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Hassan Nasrallah : la Résistance libèrera tout le Moyen-Orient (VOSTFR)

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Discours du Secrétaire Général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, durant le Jour du Martyr, le 11 novembre 2015.

Traduction et sous-titres : Sayed Hasan




Transcription : 



[…]

Et parmi les accomplissements les plus importants de ce sang [des Résistants martyrs], nous trouvons les conséquences bénéfiques ici-bas (la Libération, la liberté, la dignité, la sécurité, la paix, la gloire) – tout cela compte parmi les bienfaits d'ici-bas, que nous venons d'évoquer avec des versets (coraniques). Parmi les accomplissements les plus importants (de ce sang), il y a cette âme que nous ont insufflée les martyrs, à notre peuple et aux peuples de notre Communauté (musulmane). L'âme de djihad (lutte), l'âme de la Résistance, l'âme du martyre, la gloire, la dignité, la fierté, l'enthousiasme, la noblesse des cœurs, le refus de la bassesse, de l'humiliation, de l'abandon des principes, de la lâcheté et du défaitisme. Voilà ce que les martyrs ont insufflé à notre Communauté. Cet éveil des esprits et des cœurs, cette conscience, cette détermination, cette persévérance. En d'autres termes, cette revivification des âmes.

Le sang des martyrs a revivifié les âmes de notre jeunesse, de notre génération, de notre peuple et des peuples de notre Communauté, et il nous a apporté la garantie de la persévérance dans la voie de la Résistance et du djihad pour réaliser les objectifs restants, à savoir la libération des terres, des lieux saints, la confrontation du projet sioniste dans la région, et la réalisation des rêves d'indépendance, de souveraineté et de liberté de nos peuples, de nos gouvernements et de nos lieux saints. Tout cela est dû à la grâce du sang des martyrs.

Cet élan des familles, des pères, des mères, des épouses, des enfants, des proches, des voisins, de l'opinion publique. Tout cela n'aurait pas pu être obtenu seulement par des déclarations orales, des prises de position, des discours, des exhortations, des médias. Le sang des martyrs était le plus à même de réveiller les cœurs et d'insuffler l'esprit de Résistance, d'aiguiser les volontés et les déterminations, et c’est lui qui nous a conduits à ce que nous avons aujourd'hui, par la Grâce de Dieu le Tout-Puissant, en fait de force, de capacités, de possibilités, et de puissance pour faire face aux menaces et aux défis. Tout cela est dû à la grâce du sang des martyrs. C'est là notre arme la plus puissante et la plus durable.

Depuis le début, cette âme du djihad et du martyre, ces actions de djihad et ces opérations martyre, ont constitué notre arme la plus puissante face à la tyrannie de l'ennemi, à son appareil militaire prodigieux disposant d'un soutien américain colossal et illimité, depuis l'année 1982 [invasion du Liban par Israël]. Si nous avions attendu de posséder des moyens (militaires) en qualité et en quantité, et à une sorte d'équilibre stratégique avec l'ennemi, il n'y aurait pas eu de Résistance, et il n'y aurait pas eu de Libération. Et l'ennemi se trouverait toujours dans notre pays, sur notre territoire, il s'en serait emparé, le contrôlerait et le dominerait tyranniquement, et aurait réalisé les objectifs de cette invasion et de cette occupation.

De même en Palestine, il en allait ainsi depuis le début et c'est toujours le cas. Aujourd'hui, c'est cette âme (du djihad) qui revivifie une nouvelle fois la Résistance et l'Intifada, et qui impose à nouveau la cause de la mosquée d'Al-Aqsa (à Jérusalem) et des lieux saints au monde entier. C'est cette même âme.
Le gouvernement ennemi peut assiéger le peuple palestinien, et il le fait, il peut diviser les régions palestiniennes en territoires isolés, séparer Gaza de la Cisjordanie, la Cisjordanie des territoires de 1948, et à l'intérieur de la Cisjordanie, telle ville de telle autre ville. (Le gouvernement israélien) peut couper les voies de ravitaillement, et il le fait, et d'empêcher que les armes, munitions ou moyens parviennent aux Palestiniens dans telle ou telle région. Il peut, par une opération sécuritaire, briser ou isoler des factions et réseaux de la Résistance qui préparent des actions de djihad.

Mais il ne peut pas assiéger les individus un par un. Il ne peut pas empêcher qu'un couteau parvienne à la main d'un homme ou d'une femme, d'un jeune homme ou d'une jeune femme, et il ne peut pas mettre fin à ces attaques (au couteau) tant que les jeunes palestiniens et palestiniennes ont cette âme (du djihad). 


Ce que nous avons vu il y a quelques jours à la télévision est une fierté pour tous, et également une leçon pour tous, et surtout pour les hommes de cette Communauté, les hommes qui restent assis et silencieux et abandonnent et fuient leurs responsabilités. Lorsque nous voyons à la télévision cette jeune femme palestinienne, avec une grande sérénité, avec assurance et détermination, alors qu'elle sait ce qui l'attend, à savoir la mort ou la prison à vie, mais avec calme et assurance, elle sort son couteau de son sac à main et poignarde ce soldat, et lorsqu'il s'enfuit, elle continue et le poursuit. Mais le plan de la caméra ne nous permet pas de voir la fin de la scène. C'est une preuve, un argument contre tous les hommes de cette Communauté, et également une source de fierté. A quoi cela est-il dû ? A cette âme (du djihad), cette âme pure et puissante. 


Ce que je veux vous dire en ce Jour du Martyr, à tous les spectateurs et auditeurs, c'est que cette âme, il est de notre responsabilité de la préserver, car depuis des décennies, ils s'efforcent de la contenir, de la briser, de la faire disparaitre, de l'avilir. Ils mènent de véritables guerres contre cette âme de la Résistance, dépensant des centaines de millions de dollars, comme le reconnaissent les USA et leurs instruments (vassaux). Des guerres menées dans les médias, sur les réseaux sociaux, par tous les moyens disponibles, pour rendre douteuse, rabaisser, moquer, avilir, insulter, salir, rejeter, calomnier cette Résistance et tous les moudjahidines (combattants) des mouvements de Résistance de toute la région, afin d'en finir avec cette âme. Car s'ils parviennent à l'éradiquer, à quoi serviraient les missiles, les armes stratégiques, les dépôts de munitions, les structures militaires formidables, les grands nombres (de soldats), tout cela ne serait que de la chair et des os, sans âme, sans dignité, sans volonté. Voilà ce qu'ils veulent nous arracher.

Et nous devons faire face à ce genre de guerre qui a ses instruments internationaux, régionaux et locaux, qui œuvrent jour et nuit ; notre responsabilité est de leur faire face. De même qu'il est de notre responsabilité de préserver les armes de la Résistance pour libérer les territoires qui restent, pour dissuader toute agression, pour être partie prenante de la Communauté qui récupèrera ses lieux saints, nous devons également préserver cette âme.

C'est la responsabilité des savants, des orateurs, des médias, des intellectuels, des hommes politiques, des pères, des mères, des épouses, des familles de martyrs, des blessés, de tout le monde. Nous devons assumer cette responsabilité.

Bien sûr, nous sommes confiants dans notre capacité à préserver cette âme, et même à la développer, et elle se renforce, elle s'élargit, elle s'étend. Et cela confirme l'échec de toutes ces guerres qui ont été menées depuis des décennies, et ce développement en qualité et en quantité que nous trouvons chez la Résistance, chez les hommes, les femmes, les plus jeunes et les plus âgés, et surtout dans la génération des jeunes hommes et femmes, c'est là une autre composante parmi les différents aspects de la victoire de la Résistance sur les types de guerres les plus dangereux qui sont menés contre elle. 

Cet élan, cet entrain, ce développement dans le mouvement de la Résistance est également une conséquence bénéfique du sang des martyrs. Aujourd'hui encore, leur sang nous pousse à aller de l'avant, nous aguerrit sur les champs (de bataille), et nous permet de brandir les poings, les armes et la voix face à l'Occupation, à l'oppression et à la tyrannie, ainsi qu'aux projets d'accaparement (des territoires et richesses) de cette Communauté.

Et l'un des visages les plus importants de cette âme (de la Résistance) est les familles de martyrs, qui atteignent ce statut et cette caractéristique et gagnent ce titre lorsqu'ils offrent l'un de leurs chers comme martyre sur la Voie de Dieu, qu'il s'agisse d'un fils, d'un frère, d'un père, d'un époux, d'une épouse, d'une sœur, d'une fille, etc. Les familles de martyrs comptent aujourd'hui parmi les fruits du sang de ces martyrs.

Cet état d'esprit élevé que nous trouvons chez les familles des martyrs, ce sentiment humaniste, moral, de djihad, est également un bienfait de ce sang, qui laisse ses traces chez le père, la mère, l'épouse, les fils, les filles, les frères, les sœurs, les proches, l'entourage... Lorsque nous considérons les familles de martyre, que nous portons notre regard sur l'un des accomplissements de ces martyrs, que voyons-nous chez les familles de martyrs ?

Nous les entendions précédemment, et j'avais déjà écouté ce propos hier, et je l'ai visionné dans sa totalité. Que trouvons-nous auprès des familles de martyrs, qui se trouvent actuellement parmi nous dans ces husseyniyats (lieu de dévotion) et assemblées ? Nous ne voyons chez eux que la persévérance, la patience, la pondération, le contentement face à ce qu'a décrété pour eux Dieu le Très-Haut, la reconnaissance envers Dieu pour ce qu'il a décrété pour eux, la fierté, l'orgueil de leurs martyrs et de ce qu'ils ont accompli, la détermination à poursuivre la lutte, et la disposition à donner et sacrifier plus encore, promptement.

Les Américains, les sionistes et leurs instruments dans la région, et beaucoup d'ennemis et d'opposants s'imaginent que lorsque nous apportons la nouvelle du martyre, ou son corps, sa dépouille pure à sa famille, que le Hezbollah fait alors face à de gros problèmes. Mais je vous le déclare, tout ce que nous voyons de la part des familles des martyrs, de leurs pères, de leurs mères, ils déclarent aux frères ou aux sœurs qui viennent à eux (avec cette information) que (leur proche) qui a trouvé le martyre est leur garantie de sécurité, leur fierté, leur orgueil, leur gloire, et qu'ils remercient Dieu de ce qu'il a décrété pour eux, et que le reste de leurs enfants est présent (et prêt à aller combattre), un, deux, trois, quatre, cinq.

Et certains l'ont déjà fait, car on trouve des familles qui comportent deux, trois, quatre martyrs, ce qui prouve la sincérité de ces déclarations. Ce ne sont pas des déclarations exagérées ou embellies, et ce que vous venez d'entendre de la part de familles de martyrs prouve la vérité de ce en quoi ils croient, et ils sont véridiques et sincères dans chaque lettre, chaque mot qu'ils prononcent.

Oui, voilà ce que l'on voit de la part des pères, des mères et des familles de martyrs. Et cela est dû à la grâce de ce sang.

C'est pourquoi, lorsque nous possédons dans notre pays et dans notre Communauté de tels martyrs et de telles familles de martyrs nobles et endurantes, fières et généreuses, il ne nous est pas permis d'avoir peur ni des menaces, ni des défis, pas plus qu'il n'est permis d'avoir des craintes quant à l'avenir, car nous possédons cette force : la véritable force est celle-ci. C'est après elle que viennent les capacités matérielles, les compétences, l'expérience, les armes, les possibilités, qui renforcent notre puissance dans cette lutte.

Tant que nous resterons un peuple vivant (éveillé), tant que nous posséderons ces (Résistants) vivants, ces vivants parmi les « hommes qui ont tenu loyalement leur engagement vis-à-vis de Dieu ; certains d'entre eux ont déjà accompli leur destin (le martyre) » et ont vu leur vie s'aguerrir et se renforcer, « et d'autres attendent leur tour» [Coran, XXXIII, 23], tant que nous entendrons ces déclarations et ces prises de position de leur part, alors tout cela nous poussera à davantage de détermination, de persévérance, de force, de présence, de certitude et de confiance dans l'avenir. La confiance dans l'avenir.

Ils veulent que notre peuple, que nos peuples et notre Communauté (arabes et islamiques) soient réduits au désespoir, afin qu'une fois désespérés, nous renoncions à nos causes, abandonnions nos lieux saints, délaissions nos responsabilités et fuyions en mer, dans l'exode mortel des réfugiés, ou que nous fuyions dans des sentiments et conceptions réprouvées par Dieu et dans lesquelles il y a notre perte à tous. Mais tant que cette force vitale et que ces vivants seront présents parmi nous, nous ne devons permettre à aucun désespoir de s'emparer de nous.

Voilà ce que je voulais dire en première partie, et en vérité, à travers cette commémoration bénie [Jour du Martyr], nous pouvons voir (s'accomplir) la promesse que Dieu le Très-Haut nous a faite. C'est là la récompense d'ici-bas, et nos martyrs ont atteint la récompense de l'au-delà dans le monde intermédiaire (barzakh), et ils attendent la plus grande partie de cette récompense pour la Grande Résurrection, et nous profitons également des bienfaits d'ici-bas. 

Tels sont les bienfaits d'ici-bas, cette grandeur, cette noblesse, cet honneur, ce sentiment de puissance, cette capacité à faire face aux défis, la sécurité, la paix, la quiétude, etc. […]
 



Vous voulez la guerre ? La Russie est prête !

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Par Pepe Escobar

Article original : "You Want War ? Russia is Ready for War" (Sputnik, le 15 décembre 2015)
Traduction : JFG- QuestionsCritiques


Personne n’a besoin de lire l’œuvre de Zbigniew Brzezinski, Le Grand Echiquier (1997), pour savoir que la politique étrangère des Etats-Unis tourne autour d’un unique thème englobant tout : empêcher — par tous les moyens si nécessaire — l’apparition d’une ou plusieurs puissances capables de gêner l’unilatéralisme arrogant de Washington, non seulement en Eurasie mais dans le monde entier.

Le Pentagone porte ce même message enchâssé dans le jargon démocratique : la doctrine de la domination à spectre total (the Full Spectrum Dominance doctrine).

La Syrie conduit toutes ses estimations à s’effondrer comme un château de cartes. Il ne faut donc pas s’étonner si la norme actuelle à Washington, qui est dépourvue de toute chaîne visible de commandement – on peut à peine qualifier l’administration Obama de canard boiteux -, est l’angoisse.


Le Pentagone s’est à présent engagé dans une escalade de type guerre du Vietnam en posant ses bottes sur le terrain dans tout le « Syrak ». 50 commandos se trouvent déjà dans le nord de la Syrie pour « conseiller » les Kurdes syriens du YPG, ainsi que quelques sunnites « modérés ». Comprendre : leur dire ce que Washington veut qu’ils fassent. La présentation officielle de la Maison Blanche est que ces commandos « soutiennent les forces locales » (les mots d’Obama) en coupant les lignes d’approvisionnement conduisant à la capitale du faux « Califat », Rakka.

200 autres forces spéciales envoyées en Irak vont bientôt suivre, prétendument pour « livrer un combat direct » contre la direction de Daech/Etat Islamique, qui est maintenant installée à Mossoul.

Ces développements, présentés comme des « efforts » pour « se réengager partiellement en Irak et en Syrie » conduisent le petit monde des think tanks américains à formuler des rapports hilarants à la recherche de « l’équilibre parfait entre une invasion à grande échelle et un désengagement complet » — lorsque tout le monde sait que Washington ne se désengagera jamais des ressources pétrolières stratégiques du Moyen-Orient.

En théorie, toutes ces bottes américaines sur le terrain devraient bientôt se coordonner avec une nouvelle coalition spectaculairement surréaliste de 34 pays « islamiques » (l’Iran n’y a pas été invité), créée pour combattre Daech par rien de moins que la matrice idéologique de toutes les variantes du salafisme djihadiste de l’Arabie Saoudite wahhabite.


