qui sont absents jusqu’à ce que le dernier de ces rebelles ait subi les conséquences de ses actes de rébellion. »
Les autres nobles s’exprimèrent dans la même veine. Après que les gens aient entendu ce qu’ils avaient à dire, ils commencèrent à se disperser. Les femmes venaient auprès de leurs fils et de leurs frères et leur disaient : « Partez, il y aura bien assez de gens sans vous. » Les hommes venaient auprès de leurs fils et de leurs frères et leur disaient : « Demain, les Syriens viendront contre vous. Que faites-vous donc, vous amenez la guerre et les maux sur nous ? Venez donc. » Ainsi les hommes partaient-ils les uns après les autres. Ils continuèrent à se disperser de telle sorte qu’au soir, au moment de la prière, Muslim b. ‘Aqil pria avec seulement trente hommes dans la mosquée. Lorsqu’il vit qu’il faisait nuit et qu’il n’avait que ce groupe avec lui, il quitta la mosquée et se dirigea vers les portes de Kinda. Il atteignit les portes avec seulement dix d’entre eux. Lorsqu’il quitta la porte, il n’y avait plus personne avec lui pour le guider. Il regarda autour de lui mais ne trouva personne pour le guider, lui indiquer sa maison ou le soutenir si un ennemi surgissait devant lui.
Il errait au milieu des rues de Koufa sans savoir où il allait, jusqu’à ce qu’il arrive aux maisons de Banu Jabala de Kinda. Il poursuivit sa route jusqu’à ce qu’il arrive à une porte devant laquelle se tenait une femme appelée Tawa. Elle avait été une esclave d’al-Ashath b. Qays et il l’avait libérée. Elle avait ensuite épousé Usayd al-Hadrami et lui avait donné un fils appelé Bilal. Bilal était sorti avec le peuple et sa mère se tenait à la porte dans l’attente de son retour.
Ibn ‘Aqil la salua et elle lui retourna ses salutations.
« Serviteur de Dieu, donnez-moi de l’eau », lui demanda-t-il. Elle lui donna un verre et il s’assit. Elle reprit le récipient et le ramena chez elle, puis elle sortit à nouveau.
« Serviteur de Dieu, n’avez-vous pas bu ? », demanda-t-elle.
« Si », répondit Muslim.
« Rentrez donc chez vous », dit-elle. Mais il resta silencieux. Elle se répéta, mais il restait toujours silencieux. Une troisième fois, elle dit: « Gloire à Dieu, serviteur de Dieu, levez-vous – que Dieu vous donne la santé – et retournez auprès des vôtres. Car il n’est pas bienséant que vous restiez assis à ma porte et je ne vous le permettrai pas. »
Alors, il se leva et dit : « Serviteur de Dieu, je n’ai ni maison ni clan dans cette ville. Pourriez-vous faire preuve de générosité et de bonté à mon égard ? Peut-être serai-je en mesure de vous le rendre plus tard. »
« Quel est le problème, serviteur de Dieu ? », demanda-t-elle.
« Je suis Muslim b. Aqil », répondit-il. « Ces gens m’ont menti, encouragé puis m’ont abandonné. »
Hussein (as) en route vers Kufa, interroge un voyageur qui en revient
« Informe-moi des gens que tu as laissés derrière toi », demanda Hussein.
« C’est une bonne question, répondit le voyageur. Les cœurs des gens sont avec toi mais leurs épées sont contre toi. La décision vient du Ciel et Dieu fait ce qu’Il veut. »
« Tu as dit vrai, toutes choses sont entre les mains de Dieu, reprit Hussein. ‘Chaque jour, il est impliqué dans chaque affaire.’ (Coran, 55, 29) Si le sort nous réserve ce qui nous agrée et nous contente, nous louons Dieu pour Ses bienfaits. Il est Celui auprès de qui il faut chercher secours et il faut Le remercier comme il se doit. Cependant, bien que le cours des événements puisse frustrer nos espoirs, Dieu ne détruit pas les âmes de ceux dont l’intention est la vérité et la justice et dont les cœurs sont pieux. »
Un autre voyageur l’exhorte :
« Je t’en adjure, ô fils du Messager de Dieu, en te rappelant Dieu et la sacralité de l’Islam, de peur qu’elle ne soit violée. Je t’adjure devant Dieu de considérer la sacralité des Quraysh. Je t’adjure devant Dieu de considérer la sacralité des Arabes. Par Dieu, si tu essaies d’obtenir ce qui est entre les mains des Banu Umayya, ils te tueront. S’ils te tuent, ils ne craindront plus personne après toi. Et la sacralité de l’Islam sera alors violée, ainsi que celle de Quraysh et celle des Arabes. Ne fais pas ça ! Ne va pas à Koufa ! Ne t’expose pas aux Banu Umayya ! »
Avant le début de la bataille de Karbala, Hussein récite :
« Que les dénégateurs ne s’imaginent pas que le long sursis que Nous leur accordons soit un bienfait pour eux. Ce délai ne leur est accordé qu’afin qu’ils accumulent les péchés. Aussi un châtiment avilissant leur sera-t-il infligé. Dieu ne saurait laisser les croyants dans l’état difficile où ils se trouvent que le temps de distinguer le bon du mauvais. » (Coran, III, 177-178)
Invocation de Hussein, après que tous ses partisans et proches (dont son fils, un nouveau-né), aient été tué à Karbala et avant sa mise à mort
« O Seigneur, si Tu as décrété qu’aucune aide ne nous parviendrait du Ciel, alors que ce soit parce que Ton but est meilleur qu’un secours immédiat. Venge-toi de ces gens qui sont de tels oppresseurs. »