La Syrie est désormais « l’aérogare » des coalitions. Il y en a au moins quatre : le « 4+1 » (Russie, Syrie, Iran, Irak plus Hezbollah), qui combat vraiment Daech ; la coalition emmenée par les USA, une sorte de mini combinaison Otan-CCG, mais avec le CCG qui ne fait rien ; la collaboration militaire directe entre la France et la Russie ; et la nouvelle comédie « islamique » emmenée par l’Arabie Saoudite. Elles s’opposent à un nombre stupéfiant de coalitions et d’alliances salafistes djihadistes de circonstance qui peuvent durer quelques mois comme quelques heures.

Et puis, il y a la Turquie, laquelle joue un double jeu vicieux sous Erdogan.

Sommes-nous une fois de plus face au syndrome Sarajevo ?

« Tendues » ne commence même pas à décrire les tensions géopolitiques actuelles entre la Russie et la Turquie, qui ne montrent aucun signe d’affaiblissement. L’Empire du Chaos en profite sans modération en tant que spectateur privilégié, tant que les tensions durent, les perspectives d’intégration de l’Eurasie sont nulles.

Les services de renseignements russes ont certainement anticipé tous les scénarios possibles impliquant l’armée otano-turque à la frontière turco-syrienne, de même que la possibilité qu’Ankara ferme le Bosphore et les Dardanelles pour « l’Express syrien » russe. Erdogan pourrait ne pas être assez fou pour offrir un nouveau casus belli à la Russie. Mais Moscou ne prend aucun risque.


La Russie a placé des navires et des sous-marins capables de lancer des missiles nucléaires au cas où la Turquie, sous la couverture de l’Otan, déciderait de frapper les positions russes. Le Président Poutine a été clair : la Russie utilisera l’arme nucléaire si nécessaire au cas où ses forces conventionnelles seraient menacées.

Si Ankara opte pour une mission suicide en descendant un autre Su-24, ou un Su-34, la Russie dégagera tout simplement l’espace aérien tout le long de la frontière au moyen de ses S-400. Si Ankara, sous la couverture de l’Otan, répond en lançant l’armée turque contre les positions russes, la Russie utilisera ses missiles nucléaires, entraînant l’Otan dans la guerre, non seulement en Syrie mais potentiellement aussi en Europe. Et cela impliquerait l’utilisation de missiles nucléaires pour maintenir l’utilisation stratégique par la Russie d’un Bosphore ouvert.


Voilà comment on peut tirer un parallèle entre la Syrie d’aujourd’hui et Sarajevo en 1914.

Depuis la mi-2014, le Pentagone a déroulé toutes sortes de jeux de guerre — jusqu’à 16 fois, sous des scénarios différents – opposant l’Otan à la Russie. Tous ces scénarios étaient favorables à l’Otan. Toutes les simulations ont donné le même vainqueur : la Russie.

Et c’est pourquoi le comportement fantasque d’Erdogan terrifie vraiment un bon nombre d’initiés, de Washington à Bruxelles.

Quelques données sur les missiles de croisière

Le Pentagone a parfaitement conscience de la puissance de feu que la Russie peut déchaîner si elle est provoquée au-delà des limites par quelqu’un comme Erdogan. En voici quelques exemples :
La Russie peut utiliser le puissant missile SS-18 — dont le nom de code attribué par l’Otan est « Satan » ; chaque « Satan » transporte 10 ogives, chacune d’une puissance de 750 à 1000 kilotonnes, suffisante pour détruire une aire de la taille de l’Etat de New York [équivalente à la taille de l’Angleterre].

Le missile balistique intercontinental Topol M est le missile le plus rapide du monde, volant à Mach 21 (25.700 km/h) ; il n’existe aucune défense contre lui. Lancé depuis Moscou, il peut frapper New York en 18 minutes, et Los Angeles en 22 minutes et 8 secondes.


Les sous-marins russes — de même que les sous-marins chinois — peuvent tirer au large des Etats-Unis et frapper des cibles côtières en une minute. Des sous-marins chinois ont fait surface à proximité de porte-avions américains sans se faire détecter, et les sous-marins russes peuvent faire la même chose.

Le système antimissiles S-500 a la capacité de fermer hermétiquement la Russie aux missiles de croisière et intercontinentaux. (Officiellement, Moscou n’admet seulement que les S-500 n’entreront en activité qu’en 2016, mais le fait que des S-400 seront bientôt livrés à la Chine implique que les S-500 sont peut-être déjà opérationnels).

Le S-500 fait ressembler le missile Patriot à un V-2 de la Seconde Guerre mondiale.

Là, un ancien conseiller américain du chef des Opérations navales dit publiquement que tout l’appareil de défense de missiles américain ne vaut rien.

La Russie a une flotte de bombardiers supersoniques constituée de Tupolev Tu-160, qui peuvent décoller de bases aériennes depuis le cœur de la Russie, voler au-dessus du Pôle Nord, lancer des missiles de croisière armés d’une tête nucléaire depuis une distance de sécurité au-dessus de l’Atlantique, et rentrer à la base pour regarder ce qui se passe à la télé.



La Russie peut paralyser pratiquement toutes les bases avancées de l’Otan avec des armes nucléaires tactiques — ou de champ de bataille — à petites charges. Ce n’est pas un hasard si la Russie, au cours des derniers mois, a testé les temps de riposte de l’Otan à de multiples occasions.

Le missile Iskander voyage à sept fois la vitesse du son avec une portée de 400 km. Il est dévastateur contre les terrains d’aviation, les points logistiques et autres infrastructures stationnaires le long d’un théâtre de guerre étendu, par exemple dans le Sud de la Turquie.

Il faudrait que l’Otan mette tous ces Iskander hors service. Mais alors, ils devraient face aux S-400 — ou, pire, aux S-500 — que la Russie peut déployer dans les zones de défense sur presque tous les théâtres de guerre imaginables. Le positionnement des S-400 à Kaliningrad, par exemple, paralyserait toutes les opérations de l’Otan loin à l’intérieur de l’Europe.



Présidant aux décisions militaires, la Russie privilégie l’utilisation du Contrôle Réfléchi (CR). C’est une tactique qui vise à transmettre à l’ennemi une information sélectionnée qui le force à prendre des décisions contraires à ses intérêts, une sorte de virus influençant et contrôlant son processus de prise de décision. La Russie utilise le CR de façon tactique, stratégique et géopolitique. Dans sa jeunesse, Vladimir Poutine a appris tout ce qu’il y avait à savoir à propos du CR à la 401ème école du KGB et ensuite au cours de sa carrière en tant qu’officier du KGB puis du FSB.

Alors, Erdogan et l’Otan, vous voulez toujours faire la guerre ?
Pepe Escobar

Hassan Nasrallah : Voeux pour la naissance du Christ et du Prophète (VOSTFR)

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Discours du Secrétaire Général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, le 21 décembre 2015, après le martyre de Samir Kuntar, Commandant de la Résistance

Traduction : http://sayed7asan.blogspot.fr




Transcription :



[…]

Tout d'abord, dans quelques jours, le monde commémorera l'anniversaire glorieux de la naissance de notre Maître le Messie, que la paix soit sur lui. Et à cette occasion, nous nous tournons vers tous les chrétiens et tous les musulmans, au Liban et dans le monde, pour leur adresser nos félicitations et nos vœux pour cette occasion grandiose.

Quelques jours après également, le monde commémorera la naissance bénie du plus grand des Prophètes de Dieu, Muhammad b. (fils de) Abdallah, que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa famille. Et à cette occasion, nous nous tournons vers tous les musulmans, au Liban et dans le monde entier, pour leur adresser nos félicitations et nos vœux pour cette naissance pure et bénie.

Et nous demandons à Dieu le Très-Haut, par la bénédiction et la grandeur de ces deux Messagers divins grandioses, de répandre sur tous, sur tous les peuples du monde, sur les peuples de notre région et sur notre pays, la miséricorde, la paix, la sécurité, le bonheur et le succès face aux crises et aux épreuves, et d'ouvrir l'esprit et le cœur de tous à l'aspiration au règne de l'amour et de la compassion qu'ont incarné ces deux grands (Prophètes) parmi tous les peuples du monde, et ce jusqu'au Jour de la Résurrection.

[…]

Guerre sans merci au Yémen : « La mélodie de notre exil »

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La ville historique de Sanaa a été ouverte à des populations provenant de diverses régions et milieux depuis le 4ème siècle avant J.C. Elle les a accueillis tout au long de ses périodes prospères et difficiles, devenant un témoin de leurs joies et de leurs peines. Encore une fois, Sanaa est prise dans une période de turbulences, et ses vents portent des mélodies d’exil, au point que ses habitants se sentent comme des étrangers. Aujourd’hui, ils attendent dans la peur et la crainte de l’inconnu.  

Pourtant, la résilience de Sanaa ne peut pas et ne sera pas détruite. Elle continue d’aimer ses habitants, et maintient la conviction que le soleil se lèvera à nouveau. « Mélodies d’étrangers ». Par ses images puissantes, cette courte vidéo donne vie aux poèmes du poète yéménite Abd-al-Aziz Al-Maqaleh, qui rappellent aux citoyens la force et la résilience de leur ville malgré les nombreux conflits.

Le message est un rappel que, peu importe à quel point la ville semble étrangère, ses habitants ne sont pas des étrangers dans leur propre ville. C’est leur ville. C’est chez eux. C’est le lieu où ils feront la différence en tant qu’agents de la paix


Voir également :





La mélodie de notre exil.

Est-ce que la folie est devenue sensée ?
Est-ce que l’irrationalité est devenue raison ?
C’est une question que pose l’esprit humain
paralysé par la peur
et accablé par les chagrins.
Est-ce que la nuit qui répand ses ténèbres sur la terre est devenue une barrière éternelle ?
Ou y a-t-il, après la nuit, un jour
qui a sur la terre une durée déterminée et des périodes fixes ?

Elle est la mélodie de notre exil et la couleur de nos discussions,
et notre prière aux heures de joie et d’ennui.
Qu’importe combien la nuit a recouvert ses montagnes,
et combien le danger a envahi et opprimé ses rues,
qu’importe que la vieille chaîne ait paralysé sa jambe
telle une blessure béante à la face du soleil, sur l’œil de la lune.
Un ouragan dévastera les ténèbres de son jour
et une aube généreuse l’embrassera dans sa tendresse.

Nous avons brisé le visage de notre exil,
et ce que nos nuits étrangères ont conservé en fait de fausses images.
Les navires du départ se sont fracassés
et elle a expiré dans les bras de notre rive véritable.

Sanaa est incontournable.

Un jour, le chant du destin a été entonné depuis notre exil.

Sanaa est incontournable, si long que soit le voyage pour l’atteindre.
Elle est incontournable.
Notre amour, son désir de nous revoir
font résonner cet appel tout autour de nous : « Où trouverons-nous refuge ? »
Nous avons porté ses chagrins et ses blessures sous nos paupières, ils ont germé et les fruits sont mûrs.

Sanaa... Même si elle s’endort sur ses chagrins pour un temps...
Même si elle s’endort sur ses chagrins pour de bon, et que la torpeur et l’engourdissement la saisissent.
Son aube se révoltera à la face des ténèbres, sans aucun doute,
et ce jour-là, la pluie noiera sa sècheresse.

Oeuvre du poète yéménite Abd-el-Aziz Al-Maqaleh, dans “Réalité insensée”, « Sanaa est incontournable »

Guerre de l'information : ZDF a-t-elle falsifié un documentaire sur l'Ukraine ?

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Depuis les événements dramatiques de février et mars 2014 en Ukraine, qui ont vu le renversement du gouvernement de Viktor Ianoukovitch, jugé sinon pro-russe, du moins pas assez pro-européen, puis la sécession de la Crimée et son rattachement à la Fédération de Russie, la Russie a été accusée d'intervenir militairement en Ukraine. Le nouveau gouvernement de Kiev y mène une guerre contre les séparatistes du Donbass, forces pro-russes qui le tiennent en échec. Si la présence de troupes russes en Crimée durant le référendum d'auto-détermination (les « hommes verts courtois », qui n'ont pas tiré un seul coup de feu) a été reconnue par Moscou, et que le soutien humanitaire et militaire de la Russie aux séparatistes est incontestable, la question de la participation directe de forces russes aux combats reste vivement débattue.

Le Président russe Vladimir Poutine l'a maintes fois niée, et durant sa récente conférence de presse du 17 décembre 2015, il a encore déclaré en réponse à une question sur des échanges de prisonniers qui incluraient des citoyens russes : « Nous n'avons jamais dit que nous n'avons pas d'hommes qui s'y occupent de certaines choses, y compris dans le domaine militaire, mais cela ne signifie pas que des troupes russes régulières y sont présentes. Appréciez la différence. » Cela semble consistant avec ce qu'il avait déjà déclaré auparavant, à savoir le fait que les citoyens russes qui s'étaient rendus dans le Donbass pour y combattre l'avaient fait de leur propre chef et non pas en tant que soldats en service diligentés par leur gouvernement. Ne serait-ce qu'un jeu sur les mots ? Ce propos établit du moins que l'appui militaire de la Russie aux séparatistes est officiel, même s'il y a discussion sur son ampleur (conseil, armements, tirs d'artillerie transfrontaliers, participation aux combats, etc. ?). Il n'est pas sûr que la Russie aille plus loin que les Etats-Unis dans leur propre soutien au gouvernement de Kiev, qui comporte également une composante militaire officielle.

Si la guerre du Donbass ne fait plus les titres de l'actualité, la guerre de l'information continue, comme le montre ce reportage de la chaîne nationale russe Rossiya 1 du 22 décembre. Il affirme que la principale chaîne TV nationale allemande, ZDF, aurait falsifié un reportage sur le Donbass en payant un acteur pour jouer le rôle d'un soldat russe, afin d'entretenir le climat de propagande anti-Poutine et de russophobie. La ZDF, dans un communiqué sur son site, a nié en bloc les accusations russes, pourtant étayées, non seulement par le témoignage du jeune homme recruté pour jouer le volontaire russe, mais aussi par des documents photographiques et vidéo. 

Il est bon de rappeler qu'en septembre 2014, cette même chaîne ZDF avait produit une émission parodique qui dénonçait justement la propagande anti-russe des médias allemands quant à la crise ukrainienne, mais qu'en février 2015, elle avait publié une photo de chars russes en Ossétie du Sud en 2008, avec la légende « Blindés russes près d'Isvarino, dans la région de Lugansk, le 12 février 2015». Quoi qu'il en soit, cela donne un aperçu original des tensions entre l'Occident et la Russie, et de la guerre de l'information qui est livrée pour conquérir l'opinion publique. 

Sayed Hasan


Traduction : http://sayed7asan.blogspot.fr/

Merci à Thalie pour son aide.

Les marchands de soupe de la Mission laïque française: violences et omerta (2)

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Récit de l’affaire Sayed Hasan /
Mission laïque française (MISR Language Schools) & Services de l’Ambassade de France au Caire

 Deuxième partie




Les faits évoqués ci-dessous sont attestés par des documents et témoignages multiples et explicites. Des notes de fin de document fournissent des extraits éloquents de ces éléments de preuve. Les noms marqués d’une étoile (*) ont été modifiés.

Ce dossier est actuellement instruit aux prud’hommes et auprès du Défenseur des Droits, et il reste en voie de complétion. Tous les acteurs de cette affaire et quiconque peut apporter un témoignage (personnels de la MLF ou des services diplomatiques, enseignants, parents d’élèves, etc.) ou des documents quelconques sur ces instances sont instamment invités à le faire en mentionnant, le cas échéant, s’ils souhaitent que leur participation soit anonyme.

Merci d’adresser toute correspondance à cette adresse e-mail : 7asan.saleh@hotmail.gmail.com

Pour précision, bien que ces faits survenus en Egypte aient un caractère extrême, ils reflètent une certaine culture au sein de l'Education Nationale, bien qu'elle soit moins exacerbée en France.




https://1.bp.blogspot.com/-uCTrDG0S8BU/Vn1aovPf-AI/AAAAAAAABmI/kT8Q123igVE/s400/Carpetbagger%2BMLF%2BEd%2BF%2BRS.png

Les marchands de soupe / Carpetbaggersde la M*** laïque française



Introduction

1 – Un établissement particulièrement difficile 

2 – La « petite » affaire : S. M. / S. L.

3 – La « grande » Affaire : exclusion illégale, menaces, violences, tentative de subornation et plainte diffamatoire…

4 – … pleinement cautionnées par la direction de la Mission laïque française

5 – Le parti pris des instances diplomatiques

Conclusion                                              



Mise à jour : Pour la publication de la première partie de ce récit et d’un autre article, j’ai été attaqué en diffamation par la MLF en référé, procédure d’urgence. La MLF demandait une censure TOTALE des écrits incriminés et 12 500 euros d’amende, manœuvre d’intimidation et de censure manifeste – j’ai vécu cela et bien pire en Egypte. Par un arrêt du 8 décembre 2015, j’ai été condamné à retirer un seul mot du titre de la première partie (sur plus de vingt pages d’accusations accablantes) et deux lignes d’un autre article (de six pages), qui ont été jugés diffamatoires (pour rappel, Zola avait été condamné pour deux mots de sa lettre J’Accuse), et à payer 2500 euros à la partie adverse, soit plus de 5000 euros de dépenses au total en comptant mes frais de défense. Je souhaite faire appel de ce jugement si j’en ai les moyens, et j’en appelle à la solidarité des lecteurs pour mes frais d’avocat, que je devrais être en mesure de rembourser en cas de victoire (cf. lien « Soutenir Sayed Hasan » ci-contre, en remerciant par avance tout soutien).  




2 – La « petite » affaire : S. M. / S.L.

Hostilité de S. M. à mon égard dès mon arrivée

Il a été établi par divers témoignages écrits des élèves, parents et professeurs que mon collègue Samuel M. a toujours été hostile à mon égard, et m’a maintes fois provoqué gratuitement à l’intérieur de l’établissement, devant mes élèves, sans que je réagisse[1]. Samuel M. m’en voulait d’avoir été embauché pour un poste qu’il convoitait : Professeur de Philosophie à temps partiel, il avait assuré l’intérim au poste de Professeur de Français laissé vacant par le départ précipité de Myriam* H., par défaut, avant mon arrivée. Cela lui avait octroyé un temps complet avec heures supplémentaires, entraînant une augmentation notable de son salaire, et son contrat était en voie de renégociation. Frédéric T. lui avait laissé entendre qu’il pourrait conserver ce poste jusqu’à la fin de l’année, mais au même moment, il me recrutait à Paris pour ce même poste, ce qui fut ensuite annoncé à la surprise générale. Considérant que je lui avais « pris » ce poste de Professeur de Français, Samuel M. n’a eu de cesse de vouloir m’en écarter. 

Une collaboration fut mise en place entre nous par Frédéric T. pour les classes de 4e, qui étaient les plus turbulentes et qui ont été dédoublées pour faciliter leur remise au travail. Cela a constitué pour Samuel M. une occasion d’essayer de m’évincer de ce poste, d’autant plus qu’il était entendu que ce dédoublement ne serait que temporaire, et que les classes reviendraient ensuite à l’enseignant le plus apte et le plus qualifié. Samuel M., n’ayant ni expérience ni diplômes pour l’enseignement du Français (nous avons vu que MISR était peu regardant quant aux qualifications des enseignants), ne souhaitait aucunement revenir à sa faible dotation horaire de « Professeur de Philosophie ». Il a donc sciemment saboté cette collaboration et cherché à me mettre en difficulté, ne se tenant pas au programme convenu avec les élèves – que nous avions en commun –, ce qui me mettait dans une situation malaisée face à eux : en effet, je découvrais durant mes propres cours qu’ils avaient déjà fait avec lui ce qu’ils étaient censés faire avec moi, ou qu’ils avaient vu quelque chose de complètement différent de ce qu’on avait prévu. Je m’efforçais alors de sauver les apparences, à mes dépens, car j’y voyais initialement pour cause des faux-pas de Samuel M. dus à son inexpérience – il enseignait le Français pour la première fois –, et non de la malveillance. Mais au fur et à mesure de ces anicroches, je me suis rendu compte que mon collègue ne jouait pas franc-jeu. Cela a progressivement été révélé dans la différence entre ce qu’il me disait, qui était initialement consensuel et cordial, et ce qu’il faisait ou m’écrivait, qui différait radicalement de ce que j’avais entendu de sa propre bouche et semblait manifestement vouloir me déconsidérer et me mettre en faute[2]. Ainsi, il ne s’est pas présenté au premier Conseil de classe des 4e du 17 décembre, sans en notifier quiconque, alors qu’il m’avait assuré l’après-midi même qu’il y serait (cf. note n° 9) : nous nous étions répartis les tâches mais il ne voulait apparemment pas se confronter aux parents en évoquant les difficultés rencontrées avec ces classes, un exercice toujours périlleux, comme cela a été montré dans la première partie, et j’ai donc dû mener à bien cette tâche seul. Tous ces « errements » ne l’empêchaient pas d’adopter un ton condescendant dans ses échanges avec moi, ce qui ne laissait pas de me surprendre, et je me voyais contraint de répondre de manière circonstanciée, pressentant que ces courriels pourraient être réutilisés contre moi[3].

Samuel M. s’estimait manifestement en concurrence avec moi, et voyant que j’avais incontestablement la faveur des élèves, il est allé jusqu’à me traiter d’un air dédaigneux en leur présence même[4]. Cette hostilité était si flagrante que malgré mon silence à ce sujet et ma volonté de sauver les apparences devant les élèves, elle était connue de ceux-ci et de leurs parents, qui en ont témoigné par écrit, dénonçant l’hostilité et le « racisme » de Samuel M. à mon encontre – ainsi que le « racisme » institutionnel dans cet établissement « français »[5]. Samuel M. a ensuite refusé ouvertement toute collaboration, alors que nous nous étions engagés, sous la directive du Proviseur, à travailler de concert. Ces tensions devenant ingérables, j’en référai à Frédéric T. qui nous reçut dans son bureau le 15 janvier, afin de démontrer du moins, en prévision de la suite, que le refus ne venait pas de moi. Samuel M. n’hésita pas à mentir effrontément et à nier l’existence de courriels que je lui avais adressés, et à démentir lui-même ses propres courriels[6], tablant sur le manque d’autorité et de crédit du Proviseur, qui étaient de notoriété publique. M. T. fut incapable de trancher entre nous et d’imposer le respect de ses directives à Samuel M., qui refusait obstinément – et impunément – toute collaboration, alors que cela avait été annoncé aux élèves et à leurs parents, et Frédéric T. se contenta de nous renvoyer dos à dos en maintenant ses instructions. Le manque de professionnalisme manifeste de M. M. visait à me discréditer et à retarder autant que possible la « réunification » prévue de ces classes, qui, dans cet objectif, devaient suivre une même progression[7]. Les provocations répétées de Samuel M. sont documentées par de nombreux échanges d’e-mails entre lui, le Proviseur et moi-même[8]. Ainsi concluais-je dans un courriel à Frédéric T. daté du 15 janvier, après avoir évoqué tous les agissements de Samuel M. : « Il essaie de me mettre en faute pour des raisons qui finiront bien par se dévoiler[9]. »




Bien que ce soit Samuel M. qui ait refusé la collaboration, et que le poste me revenait de droit (j’avais été recruté à Paris pour cela, et j’étais diplômé et expérimenté pour un tel poste, contrairement à lui), les classes de 4e lui ont finalement été attribuées et j’ai été placé avec d’autres classes à partir du mois de mars, Frédéric T. arguant de la bienveillance avec laquelle la direction égyptienne le considérait, contrairement à moi. Les manœuvres de Samuel M. furent donc couronnées de succès. J’ai vivement contesté cette décision dans un courriel[10], mais en vain, et j’ai finalement dû m’y résigner. Je me suis donc vu retirer mes classes de 4e qui m’avaient coûté tant d’efforts, au moment même où ils portaient tous leurs fruits, à mon grand dam et à leur grande déception, comme ils l’ont spontanément manifesté dans des mots qu’ils m’ont adressé le dernier jour de cours avec moi, le 21 février – ils savaient que je n’allais plus les avoir en classe entière après les vacances scolaires d’hiver, mais seulement en module[11]. Mais à partir de la rentrée (10 mars), tandis que je m’investissais de mon mieux dans mes nouvelles fonctions aux côtés de mes collègues dans les classes de 5e où on m’avait affecté[12], les cours de 4e en classe entière avec Samuel M. se passaient très mal. Les élèves protestaient de manière de plus en plus véhémente contre une décision qu’ils jugeaient injustifiée et exigeaient mon retour (bien évidemment, je ne leur avais rien dit des raisons de cette éviction, qu’ils devinaient plus ou moins), allant jusqu’à annoncer leur intention de faire intervenir leurs parents auprès de la direction. Dans un courriel à mes proches daté du 27 mars, je décrivais ces élèves ainsi : « ils me regrettent grave, c tjrs un attroupement des deux 4e autour de moi, me disant pqoi on vous a plus, etc. » Samuel M., sachant que c’est entre les mains des parents que reposait le pouvoir décisionnel, s’est vu confronté à la perspective de la perte de son temps complet si durement obtenu, et a redoublé d’efforts pour me pousser à la faute, comme je m’en plaignais déjà depuis deux mois. Mais malgré ma plainte officielle, Samuel M. n’avait nullement été sanctionné par la hiérarchie, au contraire, et il a donc été libre de poursuivre son harcèlement[13].

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Avec une de mes classes de 4e



Les incidents du 27 mars 2013

C’est pourquoi, le 27 mars au matin – le jour de l’agression contre M. François* E., après laquelle Samuel M. pouvait espérer que je ne serais pas aussi maître de moi-même que je l’avais été jusque-là, et que je répondrais enfin à ses provocations –, M. M. est-il venu me provoquer manifestement devant mes élèves, en plein milieu de la cour, adoptant ostensiblement une attitude de dédain et de mépris, me narguant et me menaçant sous les yeux de mes élèves. Des parents ont rapporté les témoignages directs de leurs élèves au sujet de cette agression[14]. Bien entendu, Samuel M. n’est nullement parvenu à me faire réagir, et je l’ai ignoré, mon professionnalisme m’interdisant de répondre à une agression sous les yeux de mes élèves. Mais je m’étais promis que je tirerais cela au clair dès que l’occasion se présenterait à l’extérieur de l’établissement.

Après la fin des cours, à l’extérieur du Lycée, une altercation a eu lieu entre Samuel M. et moi-même. Nous nous étions retrouvés fortuitement, à plusieurs centaines de mètres de l’entrée de l’établissement, sur la grand-route où les Professeurs hélaient les taxis. Il était avec sa compagne Isabelle C., enseignante en primaire, et la scène a commencé sous les yeux d’une collègue, Fabienne* I., puis s’est déroulée sous les yeux de trois autres collègues, Farid* Y., Sylvie* F. et Jean-François* T., qui en ont témoigné par écrit.
J’ai demandé à Samuel M. de m’expliquer l’objet de sa provocation quelques heures plus tôt au Lycée : en effet, je l’avais complètement ignoré, car je m’astreins à des limites rigoureuses dans le cadre de mon travail, mais ici, dehors et loin de l’école, je n’aurais pas cette difficulté à lui répondre. Il m’a rétorqué qu’il souhaitait effectivement avoir une explication sérieuse avec moi, et qu’il suffisait pour cela de retourner à l’école, faisant un mouvement vers celle-ci. Je lui ai répondu que des hommes dignes ne parlaient pas comme ça, que si on devait en venir aux mains, on le faisait loin des regards – surtout des regards d’enfants dont nous sommes les Professeurs. Mais sa réponse m’avait clairement fait comprendre, si le doute était encore permis, qu’il ne voulait qu’une seule chose, me pousser à la faute, à la violence dans le cadre de l’école (ou le plus près possible, car il m’incitait clairement, verbalement et physiquement, par ses mouvements et déplacements, à retourner vers celle-ci) pour m’évincer de mon poste. La joute est restée verbale, M. M. m’expliquant avec morgue qu’il était un Professeur, que j’étais un violent, que je le menaçais, et que la Mission laïque française en serait informée, etc. Echouant à me pousser à la violence physique ou verbale par ces procédés, il m’a frappé sur la poitrine, me disant que j’étais un « petit con » et un « tas de merde », comme deux enseignants, dont le représentant élu des personnels, en ont témoigné par écrit[15]. Face à cette agression physique et verbale caractérisée de sa part, que je n’avais aucunement initiée ni provoquée, une empoignade a commencé, et j’ai fermement repoussé Samuel M.. Isabelle C. (sa compagne) m’a donné un coup de poing auquel je n’ai nullement réagi, ne pouvant lever la main sur une femme. Samuel M. et sa compagne m’ont dit que j’étais malade, fou, etc., et comme ils n’ont pas réagi autrement, l’incident était pour moi clos et je suis reparti à pied en direction de Gizeh – où je venais de trouver un nouvel appartement afin d’être plus proche de mon lieu de travail, et dans une zone plus populaire, le quartier résidentiel et « occidentalisé » de Maadi ne me plaisant guère.

Sur le moment, je ne savais pas que Samuel M. et sa compagne allaient retourner au Lycée pour se plaindre directement à la Direction. Mais même lorsque je l’ai appris par des collègues en fin d’après-midi, cela ne m’a pas fait réagir : un incident s’étant tenu en dehors de l’établissement, en dehors des horaires et du cadre du travail et si loin du Lycée, ne concernait pas directement la Direction de l’école. Tout au plus la police aurait-elle pu être sollicitée, et de ce côté même, je n’avais rien à craindre : des témoins directs pourraient attester de l’identité de l’agresseur et de celle de l’agressé. Je n’avais fait que me défendre en repoussant mon assaillant, de la manière la plus propre à préserver mon intégrité morale et physique et à mettre fin à l’escalade dans laquelle Samuel M. voulait visiblement m’entraîner.

Du reste, le Proviseur de la section française, Frédéric T., a reconnu de lui-même dès le 29 mars, devant témoins que Samuel M. m’avait « tendu un piège[16] ». Il connaissait très bien l’hostilité et la jalousie de Samuel M. à mon égard depuis des mois, pour l’avoir lui-même créée et entretenue avec le dédoublement des classes et son manque d’autorité face au comportement inacceptable de Samuel M.. Il ne faisait donc aucun doute que cette altercation avait été préméditée et initiée par une agression verbale et physique de Samuel M. à mon encontre.

3 – La « grande » Affaire : violences, exclusion illégale, tentative de subornation et plainte diffamatoire

Cependant, le 28 mars au matin, lorsque je suis arrivé à l’entrée de mon établissement avec mes collègues (Sylvie* F., Farid* Y. et Alison* B.), un des vigiles m’a dit qu’il avait reçu pour instruction de la directrice, Nermine NADA, de ne pas me laisser rentrer : on lui avait montré ma photo en disant que je ne devais en aucun cas pénétrer dans l’établissement. Aucune notification écrite ne m’a été fournie. Frédéric T., le Proviseur français, mon seul supérieur hiérarchique d’après les statuts, était alors absent, et ne pouvait être au courant de cette décision, m’ayant adressé un courriel le matin même à 5h15, dans lequel il me demandait simplement des explications sur l’incident survenu la veille. J’en avais pris connaissance juste avant de partir au collège, et je m’apprêtais à lui répondre dans la journée, dès que j’en trouverais le temps[17]. Bien que cette interdiction d’entrer m’ait paru non réglementaire au plus haut point, je n’ai pas voulu faire de scandale devant l’école et devant les élèves. J’ai obtempéré, demandant seulement qu’un message soit transmis à Nermine NADA : pouvait-elle me recevoir ou me notifier de sa décision et de ses motifs par écrit ? Le vigile m’a dit qu’il allait transmettre et m’apporter la réponse. Je me suis donc assis non loin de l’entrée de l’école pour l’attendre.

Comprenant que l’administration égyptienne, avec laquelle j’avais les différends rapportés en première partie, souhaitait exploiter l’altercation de la veille contre moi, et soucieux de pouvoir recueillir tous les témoignages pouvant servir à ma défense, j’ai demandé à mes élèves qui entraient à l’école et me saluaient de faire savoir à leurs camarades que je demandais à quiconque avait été témoin de l’incident entre moi et Samuel M. la veille, à l’intérieur de l’établissement, en témoigne par écrit et me transmette ce témoignage. Pour l’altercation à l’extérieur de l’école, je comptais sur le témoignage des collègues qui étaient présents, et qui témoignèrent effectivement, mais il me fallait des témoignages sur sa dernière provocation à l’intérieur de l’école. Les vigiles ont alors menacé les élèves puis moi-même pour nous interdire tout échange, probablement sous l’instruction de la direction. Et comme je n’obtempérais pas (je ne vois pas au nom de quoi je l’aurais fait, car nous étions à l’extérieur de l’établissement, et qu’il s’agissait toujours de mes élèves), j’ai été violenté par M. Yasser, qui fut bientôt aidé de six à huit gardes, sans raison aucune (si ce n’est de m’empêcher de leur parler), sous les yeux traumatisés d’élèves de 6een pleurs[18]. J’ai résisté de manière passive, sans la moindre violence, malgré la violence verbale et physique qui m’était infligée, surtout celle de M. Yasser qui m’invitait à venir loin du Lycée pour me casser la figure (nos échanges ont eu lieu en arabe), me promettant qu’il s’occuperait de moi tôt ou tard, par les menaces verbales les plus explicites, qui ont été entendues et rapportées par les élèves. Une parent d’élève de 6e en a notamment témoigné par écrit dès le 1er avril : 
« L’une des amies de mon fils, C*, 6eme B, (déléguée) voulait vous parler et a vu Yasser, de l’administration, vous agresser violemment et physiquement et vous éloigner de force de l’enceinte de l’établissement en vous poussant si fort que vous êtes tombé au sol après avoir violemment heurté la voiture, en ajoutant diverses autres menaces selon lesquelles il allait encore vous tabasser. En réalité, pour dire la vérité, cette scène violente était vraiment choquante, et l’a traumatisée, et elle l’a racontée à tous ses camarades qui à leur tour ont été vraiment choqués du comportement de Yasser & ne l’acceptaient pas.[19] » 
Ne me sentant pas en sécurité, et, surtout, n’ayant aucun témoin en ma faveur, aucune ressource à part mon téléphone (qui n’avait presque plus de crédit ; je devais remonter la rue pour le recharger, mais je craignais qu’une fois là-haut, on m’interdise par la force de revenir près de l’entrée de l’école où je devais recevoir la réponse de Nermine NADA), j’ai appelé un ami vivant à Gizeh en lui demandant de venir urgemment à mes côtés. Il est venu seul, a essayé de raisonner les vigiles, est resté environ une heure avec moi puis, voyant que la tension était retombée et ayant du travail, il est reparti.

Grâce à mon ami, j’avais pu obtenir du crédit téléphonique et j’ai contacté François* E. (qui était chez lui, exerçant son droit de retrait suite à son agression par un élève de seconde) ainsi que mes proches en France, leur demandant de prévenir M. T. de ce qui s’était passé[20]. J’ai ensuite attendu toute la matinée sans qu’il se passe rien. Aux environs de midi, un homme est venu à moi, se présentant comme Paul PETIT, de l’Institut de France (Attaché de Coopération Educative représentant M. le Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France), et apparemment sollicité par l’établissement pour servir d’intermédiaire entre les parties. Il m’a dit qu’il s’était entretenu avec Samuel M. la veille, et Nermine NADA le jour même, et qu’il voulait entendre ma version des faits. Il m’a permis de lui rapporter longuement tous les éléments rapportés ci-dessus (première et deuxième parties), et n’a manifesté aucune surprise au sujet des graves problèmes de discipline et de sécurité rencontrés à MISR. Il a même surenchéri en disant que c’était loin d’être le pire établissement français d’Egypte (ce que je savais déjà), et que je n’avais pas idée de ce qui se passait à Balzac par exemple – un autre établissement de la Mission Laïque Française au Caire ; j’avais ouï-dire qu’on y exploite et vire les enseignants avec encore plus de facilité qu’à MISR, recourant jusqu’à des menaces et accusations gravissimes pour neutraliser les réfractaires et obtenir leur départ et leur silence[21]. Le seul propos pour lequel il ait manifesté des doutes concerne la provocation délibérée de Samuel M. à mon encontre, car il avait apparemment du mal à croire qu’un « Professeur de Philosophie » puisse se livrer à de telles agressions préméditées. Un professeur de Philosophie nommé Samuel, ai-je rétorqué, car pour ma part, j’étais plus diplômé que lui même en Philosophie, et on avait apparemment beaucoup moins de mal à croire à une agression de ma part. Mais il a botté en touche en évoquant le coup de tête de Zidane contre Materazzi, disant que même en cas de provocation manifeste, il fallait choisir entre « l’honneur » et la « coupe ». Des témoignages écrits ayant confirmé son agression préméditée par la suite, il ne la nia plus lors de notre entrevue au Consulat (cf. section 3).  

Après m’avoir écouté, Paul PETIT m’a expliqué que concrètement, je devais comprendre que je ne pourrais plus travailler dans cet établissement, que j’étais viré de facto, MISR ayant décidé d’instrumentaliser cette altercation pour se débarrasser de moi – il a convenu que faire passer une altercation en dehors de l’établissement pour une faute professionnelle, avant toute enquête de surcroît, était abusif, mais l’Egypte, a-t-il rappelé, n’est pas un Etat de droit. Il a cependant souligné le fait que Samuel M. et l’établissement avaient accepté de renoncer à porter plainte contre moi et qu’il pourrait m’obtenir mon salaire du mois de mars, me présentant cela comme une faveur. Il m’a conseillé de présenter ma candidature à d’autres établissements hors du réseau MLF Egypte (dans lequel j’étais définitivement grillé selon lui, malgré mon innocence, ce qui était révélateur), m’indiquant les noms de trois établissements au Caire et à Alexandrie où je pourrais postuler – en me précisant qu’il ne fallait pas que je me recommande de lui, son crédit y étant négatif. Lorsque je lui ai rétorqué que j’utiliserais tous les recours légaux et juridiques existants pour faire valoir mes droits, il m’en a dissuadé en m’affirmant qu’il n’y aurait jamais d’enquête, d’audition ou de débat contradictoire comme cela peut se faire dans des contextes plus favorables. Selon lui, une telle enquête ne pourrait se produire dans les règles de l’art que dans des établissements directement sous contrôle de l’Ambassade comme le Lycée français du Caire à Maadi, non dans les autres établissements du réseau MLF qui, de fait, fonctionnaient comme des boîtes privées, de droit égyptien. Cela même est du reste très manifestement faux, un cas similaire s’étant déjà produit au Lycée français du Caire avec un Professeur de Mathématiques, M. H., une année auparavant, en mars 2011 : des accusations fallacieuses avaient été portées contre lui, alors que seul un comportement d’insoumission était en cause et qu’il s’agissait pour le Proviseur Français de neutraliser un élément indocile. L’enseignant n’a reçu aucun soutien des autorités diplomatiques, et n’a été réintégré à son poste que grâce à la forte mobilisation des élèves du collège et du Lycée[22] (il en serait certainement allé de même si j’avais compté des Lycéens parmi mes élèves, plus aptes à une mobilisation efficace, mais j’avais des 6eet des 4e). Paul PETIT m’a affirmé que toute action en justice serait longue (plus de 10 ans), coûteuse et vaine, et m’a déconseillé de porter mon cas à la MLF à Paris quand je lui ai dit que je le ferai, car cela me « grillerait », selon ses dires, non pas seulement en Egypte, mais dans le monde entier. Tout cela démontre, si le doute était encore permis, que la MLF sait parfaitement ce qui se passe dans ses établissements et n’a qu’une seule préoccupation, à savoir que cela ne se sache pas, et ne se perpétue que conformément à la « loi du silence ». Plus encore, voyant que je persistais dans ma détermination à faire valoir mes droits, Paul PETIT m’a averti que la police égyptienne n’était pas la police française, et que je m’exposais à des sévices physiques auprès d’eux si on portait plainte contre moi, ou si je portais plainte moi-même – ce qui s’est effectivement produit, comme il n’a pas manqué de le souligner lors de notre seconde rencontre au Consulat de France. Je lui ai répondu en toutes lettres que me faire passer à tabac par la police en essayant d’obtenir mon bon droit ne me posait aucun problème. Enfin, dernier ressort, voyant que je n’en démordais pas, il m’a prévenu du fait suivant, en répétant deux fois, en guise de précaution oratoire, que « ce n’est pas une menace » : lorsqu’un citoyen français risque de porter préjudice à l’image de la France, « on » (l’Ambassade ou le Consulat, ai-je compris) le prend et on le met dans un avion en direction de la France. Cela n’est rien moins qu’une menace d’enlèvement et une violation de la souveraineté égyptienne par un représentant de l’Etat français, propre sinon à créer un incident diplomatique entre la France et l’Egypte, du moins à y faire déclarer M. PETIT persona non grata. Il est vrai que la MISR Language Schools est la vitrine de la MLF en Egypte (le principal pays de la Francophonie au Proche et Moyen-Orient, après le Liban), et que la MLF est un fleuron de l’action culturelle de la France à l’étranger : il ne fallait pas prendre le risque qu’un individu quelconque mette cette image en péril pour de sottes question de droit ou d’honneur, mots éminemment roturiers comme le rappelait déjà Rousseau. Cela m’a tout de même refroidi, et lorsque nous nous sommes quittés, Paul PETIT pouvait croire qu’il m’avait sinon convaincu par ses arguments, du moins persuadé, par ses menaces, de ne rien entreprendre, bien que je sois reparti sans mon salaire[23].

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Paul Petit, Attaché Culturel de l'Ambassade de France

Ayant eu ma réponse, je suis donc parti. J’ai eu divers échanges téléphoniques avec les parents et leurs représentants, à qui j’ai expliqué la situation. Ils étaient plusieurs à m’avoir contacté pour m’entendre, et me faire part de leur indignation et de leur soutien, et j’ai également eu nombre de messages de soutien d’élèves en larmes et/ou voulant me faire part de leur solidarité, et que j’ai rassurés. En voici quelques échantillons :  

« Bonjour Monsieur S., Je suis très triste que vous êtes partis de l'école, Mais tous le parents ont choisis vous, et on va vous rammener encore dans notre école, Je sais que l'administration est un peu stupid mais,croyez mois Je ne vais Jamais vous oublier<3 Votre propre élève, M* Excusez mois pour mon orthographe. S’il vous plais répondre» (élève de 6e, le 28 mars) ; « Cher M.Sallah, Ne soyez pas triste.M.Sallah on a tous pleurer quand vous etes exclue par l'ecole,on voulais vous voir mais l'ecole nous as dit que c'etait interdit.Je vous souhaite une bonne chance monsieur. Ne soyez pas triste. Toute les 6eme vous aime. » (H*, élève de 6e, le 31 mars). « Cher M.S. La classe de 6 ème A/B est très triste de ce qui a passé le mercredi dernier. Vous êtes le meilleur professeur de français que je le connais ; vous êtes pour nous plus d'un professeur; vous êtes nôtre grand frère . Nous souhaitons tous que la vérité apparaît et on ne veut pas vous perdre . vous êtes مثلي الاعلي [mon plus éminent modèle]À bientôt » (M*, élève de 6e, le 29 mars). « Cher monsieur Nous sommes désolé de ce que c'est passé ,nous voulons vous salue avant de partir mais on n'avaient pas le droit et on a pleuré beaucoup nous voulons vous dire que vous étiez un trés bien professeur pour nous qui nous a enseigné le francais avec un niveaux élevée merci de tout se que vous a fait pour nous et on ne vous oublieront jamais F* » (élève de 6e, le 31 mars)[24]. 

Les élèves de 6e m’ont également informé qu’ils avaient déposé une pétition signée par les deux classes auprès de M. T., demandant mon retour. 

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Avec une de mes classes de 6e

Je ne me suis pas rendu chez moi à Maadi, mais chez des amis à Gizeh, près de mon nouvel appartement, car les menaces de Paul PETIT me faisaient alors véritablement craindre, à tort ou à raison, un rapatriement forcé en France, et je me sentais plus en sécurité dans un quartier populaire. Mon déménagement était prévu pour le 1er avril, mais je l’ai précipité, réalisé de nuit et ai dormi d’abord à l’étroit chez des amis puis dans un appartement poussiéreux qui n’était pas encore prêt à m’accueillir. Le soir, j’ai été appelé par mes proches en France, à qui j’ai parlé brièvement et qui m’ont enjoint à consulter mes mails pour voir les démarches qu’ils avaient entreprises. J’ai ensuite été appelé par M. T., très en colère, qui me demandait des explications sur ce qui s’était passé avec Samuel M. – les circonstances ne m’avaient guère laissé le loisir de répondre à son courriel du matin, car je n’avais pas Internet à disposition. Avant que j’aie pu répondre, il m’a dit qu’il allait interrompre la conversation et me rappeler car Paul PETIT le contactait. Une heure plus tard environ, il m’a rappelé avec un ton très différent (ayant probablement été mis au courant des démarches entreprises par mes proches), m’invitant à le rencontrer le lendemain matin, aux abords de l’école où je me trouvais (mon nouvel appartement était en effet proche de MISR).

Le lendemain matin, Frédéric T. m’a appelé comme prévu, me demandant de le rejoindre au Sofitel de la Gazira (à 20 kilomètres de l’établissement), car il avait trop de choses à faire pour venir vers l’école. Je lui ai dit que je ne pouvais pas aller si loin car j’étais moi-même occupé, et très éprouvé moralement et physiquement – d’autant plus que je craignais toujours un enlèvement. Je l’ai invité à me rejoindre près de l’école à l’heure qui lui conviendrait. Il a changé de ton et m’a appelé au « réalisme », à cesser mes « enfantillages » (qui en effet appelle ses grands frères et sœurs pour régler ses problèmes, a-t-il ironisé) et à comprendre que je n’avais plus d’avenir ni d’élèves dans cette école, et que je devrais plutôt veiller à ne pas compromettre mon avenir dans ce pays par mon obstination. J’ai répondu qu’il usait du même langage d’intimidation que Paul PETIT, que j’en prenais note, et que je restais à sa disposition à n’importe quelle heure dans les alentours de MISR, comme nous en avions convenu la veille. J’ai ensuite adressé un courriel à Frédéric T. pour retranscrire tous ces éléments, également adressés au siège de la MLF à Paris[25]. Frédéric T. m’a alors recontacté, me disant qu’il serait disponible à 16 heures à l’endroit de ma convenance. J’ai fixé un rendez-vous dans un lieu public aux abords du Lycée, et j’ai immédiatement appelé le représentant élu des professeurs, Farid* Y., afin qu’il assiste à cette rencontre : je tenais absolument à respecter autant que possible, en ce qui me concernait, les formes et le cadre légal.

J’ai rapporté tous ces éléments à l’oral lors de mon entrevue avec Frédéric T. et en présence du délégué du personnel enseignant, Farid* Y. M. T. a reconnu le fait que j’avais été agressé par Samuel M.. Il m’a proposé un paiement par-dessous la table de mes salaires jusqu’à la fin de l’année, en échange de mon départ sans vagues. J’ai catégoriquement refusé, exigeant que le contrat soit respecté (aucune faute ne justifiait mon exclusion) et que tout soit fait de manière légale et transparente, et mettant en avant le fait que ma réputation était littéralement inestimable. En effet, mon départ en silence face aux accusations diffamatoires dont j’étais l’objet aurait constitué une reconnaissance des torts très graves qui m’étaient imputés, entachant irrémédiablement ma réputation. Je lui ai fait part de mes cinq demandes, réitérées dans le rapport détaillé (comportant maints documents et témoignages accréditant ma version des faits) que j’ai ensuite adressé le 1eravril à la direction de MISR et à la MLF : 1/ Ma réintégration dans mon poste ; 2/ Ma réhabilitation par des excuses écrites de la direction égyptienne ; 3/ Un blâme et des excuses écrites de la part de Samuel M., avec engagement à ne plus me provoquer ; 4 / Un blâme et des excuses écrites de la part de M. Yasser, qui avait mené les vigiles, pour sa violence physique et verbale à mon égard, ainsi que ses menaces ; 5/ Un nouveau contrat d’un an afin que je sois assuré que je ne serais pas non-reconduit du fait de cet incident. Faute de quoi je mettrais en œuvre tous les moyens légaux à disposition pour faire valoir mes droits, et donner à cette affaire le plus grand retentissement. Nous nous sommes séparés sans que Frédéric T. ne se prononce, soulignant simplement le fait que mes revendications n’étaient pas réalistes en prenant le représentant des enseignants à témoin – ce à quoi Farid* Y. a répondu qu’une telle exclusion sans m’entendre, sans enquête, était elle-même surréaliste. 

Aucune réponse n’ayant été adressée par MISR ou la MLF, mon avocat français les a prévenus par courriel que dans l’absence d’une quelconque notification écrite de leur part, je me présenterais à mon lieu de travail le 1er avril, ce que j’ai fait[26]. Ce jour-là, en arrivant à l’entrée de l’établissement, Frédéric T. s’est présenté à moi et m’a remis une exclusion conservatoire d’une semaine, sans me laisser entrer[27]. J’ai pris le document sans le signer et je suis parti, sans plus me présenter à l’établissement jusqu’au 8 avril, date d’expiration de ce délai. Je n’ai plus reçu la moindre communication de la partie adverse depuis lors, alors que j’avais adressé, le 1er avril au matin, un rapport détaillé de près de 30 pages contenant des documents et témoignages accablants sur l’agression-prétexte de Samuel M., ses antécédents et ses suites, ainsi que mes différents litiges avec l’administration égyptienne, qui constituaient le véritable motif de mon exclusion (cf. première partie)[28]. Et durant la suite des événements, j’ai régulièrement adressé à MISR et à la MLF des courriels récapitulatifs des faits survenus, sans jamais recevoir de réponse. Des personnalités intellectuelles et des journalistes (ainsi que des élus, comme j’y reviendrai en troisième section), sollicités par mes proches et par moi-même, ont pu adresser des courriels investigateurs à la direction de MISR, qui n’ont pas reçu de réponse non plus, mais constituaient un soutien de poids (car démontrant, ce me semble, qu’une mise à exécution des menaces de rapatriement forcé pourrait avoir un certain retentissement).
A l’échéance de mon exclusion conservatoire, le 8 avril au matin, je me suis présenté à nouveau à l’école, mais on n’a pas daigné me laisser entrer, ni me fournir la moindre explication ou notification écrite. J’ai donc stationné devant l’établissement jusqu’à 15h, faisant deux rapports à M. Frédéric T. et à la MLF par courriel, au matin et l’après-midi. J’ai été menacé par l’avocat de l’établissement et les vigiles afin de me faire quitter les lieux, mais je n’ai pas cédé[29]. Suivant les conseils de mon avocat, les jours suivants et deux semaines durant, je me présentais quotidiennement devant mon établissement, de 7h30 à 15h30, debout en plein soleil, afin de prouver que je n’étais pas absent de mon lieu de travail, adressant par courriel des rapports réguliers à M. Frédéric T. et à la MLF[30]. J’ai plusieurs fois subi des menaces et intimidations de la part des vigiles et de l’avocat de l’établissement pour me pousser à abandonner mon poste. Ils tablaient manifestement sur le pourrissement de la situation, comptant que je ne tiendrais pas longtemps à ce régime effectivement très éprouvant, physiquement et moralement. Les démarches de mes avocats et les miennes ont été vaines, l’établissement refusant de me notifier de mon exclusion ou d’envisager toute négociation[31]. J’ai donc envisagé des procédures judiciaires, déposant une première plainte contre l’agression physique dont j’avais été victime de la part des vigiles.
Des courriels diffamatoires ayant été adressés aux parents par les directions égyptienne et française, sans que personne ne daigne m’entendre (j’étais présenté comme un véritable forcené, dangereux pour les élèves eux-mêmes, du reste avec force contradictions du fait de l’absence d’enquête et de la rapidité de la décision, M. T. affirmant qu’il ne savait toujours pas ce qui s’était vraiment passé[32]), j’ai protesté auprès de la direction de MISR et de celle de la MLF, et n’obtenant aucune réponse, j’ai pris l’initiative de convoquer les parents pour leur rapporter ma version des faits[33]. Cette réunion a eu lieu le 7 avril, et j’ai pu présenter aux parents les éléments de preuve accréditant ma version des faits, que j’avais déjà transmis à M. T. et à la MLF en vain. Cela a contraint la direction de MISR à revoir sa copie, et elle a reçu une délégation de parents le 9 avril : l’agression de Samuel M. fut reconnue[34], de même que celle de M. Yasser, au point qu’il fut affirmé aux parents qu’en guise de sanction, leur contrat ne serait pas renouvelé à la fin de l’année (promesse qui ne fut pas tenue). Quant à la décision me concernant, elle fut prétendument remise au Conseil d’établissement du 18 avril, afin de temporiser et de laisser s’estomper la mobilisation des parents, des élèves et, dans une moindre mesure, des personnels, les vacances scolaires du printemps approchant. Du reste, cela contredisait l’annonce de mon exclusion définitive qui avait déjà été faite plusieurs fois aux parents et personnels par écrit[35]. Une parent d’élève de 6e, Mme L.*, s’en était indignée spontanément le 29 mars en ces termes, répondant au courriel de la direction (cité en note n° 32), puis faisant suivre sa réponse aux parents et à moi-même : 
« En ce qui concerne votre message aux parents de 6e, nous informant que l’établissement a renvoyé M. L., à cause d’un incident qui s’est produit en dehors de l’école, je dois vous dire que je trouve votre réaction surprenante : l’école qui a toléré qu’une enseignante coupe les cheveux d’une élève de CE2 l’année dernière, dans la salle de classe (je répète, une ENFANT) et n’a pas mis fin à son contrat est la même école qui juge inacceptable qu’une altercation se produise entre deux enseignants, i.e. deux ADULTES, à l’extérieur de l’école. Et lorsque l’un d’entre eux est venu à vous en pleurant comme un bébé, vous avez pris son parti. Tout le monde sait bien que M. Métaux n’aime pas M. L., et il a déjà exprimé son animosité contre lui à de nombreuses reprises avant cet incident. Il est possible que son attitude condescendante, raciste même, ait pu entraîner une telle réaction de la part de M. L., et il semble qu’ils se soient tous deux insultés durant cet incident en-dehors de l’école. Si M. L. était venu se plaindre à vous en premier, auriez-vous mis fin au contrat de M. Samuel ? […] Ayez l’amabilité de faire part de ma confusion à Mme Nermine [NADA]. Ma confiance envers l’école est ébranlée, et c’est pourquoi je me suis permis d’exprimer mon opinion. ». 
Voir encore ce courriel d’un parent d’élève de 6eà tous les autres parents, daté du 9 avril, et corroborant le propos de Mme L.* : 
« Je suis d’accord avec vous, et si vous creusez dans l’histoire de cette école, vous découvrirez que de tels incidents ne se produisent qu’avec des Français ‘non-purs’ – c’est une honte… :(». 
Dès le 28 mars, la direction égyptienne et le Proviseur français lui-même, ainsi que la vie scolaire, s’évertuaient en effet à justifier mon exclusion et à briser l’élan de solidarité des parents et surtout des élèves (qui se manifestaient chaque jour très chaleureusement, à l’entrée et à la sortie des cours, pendant les récréations et les pauses, etc.). Ils s’efforçaient de les persuader que j’étais dangereux pour eux, que j’étais un agresseur, les menaçaient de sanctions s’ils me saluaient (ces menaces étaient relayées, sous mes yeux même, par la vie scolaire et les vigiles), etc. Les rumeurs les plus folles circulaient, notamment le fait que j’aurais blessé Samuel M. au cou avec un couteau suisse (sic), que j’aurais fait venir une armada de gros-bras pour faire un esclandre devant l’école le 28 mars, etc.[36]. Ces menaces et calomnies constituaient une brutalisation morale éhontée d’enfants de 11 ans, dont tout l’établissement connaissait la grande affection pour moi. Ils m’en ont informés eux-mêmes avec leurs parents par divers moyens – messages, courriels, appels en pleurs (certains parents avaient mes coordonnées et celles-ci ont ensuite circulé)[37]. Les professeurs et élèves étaient menacés de désagréments s’ils m’aidaient ou même me saluaient, comme en ont témoigné enseignants, élèves et parents, et les personnels égyptiens ont même dû s’engager par écrit à ne pas me saluer ou m’assister sous peine de licenciement[38]. 

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 Poste de police des Pyramides, Gizeh

Cependant, voyant que je ne cédais pas et soucieux de mettre fin à cette situation préjudiciable pour l’image de l’établissement, la direction de MISR a décidé de recourir à une manœuvre drastique pour me neutraliser. Voilà le compte rendu que j’en fis par courriel aux personnels de MISR le 25 avril : 
« le 22 Avril, vers 9h30 du matin, à l’entrée de l’école, trois policiers, aidés par l’équipe des vigiles au complet, m’ont gravement violenté sans même me demander pourquoi j’étais là ou me donner l’occasion de m’exprimer. Bien que je leur aie affirmé, comme m’y avait enjoint mon avocat, que j’étais prêt à me rendre au poste de police par mes propres moyens, et que je ne me sois rendu coupable d’aucun acte de violence ou de provocation, j’ai été tout de suite violenté (j’ai été poussé, tiré, frappé à coups de poing, plaqué au sol et même étranglé jusqu’à presque suffoquer, mon lecteur de musique et ma montre ont été cassés ; et après plus de 72 heures, mon corps me fait encore mal), mis de force dans leur véhicule et emmené au poste de police de Gizeh où j’ai été enfermé une heure durant dans une cellule encombrée de 1 mètre carré où je ne pouvais pas même m’asseoir, tout cela à cause des déclarations fausses et diffamatoires de l’école : depuis des jours, comme la police nous l’a révélé (à moi et mes avocats, quand ils sont arrivés), l’administration de MISR appelait la police pour leur dire qu’un fou furieux, très dangereux et incontrôlable, venait devant l’école pour menacer, agresser et insulter élèves et professeurs, ainsi que les prendre en photo, donc ils pensaient qu’ils allaient avoir affaire à un véritable danger public, à un psychopathe (et de fait, je serais d’accord pour dire que les personnes qui brutalisent les enfants, moralement ou physiquement, ne méritent guère d’égards, mais tout de même). » 
Je fus ensuite déféré au Parquet, l’établissement ayant décidé de porter plainte contre moi. Mon avocat me rejoignit et put faire entendre ma version des faits. Une enquête fut diligentée, pendant laquelle il m’a été interdit de m’approcher de l’établissement. 
J’ai donc dû faire face à des accusations diffamatoires infâmantes (agressions verbales et physiques contre des adultes, et même des enfants !) devant la justice égyptienne, portées par l’administration égyptienne de MISR, avec la participation directe du Proviseur de la section française, Frédéric T., qui dissimula puis nia les faits réels. M. T. a effrontément tu les violences dont j’avais été victime, allant même jusqu’à nier qu’une plainte avait été déposée contre moi – pour agressions contre des élèves et autres chefs d’accusation camouflés sous un prétexte absurde qui ne pouvait en aucun cas justifier une arrestation violente et une procédure au Parquet, à savoir le fait que j’aurais filmé des élèves[39]. J’en ai bien évidemment adressé un démenti aux collègues[40], qui a été dénié une nouvelle fois par Frédéric T.[41]. Et le 25 mai, j’ai pu adresser aux personnels la copie de ladite plainte (en arabe, avec une traduction des principales accusations[42]), ainsi que l’attestation de ma disculpation, les accusations de MISR ayant été déboutées par la justice égyptienne du fait de leur inconsistance et de la solidité de mon dossier[43]. Durant l’enquête, je n’avais pu me représenter devant l’établissement, mais dès que j’ai été innocenté, j’y suis retourné. Je l’ai fait le 23 mai, à la sortie des cours. Rarissimes étaient les collègues qui me saluaient encore, mais j’ai reçu un accueil triomphal de la part des élèves. Et en partant, j’ai encore été victime d’une agression et de menaces de la part du responsable des vigiles (Mohamed Mahrous Chafi’i, celui-là même qui, au poste de police, avait cautionné les accusations calomnieuses de MISR à mon égard, accompagné de l’avocat de MISR), visant à me dissuader de revenir devant l’établissement. L’administration ne pouvait décidément pas se débarrasser de moi, et recourut à nouveau à ces procédés que je dénonçai dans mon courriel aux personnels, à la MLF et au Consulat de France daté du 25 mai[44].
L’administration de MISR ayant fait savoir à mes avocats qu’elle était prête à une conciliation, je ne me suis plus représenté à l’établissement qu’épisodiquement pendant les jours suivants, mais lorsque la rencontre prévue fut annulée au dernier moment par la partie adverse, je compris qu’il ne s’agissait de leur part que d’une nouvelle manœuvre dilatoire visant à venir à bout de mes ressources et de ma volonté, et à se rapprocher de la fin de l’année scolaire. J’étais en effet dans une situation très difficile, n’ayant plus touché de salaire depuis février, et ayant engagé des frais judiciaires conséquents. Je ne survivais que grâce à des cours particuliers, notamment avec mes anciens élèves, dont les parents me soutenaient ainsi, et à des emprunts à mes proches. Mais voyant que je ne parviendrais à rien, j’ai décidé de rendre cette affaire publique, et j’ai sollicité pour cela le journal de la Présidence de la République d’alors, La Liberté et la justice, qui publia un article sur moi dans son édition du 13 juin 2013[45]. Ce jour-là, ayant acquis nombre de copies de ce journal, je me suis rendu à l’école peu avant la sortie des cours, afin de le distribuer aux parents et personnels (un seul enseignant me salua et prit ce journal, et tous les autres détournèrent pudiquement les yeux). J’avais demandé à un ami de venir, et de me prendre en photographie avec le journal devant l’établissement afin de republier cette photo dans un nouvel article le cas échéant et du moins de pouvoir garder une trace indéniable de mon action, qui était constamment falsifiée depuis des mois – et qui le sera encore de manière spectaculaire par Frédéric T. pour cet incident, prouvant que cette précaution n’était pas vaine. Nous avions prévu qu’en cas de réaction violente de MISR, aucune résistance ne serait opposée et qu’il faudrait simplement quitter les lieux, quoi qu’il advienne. 

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 La Liberté et la Justice, édition du 13 juin 2013

Aucune violence ne fut exercée contre moi, probablement à cause de mon statut de citoyen français et du tollé que j’avais suscité jusqu’ici, mais mon ami égyptien fut immédiatement saisi de force, violemment malmené par les vigiles qui lui confisquèrent la carte mémoire de son appareil photo et le firent rentrer dans l’établissement. Face à ce déchaînement de violence, et malgré l’état déplorable de mon ami, j’ai quitté les lieux, comme prévu, ne voulant pas jouer le jeu de l’administration qui essayait depuis des mois de me présenter comme quelqu’un de violent, et j’ai prévenu mon avocat. Il dépêcha un de ses collaborateurs qui fut lui-même malmené et renvoyé manu militari par les vigiles de MISR. L’administration était décidée à se débarrasser de moi une bonne fois pour toutes, quel qu’en soit le prix. Les plaintes contre moi n’ayant pas eu d’effet, elle décida de porter plainte contre mon ami, un père et soutien de famille, le faisant amener au poste de police et l’accusant d’avoir agressé une maman d’élève pour la voler, calomnie éminemment absurde et invraisemblable au vu des circonstances, mais dont une mère d’élève influente était effectivement prête à témoigner. Une nouvelle plainte devait également être déposée contre moi dans le même sens. Etant donné le statut social de l’accusatrice, soutenue par les vigiles et l’administration de l’école, et celui de mon ami, un humble habitant de la zone populaire de Gizeh où je vivais depuis fin mars, il risquait les plus grands désagréments dans cette Egypte post-Mubarak. La priorité étant pour moi de ne pas exposer mon ami au moindre tracas judiciaire, j’acceptai, sur la recommandation de mon avocat (qui se déplaça avec nombre de ses collaborateurs au poste de police et instaura un rapport de force) et après des tractations houleuses entre les parties, de m’engager à ne plus revenir devant l’établissement contre l’abandon de toute poursuite contre mon ami[46]. J’appris ensuite que les services diplomatiques avaient été prévenus et que j’aurais moi-même pu me faire expulser du territoire en cas de procédure, ce qui aurait été un grand soulagement pour les parties adverses.

Malgré tous ces éléments, voilà les termes dans lesquels M. Frédéric T. présenta cet incident aux personnels dans un courriel du 15 juin : 
« Vendredi dernier à 14h, des parents d’élèves ont remarqué un individu inconnu qui filmait la sortie du Lycée. Alertés, ils se sont emparé de la mémoire de l’appareil photo tandis que l’individu était conduit à l’intérieur de l’école puis arrêté par la police. Des enfants, des adultes, des enseignants apparaissent sur ces petits films. Selon ses dires, cet individu aurait été payé par M. L. L’avocat de M. L. était encore présent devant l’établissement plusieurs heures après la sortie des élèves. Nos autorités de tutelle ont été prévenues. » 
Ainsi, afin de me décrire comme l’individu infréquentable qu’il s’évertuait à présenter depuis des mois, M. T. n’hésita pas à escamoter ma présence même devant l’établissement ce jour-là, alors que tous les élèves, parents et enseignants avaient pu me voir distribuer le journal, et que c’est moi que mon ami photographiait. Les propres pratiques mafieuses de MISR m’étaient une nouvelle fois imputées de manière calomnieuse et éhontée, qui suggérait implicitement des intentions criminelles de ma part (pourquoi filmer des personnes ? pour les menacer, les agresser, les enlever ?). J’ai bien sûr vivement dénoncé cela dans mon compte rendu aux personnels daté du 21 juin, soulignant que 
« le fait que M. T. se permette [un escamotage si spectaculaire] est la preuve la plus éloquente de (…) la lourde chape de plomb qui pèse sur cet établissement, car il sait que personne n’y prendra la peine de le démentir ou de lui demander des comptes[47]. » 
Le Conseil d’établissement de fin d’année fut purement et simplement annulé, très vraisemblablement afin que mon cas ne soit pas abordé, et ce pour un prétexte absurde – un quorum non atteint, alors que celui-ci n’avait même pas été convoqué[48].
Durant tout le conflit, l’attitude de Frédéric T. – qui m’avait recruté depuis Paris et s’était excusé auprès de moi, fin décembre, de m’avoir « jeté dans la gueule du loup », après que j’aie remis de l’ordre à une situation chaotique et « irrécupérable » selon Myriam* H., qui m’avait précédé au poste – fut constante : depuis le début de l’affaire, afin de se préserver face à la direction égyptienne et d’assurer le quiétisme des personnels enseignants, dont une simple grève aurait très probablement suffi à régler le problème en un temps record, il n’a pas hésité, en toute connaissance de cause, à prendre parti pour la version officielle mensongère de la direction égyptienne, au gré de ses altérations. Dès le 31 mars (cf. note n° 32), dans ses courriels réguliers aux personnels et aux parents, il a soutenu que j’avais été l’agresseur durant l’incident avec Samuel M., et que je constituais un tel danger pour les élèves que l’Ambassade de France était intervenue pour préserver la sécurité des enfants, menacée par le forcené que je serais (sic)[49], alors qu’il avait affirmé le contraire devant témoins dès le 29 (« M. Samuel vous a tendu un piège »). M. T. a également prétendu que la direction prenait en compte les doléances des enseignants, qui avaient adressé une timide pétition à la direction[50] : le Proviseur leur promit alors une rencontre prochaine avec la Direction, mais celle-ci n’aura jamais lieu, sans que cela entraîne la moindre protestation[51]. En effet, seuls les parents ont été reçus après le rendez-vous que j’ai moi-même organisé avec eux pour donner ma version des faits et démentir les calomnies dont j’étais victime. 
Frédéric T. avait déjà procédé à d’autres falsifications et escamotages tout aussi spectaculaires, par exemple au sujet de l’agression contre François* E. qui avait conduit ce dernier à exercer son droit de retrait pendant une semaine : ce fait avait purement et simplement disparu de la « version officielle », comme nous l’avons vu en première partie[52]. Il est donc tout naturel qu’afin de me faire passer pour un dangereux personnage recrutant des mercenaires pour ses basses besognes, M. T. ait purement et simplement effacé ma présence devant l’établissement le jour de l’incident du 13 juin, alors que j’étais là, bien en vue, distribuant aux parents (et au seul enseignant qui a daigné me saluer) les journaux de la Présidence de la République qui faisaient état de mon litige avec MISR. Dans ses distorsions et falsifications des faits, Frédéric T. n’hésitait pas même à élever la non-assistance à personne en danger au rang de vertu[53], età ironiser cyniquement sur ma détresse[54]. Voilà un exemple des courriels qu’il adressa aux personnels le 13 mai, et que des collègues me faisaient suivre : 
« Enfin, je tiens aussi à remercier tous ceux et celles d'entre vous qui ont stoïquement supporté la situation à l'entrée de l'établissement durant les dernières semaines. Si le harcèlement par courriel vous heurte [j’ai, en tout et pour tout, adressé 10 courriels aux personnels en trois mois], j'ai eu l'occasion cette semaine de donner un conseil à certains collègues qui me faisaient part de leur lassitude : spamer les contacts indésirables. J'adresse ce même conseil maintenant par écrit à l'ensemble du personnel car beaucoup d'entre nous en ont assez d'être pris à partie dans des textes que nous n'avons souvent pas la force de lire en entier. » Et voici un extrait de ma réponse du 18 mai adressée à l’ensemble des personnels : « Je loue à mon tour avec toute la déférence nécessaire le formidable et louable "stoïcisme" requis pour supporter, sans rien faire, la présence d’un collègue et concitoyen à la porte de notre établissement plus de 8 heures par jour, deux semaines durant, debout en plein soleil, réclamant ses droits, victime de décisions iniques, illégitimes et illégales, ainsi que de violences graves, permises par l’inaction et le silence des uns et des autres, connues de tous, et alors que des pressions et des menaces étaient exercées au vu et au su de tous à l’égard des élèves et de personnels afin qu’ils ne m’assistent pas, ni même me saluent. Je salue ici ceux qui osaient me parler (car nous en sommes arrivés là, cela étant, selon l’étalon en vigueur, un acte de bravoure), et je ne doute pas que nombre des Professeurs qui me jetaient seulement un discret bonjour en passant à toute vitesse devant moi s’imaginaient accomplir un glorieux acte de résistance ; quant à ceux qui m’ignoraient, je n’en parle pas. Dans tout ce qui s’est passé, dans les actions ou le mutisme des uns et des autres, il n’y a en effet rien de comparable, rien de plus "heurtant" que mon effroyable "harcèlement" par courriel visant à défendre mon image, mon avenir, voire même ma liberté. Peut-être devrais-je m’excuser de rappeler les faits et la vérité à votre bon souvenir, car je conçois bien que certain préfèrent se réfugier dans la dénégation. C’est effectivement une certaine image de la France et de ses valeurs (qui ont l’histoire qu’on connaît) qui est donnée par chacun – car d’aucuns ont souligné ce que le statut de Professeur et de Français exigeait pour se permettre de condamner en bloc tous les protagonistes de l’incident du 27/03, sans se demander ce que ce statut exigeait d’eux-mêmes, et ce qu’il pouvait y avoir d’"inconcevable" et de "lamentable" dans tout ce qui a suivi de la part des uns et des autres. Chacun ne rendra compte que de ses (in)actions.»Et le 25 mai, je concluais : « Je félicite d'ores et déjà tous les personnels qui sauront faire preuve de "stoïcisme" durant les jours à venir. Je rappelle que l'une des figures du stoïcisme, Epictète, dit "le boiteux", initialement esclave de son état, aurait, selon la tradition, "stoïquement" supporté que sa jambe casse sous les tortures de son maître, lui répondant seulement par un placide "je t'avais prévenu". Peut-être assistons-nous à l'émergence d'une nouvelle école stoïcienne, française, dont les adeptes supporteraient presque sans broncher qu'on casse la jambe de leur collègue. Un "stoïcisme" par procuration, en quelque sorte. Il est, ce me semble, de la responsabilité des personnels de s'élever contre tous ces procédés, et d'exiger le respect de la loi et la justice par de nouvelles démarches, la première pétition n'ayant reçu aucune suite – preuve de la haute estime dans laquelle l'administration tient le personnel. On est hélas bien loin de la grève à laquelle j'appelais en solidarité avec François* dès le 26/03, proposition réitérée au principal intéressé le 27/03 lorsque l'agression a eu lieu, mais auquel il s'est lui-même opposé. » 
C’est notamment en répondant sur ce ton que j’ai pu tenir si longtemps dans des conditions si extrêmes, et avec un rapport de forces si nettement en ma défaveur.
Tout cela est éminemment révélateur de l’omerta qui pèse sur cet établissement, les enseignants ayant dans une majorité écrasante complètement abandonné leur collègue et leur compatriote, dont ils savaient qu’il était soumis injustement à des violences et sévices et risquait sa liberté et son intégrité, comme les en informaient régulièrement les échos des différents incidents et mes propres courriels[55]. Ils ont même refusé, pour nombre d’entre eux, de témoigner de quelque façon que ce soit, ce par un mutisme assourdissant – le plus souvent – voire par des contorsions de lâcheté et de cynisme, pas plus qu’ils ne daignaient me saluer à l’entrée de l’établissement, la direction ayant menacé de représailles quiconque le faisait[56]. Un collègue égyptien qui avait fait fi des menaces de la direction et persista courageusement à me saluer jusqu’à la fin, reprocha publiquement à mes collègues l’abandon de leur compatriote. Et de manière prévisible, il en paya le prix : il fut notifié du non-renouvellement de son contrat fin juin, alors que le calendrier prévoit cela pour avril, et il a été mis à la porte sans même le paiement intégral de ses salaires. Je précise, pour lui rendre tout l’honneur qu’il mérite, qu’il était chrétien, et que tous les autres personnels égyptiens, musulmans, qui priaient quotidiennement avec moi dans la mosquée adjacente à l’établissement et avec lesquels j’entretenais les relations les plus cordiales avant ce conflit, m’ignorèrent complètement : mais dans cette Egypte très pauvre et instable, qui constituait leur seul horizon (contrairement à tous les personnels Français, surtout les titulaires de l’Education Nationale), ils défendaient du moins le pain de leurs enfants. 
Voilà l’ensemble des faits tels que résumés par une collègue dans un rapport à la fin de l’année scolaire 2012-2013 :  
« En mars 2013, le lendemain d’une altercation qu’il a eu avec un autre enseignant en dehors de l’établissement, au moment où il a voulu entrer dans l’école, des vigiles se sont jetés sur lui, lui interdisant d’entrer. Pendant un mois, le collègue est venu chaque matin devant le Lycée et restait la journée entière devant la grille de l’école sans pouvoir entrer. Un matin il a même été tabassé et embarqué au commissariat par les flics appelés par la direction égyptienne et FRANCAISE car ‘il était un danger pour les élèves et la communauté éducative’. Effectivement, ses élèves le saluaient et discutaient avec lui chaque matin !!! Les professeurs égyptiens ont eu l’interdiction de la part de la direction de lui parler sous peine de non-reconduction de leur contrat. Les collègues passaient à côté de lui en détournant la tête. Avec plusieurs autres collègues nous avons adressé une lettre à la direction égyptienne pour lui demander de faire cesser cette situation de non-droit et de lui signifier par écrit son licenciement si telle était sa décision. Ce collègue n’a JAMAIS eu de document écrit lui signifiant son licenciement. Par contre, le seul collègue égyptien qui avait signé cette lettre a été viré en fin d’année. »
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Elèves de CM1 et CM2 d’Alexandrie faisant allégeance à la MLF en formant son sigle, prosternés de manière humiliante devant le « Maître Blanc » (1931). Leçon bien apprise !

Durant toute cette affaire, ce ne sont pas mes collègues et compatriotes qui m’ont le plus soutenu, bien que nous ayons eu de bonnes voire très bonnes relations avant tout cela. Au contraire, ils ont fini par complètement m’abandonner pour la plupart, quand ils n’ont pas tout simplement collaboré avec la direction et facilité ses actions illégales[57]. Mes principaux soutiens furent les élèves en premier lieu (même ceux de 6e, malgré les pressions et menaces auxquels ils étaient quotidiennement soumis, ont fait preuve de plus de courage que la majorité des enseignants, persistant à me saluer plus ou moins ouvertement), puis quelques parents qui m’ont soutenu jusqu’au bout, notamment en m’employant comme Professeur particulier, ce qui constituait un soutien matériel et moral inestimable[58]. Même lorsque j’ai été violemment malmené, à deux reprises (le 28 mars et le 22 avril), par les vigiles et la police, sans raison aucune, j’ai eu droit à beaucoup plus de sollicitude de la part des Egyptiens – enfants et adultes – que des Français, ce qui démontre encore l’atmosphère très pernicieuse qui règne dans cet établissement, bien loin des valeurs de la République que la Mission laïque française prétend défendre, mais qu’elle bafoue et foule aux pieds[59]. 
[A suivre]






[1] Cf. par exemple ce témoignage de M. H.*, parent d’élève de 4e, sur la base du témoignage de son fils : « [M. Samuel] ne répondait pas aux salutations du Professeur S. et se moquait de lui. » Voir également notes 2 à 5, 8.

[2] Par exemple, il avait suggéré une projection cinématographique avant les vacances de Noël – pour laquelle je n’ai pas opté – et recherchait une idée de film pertinent. Voilà les termes de son courriel du 8 décembre 2012 : « Par ailleurs je vois dans GEPI que les élèves de 4B ont déjà visionné le film "Vipère au poing", peut-être devrions-nous penser à un film pour les derniers jours avant les vacances. J'avais des élèves de Misr juste avant les dernières vacances, ça peut devenir assez sportif. Prenons les devants. Je ne trouve cependant pas de film du cinéma français qui soit à la fois lyrique et sans scènes de nudité, Toto le héro par exemple... Peut-être faut-il visionner quelque chose de plus simple, comédie ... Amélie Poulain ou The Artist, etc ? »). Dans ma réponse du 9 décembre 2012, je lui suggérais, eu égard à la séquence en cours sur la poésie, « le film Dead poet's society (Le cercle des poètes disparus), film anglais où ce poème [Gather ye rosebuds] est évoqué, mais je ne vois pas de film français sur ce thème. ») Je lui en avais reparlé au téléphone le 9 décembre au soir, et il avait bien accueilli cette suggestion de film. Mais voilà ce qu’il m’a ensuite écrit le 10 décembre, alors que j’avais clairement dit que je ne projetterai pas de film (j’ai joué au foot avec les élèves) : « Pour les films, les poésies, nous sommes en français et nous devons je pense nous en tenir absolument à cette langue. Les élèves sont effectivement très prompt [sic] à préférer l'anglais mais ce n'est pas notre rôle, au contraire. Présente les films que tu veux, mais je ne présenterai pas "le cercle des poètes disparu", ils sont beaucoup trop jeunes (sache quand même qu'à l'adolescence les suicides sont assez fréquents, je sais pas si tu as trop l'envie de leur donner des idées). » Sic ! 

[3] Après avoir saboté le protocole prévu en constituant des groupes de travail en classe entière pour des exposés (alors que cela devait se faire en demi-classe, où des groupes avaient déjà été constitués avec moi), Samuel M. ne laissa pas de me morigéner en me rappelant, le 8 décembre, qu’ « il faut s'entendre sur les devoirs donnés et les séances de classe entière. Pour ce qui est de l'exposé, prends les élèves de tes groupes en 4eme A et B pour les faire passer comme c'était prévu, on peut faire le point en début de semaine et donner un délai supplémentaire si nécessaire.» Ainsi, après m’être démenti pour ne pas le discréditer et avoir annoncé aux élèves de 4eB qu’ils feraient comme M. M. leur avait dit, et que les exposés se passeraient en classe entière avec lui, il voulait maintenant que je me démente à nouveau alors que nous nous étions mis d’accord pour continuer ainsi malgré ce couac, qui était entièrement de sa faute et que j’avais moi-même assumé pour le « couvrir ». Je me plaignis de son inconséquence dans un courriel que je lui adressai le 9 décembre 2012 : « Je suis tout à fait d'accord avec toi sur l'importance de la concertation, et plus encore sur l'importance de se tenir à ce qui a été convenu pour éviter des situations comme celle que j'ai eue avec les 4e B. Pour ne pas ajouter à la confusion, je leur ai donc dit de faire l'exposé seulement avec toi et de ne pas tenir compte des groupes que nous avions constitués ni de la date que nous avions fixée, mais cela n'est pas sans poser de problème, de crédit notamment ; de plus, il n'est pas possible de procéder ainsi pour les 4e A, les groupes ayant été composés en demi-classe pour ce qui me concerne. Il vaut mieux s'en tenir à ça pour les 4e B que de leur donner un 3e démenti sur les consignes. En préparant la séance, nous avions convenu de suivre la même progression parallèlement avec nos classes en groupe, et de consacrer les heures de classe entière à autre chose, comme par exemple une évaluation. Ce qui est fait est fait, mais dorénavant, le mieux serait de dissocier l'heure de classe entière du reste de la progression. »

[4] Cf. ce témoignage de Mme W., parent d’élève de 6e B, décrivant les relations de M. Samuel M. avec ses élèves comme « pleines d’inimitié et de manque de respect, et de plaintes répétées de la part des élèves parce qu’il est méprisant et ne les fait pas avancer, et ils soulignent avec insistance que la plupart des élèves ne l’aiment pas. » Mes propres relations avec les élèves sont décrites par ce même témoignage comme « une relation bienveillante emplie de compréhension, de respect et d’échanges culturels, et c’est pourquoi la discipline régnait et il était soucieux de connaître leurs difficultés et essayait de les aider bénévolement, sans rien demander en échange (…) les élèves le respectaient énormément et il était désireux de les aider ; ils lui en étaient reconnaissants et parlaient de leur affection pour lui aux autres enseignants. » Ce même témoignage dénonce les « manières détestables » de M. Samuel M. envers moi, et son comportement « plein de haine et de tentatives permanentes de se mêler de [m]es affaires et de [m]e provoquer pour [me] prendre son poste à cause de la grande différence entre eux et du fait que M. Samuel n’est pas qualifié pour le Français mais pour la Philosophie », tandis que de mon côté, mon attitude envers lui était caractérisée par « une volonté de l’éviter la plupart du temps et l’absence de réponse à ses provocations malgré ses tentatives permanentes de créer des problèmes avec S., et son manque de respect envers lui, alors qu’il est considéré comme meilleur que lui sur le plan des diplômes et de l’expérience, et pour son comportement avec les autres. »  

[5] Cf. ce témoignage de Mme A.*, consignant le rapport de son fils, élève de 4eA, au sujet de ma relation avec M. Samuel M. : « Cela commença par une bonne relation d’après ce que je voyais, mais avec le temps cela commença à changer et le Professeur Samuel commença à provoquer le Professeur S. en notre présence. Un jour le Professeur S. entra dans la classe de M. Samuel pour nous dire quelque chose, et avant de le faire, il demanda la permission au Professeur Samuel, mais celui-ci refusa et lui demanda de sortir et lui claqua la porte au nez ». Ce rapport concerne un incident qui eut lieu durant le Printemps des poètes, organisé du 9 au 24 mars 2013 avec la documentaliste et les classes de 5e auprès desquels j’étais nouvellement affecté ; les élèves interrompaient les cours pour lire des poèmes aux classes. Samuel Métaux est le seul qui ait refusé notre présence, alors que les enseignants étaient prévenus et pouvaient se signaler s’ils ne souhaitaient pas que leurs classes soient « visitées », ce qu’il n’avait pas fait.  

[6] Dans un courriel du 1er décembre, Frédéric T. nous ayant consultés sur notre progression commune, Samuel M. lui répondait le même jour, en notre nom (il m’avait d’abord soumis le courriel) : « Les cours étant dédoublés, nous nous partageons les élèves.Les sujets et notions du programme de 4eme seront en conséquence traités en même temps. Il est important que les élèves ne puissent pas nous mettre en concurrence et reçoivent le même enseignement, aussi nous préparons nos cours de Français ensemble. » Comparer avec le courriel qu’il m’adressa ensuite le 13 janvier, où il transformait notre collaboration non pas en exigence de la hiérarchie à laquelle nous avions donné notre assentiment, mais en un besoin que j’aurais formulé du fait d’un manque de compétences : « Si tu as maintenant l'impression de ne pouvoir travailler sans une séquence établie de concert merci de faire des propositions. Par contre, je suis désolé, mais tu dois renoncer à ce que nous préparions nos cours ensemble, il n'en n'a jamais été question ». Cf. note n° 8 pour ma réponse.

[7] De manière contradictoire du reste, prétendant dans un premier temps que c’est lui qui m’invitait à collaborer et que c’est moi qui refusais, et déclarant ensuite que puisque j’avais été agressif avec lui, il ne se sentait plus en sécurité avec moi. Le 15 janvier, jour de ma confrontation avec Samuel M. en la présence de M. T., celui-ci m’adressait ce courriel : « Bonsoir M. S., […] J'espère que vous allez bien et que vous avez su trouver un terrain d'entente avec votre collègue aujourd'hui. Je crois qu'il était déjà sain que vous verbalisiez ce que vous avez sur le cœur. Bien à vous, TF ». Malgré le fait que M. Samuel M. ait réaffirmé son refus catégorique de toute collaboration avec moi, Frédéric T. fut incapable de faire respecter sa décision ou d’en changer. D’où mon courriel cité dans la note n° 9.

[8] Voici quelques-uns de ces échanges. 9 janvier :« Samuel, Nous entamons le 2e trimestre. Je te renouvelle mon invitation à nous rencontrer le plus vite possible afin de préparer une progression commune pour les 4e que nous pourrions ensuite chacun mettre en œuvre de manière spécifique. Es-tu disponible ce week-end ? Quel jour et à quelle heure ? S. » M. Samuel M. n’avait pas répondu par écrit, et lorsque je l’ai relancé à l’oral, il avait fixé rendez-vous chez lui dimanche 13 janvier, avant de m’adresser ce courriel condescendant samedi 12 au soir, à 20h16 : « S., Contrairement à ce qui avait été prévu je n'ai pas le temps de te recevoir demain dimanche. Nous pourrons nous voir au Lycée et si tu en éprouves le besoin je peux ponctuellement rester après mes cours. Il est très facile de se mettre d'accord sur les thèmes et œuvres étudiés: je te rappelle que nous nous sommes entendus pour suivre la progression du manuel "Fleurs d'Encre". Par contre les compétences à faire travailler à tes élèves sont celles du programme de l'EN et doivent être fonction de tes élèves il me semble: c'est peut-être la raison pour laquelle nous avons encore du travail comme enseignants... Je sais par ailleurs que ça se passe bien avec les 4èmes et c'est la raison principale pour laquelle le dispositif a été mis en place: remettre ces élèves au travail. Bon courage pour tes préparations de cours. Bien cordialement, Samuel M. » Comprenant que je ne parviendrais à rien avec M. Samuel M., dont j’avais eu plusieurs aperçus de la malhonnêteté condescendante, je lui répondis le 13 janvier en mettant le Proviseur en copie : « Samuel, Je ne comprends ni le ton ni le contenu de ton message. On dirait le propos non pas d’un collègue, ni même d'un Proviseur, mais d'un Inspecteur de l'Education Nationale. J’eusse préféré, à la « sollicitude » que tu manifestes, ta fidélité aux modalités qui avaient été convenues avec le Proviseur et avec moi-même. Tu as ignoré ma première invitation à honorer ces modalités, et tu annules, au dernier moment et sans explications ni excuses, le rendez-vous que je t’ai laissé fixer après la seconde. […] »

[9] Voici ce courriel daté du 15 janvier, auquel étaient joints de longs et fastidieux échanges de concertation et de comptes rendus entre moi et Samuel M., qui ne respectait pas ce dont nous étions convenus depuis plusieurs semaines, d’où ma proposition d’une concertation hebdomadaire qu’il n’a pas voulu admettre devant le Proviseur : « Monsieur le Proviseur, Ci-dessous le courriel dont M. Samuel Métaux niait l'existence. Je n'ai jamais reçu de réponse. […] Si j'ai souhaité vous soumettre cette situation c'est pour exposer à mon supérieur hiérarchique un problème insoluble à mon niveau malgré ma patience et mes efforts. Durant notre entretien de ce jour dans votre bureau, Monsieur Samuel Métaux a nié l'existence de mon courriel (cf. ci-dessous) et a de surcroît sciemment inventé des faits : un accès de colère oral que j'aurais eu contre lui au sujet des exposés, ainsi qu'une invitation orale à la concertation de sa part à laquelle je n'aurais pas donné suite. Mais ces allégations sont récusées par les faits : je me suis moi-même mis en difficulté auprès de mes élèves pour préserver son autorité de "professeur principal des 4e B" et "sauver les apparences" comme il l'a reconnu lui-même, car je ne voyais là que maladresse ou malentendu, et nullement malveillance : je n'avais donc aucune raison de m'emporter. Ces allégations sont également récusées par ses propres courriels : je l'ai invité à la concertation une première fois par écrit (courriel ci-dessous) mais il n'a donné aucune suite ; puis une deuxième fois par écrit et encore à l'oral. […] Il ressort clairement de tous ces échanges que M. Samuel Métaux refuse de participer honnêtement à cette concertation, qu'il ose présenter de surcroît comme une aide qu'il pourrait m'accorder "si j'en ressentais le besoin". Il se donne des airs et désire marquer sa supériorité, bien fatueusement, et en dénigrant des collègues bien plus expérimentés que lui et qui l'ont aidé à préparer ses cours [Salima* C.]. Il essaie de me mettre en faute pour des raisons qui finiront bien par se dévoiler. Je ne m'explique pas pour l'instant le comportement de M. Samuel Métaux mais je peux attester, pour en avoir fait l'expérience, de son aptitude à la falsification et aux revirements de dernière minute, de sorte que toute discussion avec lui sans la présence d'un tiers est vaine. J'ai appris qu'aujourd'hui, à la cafétéria, avant notre rendez-vous dans votre bureau, il s'est présenté publiquement comme étant une malheureuse victime de Mme Salima * C. et moi-même, par la faute desquels il était traîné devant le Proviseur : ce qui constitue, comme vous le savez, une déclaration choquante devant des enseignants. Cela est d'autant plus inacceptable que ni moi ni Mme Salima * C. n'avions parlé à quiconque de ses courriels dénigrants et de ses agissements malveillants. Ce comportement date d'un premier revirement révélateur : son refus, en dernière minute, d'assister au conseil de classe du premier trimestre. Je peine à croire qu'un individu qui ment à ce point puisse revenir à une attitude normale sans l'exercice sur lui d'une autorité légitime. C'est pourquoi je me remets entièrement à votre décision de chef d'établissement pour mettre fin à cette situation. Bien à vous »

[10] Voici ce courriel du 17 février : « Monsieur T., Je désire vous faire part de ces quelques réflexions qui se sont imposées à moi avec de plus en plus de clarté et de vigueur depuis notre dernière conversation, qui portait sur l'évolution que vous donneriez au dédoublement actuel des 4e. Comme je vous l'ai affirmé à plusieurs reprises, malgré un début difficile dû aux circonstances dans lesquelles j'ai pris mon poste à Misr, je me considère maintenant pleinement capable de gérer l'ensemble de mes élèves, au moins aussi bien que mes collègues, c'est-à-dire, dans le contexte qui est le nôtre, au moins (mais bien plus encore en réalité) de maintenir la discipline requise et de progresser et faire travailler les élèves, fût-ce au prix de sanctions radicales. Ayant toujours eu votre soutien, j'ai pu mettre en œuvre tous les moyens nécessaires, quitte à entraîner le ressentiment de certains élèves et à devoir justifier devant certains parents mes décisions. Encore une fois, je vous réitère ma reconnaissance pour votre soutien sans faille, et je vous réaffirme que cet appui indispensable a amplement suffi pour maintenir mon cap et asseoir définitivement mon autorité sur mes classes. Vous m'aviez prévenu, et c'est là bien naturel, que les élèves « pousseraient » aussi loin que possible pour tester mes limites, encouragés par l'expérience précédant mon arrivée, mais j'ai toujours tenu bon et sanctionné les excès, et j'ai finalement pu imposer à tous le cadre et les limites à ne jamais transgresser. Je les considère à présent comme actés par tous les élèves, et l'atmosphère générale de tous les cours est maintenant saine et apaisée, et parfois même dynamique. Il est donc établi, de mon côté, et avant même les résultats obtenus, que ni les élèves ni les parents ni quiconque n'auraient su, à aucun moment ni d'une quelconque manière, entraver ma volonté, ma détermination, et, je dirai même, mon enthousiasme à enseigner à ces élèves. Le seul « véritable » problème que j'ai eu, ou cru avoir, comme vous le savez, est celui de la collaboration avec M. Samuel, actée dans un premier temps et « ratifiée » par toutes les parties, puis, sans explication aucune, ajournée sans cesse, ignorée et finalement clairement rejetée par ledit M. Samuel pour des prétextes fallacieux, cet individu s'étant abaissé à la mauvaise foi, à la dénégation, au mensonge et à la calomnie pour des raisons qui lui sont propres. Cela a, durant un temps, refroidi mon enthousiasme, car il me paraissait très difficile d'échanger avec un tel personnage, d'autant plus que mes efforts n'avaient alors pas tout à fait porté leurs fruits. Mais à ce stade, et après mûre réflexion, et au-delà même du fait que le manque flagrant de professionnalisme et le comportement inacceptable dudit collègue eux-mêmes appelaient à tout sauf à une concession, cela me paraît avoir été une erreur à plus d'un titre, et tant pour moi que pour le Lycée et l'administration. Permettez-moi de vous exposer mes raisons et vues actuelles. Je suis venu de France spécifiquement pour enseigner à ces élèves, dont j'avais été averti de la propension à la dissipation par vos soins. Outre mon expérience et mes compétences assez significatives (pour mon âge) en la matière, vous avez très justement prédit que mon âge même me permettrait de construire plus facilement des relations véritables avec les élèves, ce qui a été avéré avec mes 6e dans un premier temps, et, de plus en plus, l'est maintenant avec mes 4e. Au-delà, peut-être, de quelques « irréductibles », je suis en effet persuadé que la plupart des 4e m'ont accepté, qu'à leur manière ils ont de l'estime et même plus que cela pour moi, et qu'ils ne seraient pas contents de me voir partir. Ce serait même difficilement explicable au vu du passif et des engagements pris envers eux et leurs parents, de tels revers nuisant à la crédibilité de tous. Et, je l'ajoute, je serais moi-même déçu de ne plus avoir mes 4e, car les progrès sont tels que je suis prêt à continuer en demi-groupe malgré M. Samuel et même à prendre moi-même les classes entières s'il le fallait – je vous l'ai d'ailleurs dit en toutes lettres durant la confrontation avec M. Samuel, quand j'ai dit que je regrettais ce dédoublement qui me posait des problèmes bien plus redoutables que ceux des classes entières auxquels il était censé remédier. Aujourd'hui, je prendrais les 4e en classe entière non seulement avec enthousiasme, mais encore, j'en suis persuadé, avec succès, du fait de mes compétences, de mes aptitudes, de ma passion et de cette faculté d'adaptation que vous m'avez reconnue. Ces élèves sont avant tout « mes » élèves, et mon expérience et mes diplômes, dont est dépourvu M. Samuel, devraient ce me semble faire de moi le Professeur désigné en cas de retour à des classes entières. Je doute que M. Samuel soit plus à même que moi de gérer des demi-classes ou même des classes entières, que ce soit du point de vue du savoir, de l'expérience, des compétences, de la passion ou même du contact avec les élèves. Je pense que ma prestation jusque-là prouve mes capacités et ma passion, et il me paraît maintenant évident que me retirer ces classes constituerait, en plus d'une sanction (car ce sont "mes"élèves, pour qui j'ai de l'intérêt et même de l'affection), un désaveu que je n'ai nullement mérité. Je pense m'en être assez bien tiré sans la moindre « formation », et, sans être encore un vétéran, je me considère à présent bien assez aguerri pour pouvoir me passer de ce qui serait effectivement un poste d'assistant, et qui n'aurait pu faire sens que les premiers jours et semaines. Il me semble du reste que d'autres solutions peuvent être trouvées, et qui préservaient sinon tout le monde, du moins les éléments les plus importants : - ou bien maintenir le dispositif des dédoublements avec la même progression « large » pour les deux groupes, ce qui nécessite une coordination minimale qui pourrait avoir lieu tout au plus brièvement une fois par mois, dans votre bureau ou ailleurs, ou même par courriel, ce qui serait à tout prendre moins drastique, du point de vue de l'image de l'établissement, qu'un énième bouleversement, même si cela a été annoncé (pour ma part, je n'ai jusque-là rien annoncé à mes élèves) ; - ou bien maintenir le dispositif des dédoublements avec la même progression « étroite », sous l'égide d'un professeur référent désigné par vos soins ; - ou bien attribuer les classes entières au professeur le plus compétent et le plus expérimenté, le plus "légitime" en quelque sorte. Cela dit, je me rends bien compte que cette décision que vous avez prise avait aussi pour but de me faciliter les choses, mais arrivé à ce stade, après tous les efforts consentis et surtout après tous les résultats obtenus, qui deviennent de plus en plus significatifs, il me paraît vraiment incohérent et même injuste et dommageable de me retirer mes 4e, de leur point de vue comme du mien, quant à ma réputation et surtout quant à mon « confort » : je me suis accoutumé à ces élèves certes difficiles, et eux à moi, et, je vous l'assure, si je devais effectivement les délaisser, ce serait avec regret. D'autant plus que je repartirais à zéro avec d'autres élèves, ce qui n'est pas du tout souhaitable et serait nettement plus difficile que la situation actuelle, même avec l'aide de collègues ; et qui sait quels autres problèmes pourraient surgir de cette nouvelle expérimentation. En somme, même avec les meilleures intentions, cela resterait une sorte de « blâme », sur la forme comme – et c'est là l'essentiel pour moi, je vous l'assure – sur le fond. Encore une fois, cela m'a pris plus de temps que pour les 6e, mais je crois véritablement avoir construit quelque chose avec mes 4e, et cela va encore en s'améliorant. Depuis mon arrivée à Misr, il y a eu de très grands changements avec ces élèves, sur tous les plans, et je les dois à ma ténacité et à ma passion, conservés malgré tout. C'est souvent un combat de tous les instants, c'est parfois épuisant, mais je l'apprécie vraiment et ce de plus en plus. Je me considère récompensé de mes efforts par la conscience de ces efforts elle-même, et par ce que je parviens à faire avec mes élèves, et je considère, comme je vous l'ai dit, que cette expérience constitue la meilleure « école de formation », dans laquelle j'ai l'intention de perdurer plusieurs années si les opportunités m'en sont données. Les difficultés ne me font pas reculer, au contraire, car je suis combatif et déterminé, et même si par malheur je devais affronter de bien plus grands problèmes à l'avenir (alors qu'en toute logique, les choses ne peuvent aller que de mieux en mieux, et que même si d'autres troubles devaient advenir, je serais mieux armé que M. Samuel pour leur faire face), il ne serait pas conforme à ma nature, à mes goûts ni à mes intérêts de me dérober. Et il ne serait pas non plus conséquent de quitter le navire après avoir tant lutté pour se sauver du naufrage, d'avoir si patiemment et laborieusement semé et fait tout le travail ingrat pour finalement ne pas participer à la récolte alors que les efforts commencent à porter des fruits très prometteurs pour la suite. En conclusion, j'espère qu'une autre issue plus juste sera envisagée. En vous remerciant par avance, Bien à vous».

[11] Voici quelques-uns de ces mots manuscrits, tous nominatifs, qui m’ont été donnés dans une enveloppe sur laquelle il était mentionné : « Pour M. Saleh ♥. La classe de 4e A » : « En [On]vous aime beaucoup et comme a dit mon petit frère j’ai la chance que vous êtes mon prof de français. Merci. ». « Merci monsieur pour nous éduquer et être notre professeur, c’était une magnifique experience, je ne vais jamais vous oublier, merci pour tout ce que vous avez fais pour nous, vous allez me manquer. ». « Cher M. Saleh, Merci M. Saleh pour tous et on est tous merci de tous votre progrés avec nous et on s’excuse. » « Cher M. Saleh. Vous allez nous manquez, on vous aime beaucoup. Je m’excuse pour tous les bêtises que j’ai fais pendant votre cours. Merci pour cette magnifique expérience. » « Vraiment, monsieur Saleh, je vous aime de tout mon cœur, vous allez me manquez. Votre élève de 4e A. » « Chère M. S., Merci pour cette bonne expérience, vous allez me manquez mais heureusement on va vous revoir en module ! »

[12] Cf. ces témoignages des collègues auprès desquels j’ai été affecté : « M. L. S. a été affecté à mes côtés au CDI à partir du 5 mars 2013 afin de co-animer les séances de 5ème (3 heures par semaine). Dès son arrivée, M. L. a exprimé sa volonté de respecter le travail que j’effectuais seule jusque-là, de ne prendre aucune initiative pédagogique qui « contrarierait » mes choix, et de travailler au maximum en concertation avec moi. M. L. est arrivé alors que l’opération « Printemps des poètes » allait démarrer. Je lui ai proposé de travailler sur ce projet et notamment sur la mise en place des « Brigades d’Intervention Poétique ». Il a été enthousiasmé par l’idée et s’est attelé à la réalisation : choix de poèmes, rédaction d’un document de présentation destiné aux élèves comme aux enseignants, puis mise en œuvre concrète avec les élèves : présentation des objectifs et des consignes, accompagnement dans le choix des poèmes et suivi des Brigades dans les classes. En conduisant ce projet avec rigueur et dynamisme, il a fait preuve d’engagement et de compétences pédagogiques dans l’encadrement des classes (en 5ème, mais également en 4ème avec lesquelles il a voulu étendre le projet), ne ménageant pas son autorité et ses exigences tout en restant à l’écoute, compréhensif et bienveillant à l’égard des élèves. Le projet s’est développé sur deux semaines pendant lesquelles M. L. s’est tenu attentif aux remarques des enseignants qui avaient accueilli les premières Brigades dans leur cours afin d’améliorer les suivantes ce qui témoigne de sa responsabilité et de son investissement. Je déplore que ce projet (et d’autres en devenir) ait été subitement remis en cause par l’exclusion de M. L. Je tiens également à souligner l’investissement de M. L. dans l’établissement de la commande annuelle de livres pour le CDI. En effet, devant faire face à cette tâche qui m’incombe, dans le délai inhabituellement court que l’administration m’avait donné tout en préparant le Printemps des poètes et en assumant mes autres séances d’animation, M. L. s’est proposé pour établir la commande dans deux domaines qu’il connait bien, les bandes dessinées et la philosophie de telle façon que j’ai pu m’acquitter de cette tâche en respectant les délais qui m’avaient été impartis. » (Carine* F.). « Du 5 au 27 mars, M. S. L. a enseigné […] avec moi. Les élèves travaillant sur le roman de Perceval et étant friands d’expression orale, il a été convenu que M. S. prendrait les élèves en demi-classe afin de les entraîner à la diction et l’art dramatique. Les élèves ont été enchantés par ce cours et regrettent son abandon. » (Fabienne* I.).

[13] Je le résumais en ces termes dans un courriel aux personnels du 18 mai : « Le plus grand responsable, à mon sens, est M. T., le "Proviseur". C'est lui qui a créé le différend entre M. Métaux et moi-même, et c'est lui qui l'a entretenu par son inaction et a même, de fait, encouragé M. Métaux à persévérer dans son attitude d'insubordination et de provocation qui lui avait, une première fois, gagné tous mes élèves de 4e : il était donc "naturel" qu'il y recoure une seconde fois lorsque son poste a été mis en péril. M. Métaux, "Professeur de Philosophie", n'est bien évidemment pas en reste, son attitude hautement indigne et très peu professionnelle, qui déshonore la fonction de Professeur (et toute l'histoire de la Philosophie), étant la cause directe de cette crise.»

[14] Cf. ce témoignage du père de N*, 4e, sur la provocation de M. Samuel M. du 27 mars à l’intérieur de l’école : « N* affirme qu’elle a vu de ses yeux le Professeur Samuel s’adresser au Professeur S. en se moquant de lui, et que ce n’est pas une manière acceptable pour un Professeur de traiter un collègue. ». Ou cet autre témoignage direct de la main de l’élève N* sur le même incident : « Le Mercredi 27 mars vers13 h. Je n’ai pas vu grand-chose mais se [ce] que j’ai vraiment vu [c’est] que M. Samuile [Samuel M.] parle avec M. Saleh comme [si] il travail [travaillait] chez lui et il le trente [traite] très mal, c’est ça seulement que j’ai vu et c’est la vérité. ». Voir aussi ce témoignage de M. H*, parent d’élève de 4e : « Le Professeur Samuel se moquait de [M. S.] en face de ses étudiants, et le Professeur S. lui a répondu qu’il ne se battrait pas avec lui.» Cf. encore ce témoignage de Mme S*, parent d’élève de 6e : « Et dans son comportement avec les autres enseignants, il était bon au point que lorsque l’un d’entre eux [Samuel M., qui m’a agressé au moment où j’allais prendre en charge les 6e A] l’a provoqué, comme je l’ai entendu de la part d’élèves et de parents, il n’a pas répondu à la provocation, par respect pour le caractère sacré de l’école et pour préserver les élèves. » Voir enfin ce témoignage de A*, élève de 4e : « Je suis un des élèves de M. S., et je ne connais de lui que la douceur et l’absence de sévérité, sauf quand la situation dépasse les limites raisonnables. Je sais également que le Professeur S. avait des problèmes avec le Professeur Samuel, et celui-ci essayait sans cesse de pousser le Professeur S. à réagir à ses provocations mais le Professeur S. essayait de l’éviter et je n’ai jamais vu le Professeur S. insulter ou menacer quiconque. Et j’ai assisté à la provocation qui a eu lieu le 27 mars 2013 à une heure de l’après-midi. »

[15] Témoignage de Farid* Y., représentant élu des enseignants, adressé par courriel à Frédéric T. le 30 mars : « je marchai avec Jean luc et Catherine pour prendre un taxi. A notre arrivée sur le lieu de l'ncident;je voisS. et samuel discutaient mais sur un ton inhabituel ,isabelle etait à coté d'eux;je me suis approché d'eux pour les calmer et les separer,j'entends samuel dit à S. ,tu es qu'un petit" con"et" tas de merde",en avançant son doigt sur la poitrine de S.,je vois S. se jeté sur samuel ;il l'a pris par le coup il l'a jeté contre le mur, isabelle est intervenu en donnant un coup de poing sur la partie supérieure du corps de S. » Témoignage de Sylvie* F. adressé à Frédéric T. le 29 mars : « Comme demandé j'envoie un courriel concernant l'incident qui s'est produit aux abords du Lycée ce jeudi 27 mars 2013 vers 15h après la sortie des cours. J'étais sur le chemin du Lycée avec Mr Jean-François* T. et Mr Farid* Y et je me dirigeais vers la grand route pour héler un taxi lorsque j'ai constaté au loin que Samuel Métaux, S. L. et Isabelle se disputaient vivement sur le bord de la route. Arrivée à leurs côtés la tension était très vive et palpable. Je ne connais pas leur différend mais je savais qu'il y avait des tensions. Je n'ai pas écouté toutes les invectives échangées entre eux car cela ne me regarde pas mais je ne pensais pas qu'ils en viendraient aux mains. Mr métaux ait lâché un " petit con"à Mr L.. Je me suis donc retournée vers eux pour les observer et la tournure a dégénéré. J'ai entendu Isabelle, la compagne de Mr Métaux dire à Mr L. "Il voulait juste te dire bonjour". Mr L. et Mr Métaux se sont poussés mutuellement et Mr L. a étranglé Mr Métaux le repoussant et le claquant au mur qui se trouvait derrière lui. Mr Métaux essayait de le repousser puis Mr L. lui a asséné un coup de poing [absolument faux]. De ce fait Isabelle a également donné un coup de poing à Mr L.. » Voilà le compte rendu que j’ai fait moi-même à mes proches au sujet de cet incident de la journée du 27 mars, le soir de ce même 27 mars : « J'ai oublié l'essentiel : dans le chaos [consécutif à l’agression de M. François* E. par des élèves : voir la note n° 33 pour le début de ce courriel, relatant les événements précédents] j'ai vu… Samuel qui était aux anges, c sûr le chaos c le meilleur moyen pour un… incompétent d'avoir une place. Je l'ai constamment ignoré jusque là (…). Là il s'est dit que chaud comme j'étais il pourrait me pousser à la faute, et alors que je faisais ranger ma classe il est venu se mettre juste à côté de moi, me regardant et regardant l'endroit où je regardais (pcq je l'ignore), et revenant à moi, imitant mes gestes. Provocation manifeste. Je lui ai juste dit, sans le regarder, "cherche pas", il est parti "oula, mais tu me menaces, mais t'es violent, etc., etc.". Ok. Je m'étais promis que dès que je le vois hors du Lycée on s'explique. A 15 h je le vois dehors avec sa femme, assez loin de l'école, je vais le voir et je lui dis alors mtnt qu'on est dehors et que g plus les limites, tu veux quoi, t'as un pb, si t un homme c maintenant qu'il faut jouer ton jeu, pas à l'intérieur, il est parti "ah mais tu veux te battre, mais vient pas de pb on va à l'école, t un violent, je vais l'écrire à la MLF, etc., moi je suis un professeur, etc." Je suis resté sur la joute verbale, jusqu'à ce que voyant que je passais pas à l'action (wallah il voulait vraiment que je le frappe, c son calcul), il m'a lui même tapoté la poitrine en me disant "t'es un tas de merde", là je l'ai pris au cou et je l'ai envoyé contre le mur, sa femme m'a frappé et s'est mise à hurler, à la la qu'est-ce que je lui ai fait, il saigne du cou, je suis fou etc. Comme il s'est pas défendu (il est + grand et + fort…) je suis parti. 4 collègues ont vu la fin de la scène, Sylvie*, Farid*, Jean-François* et Fabienne*. (…) Demain je demande aux élèves qui a vu ce qui s'est passé entre moi et lui au Lycée. Il va dire que je l'ai attaqué sans raison, faut que je puisse prouver que c lui qui est venu me provoquer. Il devait être avec les 4e qu'il m'a piqué, j'espère qu'eux m'auront vu, pas seulement mes élèves de 6e qui sont trop petits et sont les miens. Jusque là j'ai pas laissé transparaître aux élèves qu'il y a un pb entre nous, que c à cause de ses manigances que je les ai plus (ils me regrettent grave, c tjrs un attroupement des deux 4e autour de moi, me disant pqoi on vous a plus, etc). Ses armes sont le mensonge et l'administration. Mes armes vont être la vérité et les élèves. »
[16] Cf. cet extrait du témoignage écrit du représentant élu des enseignants, M. Farid* Y., en présence duquel M. T. a fait cette déclaration : « M. Frédéric a reconnu : M. Samuel vous a tendu un piège. »

[17] Voici ce courriel du 28 mars, 5h15 du matin : « Bonjour M. S., Mme Nermine m'a appelé en France pour me parler d'un incident entre vous et M. Métaux hier. Pourrais-je avoir votre version des faits ? Cordialement -- Frédéric T.” Proviseur de la section française MLF Lycée International MISR LANGUAGE SCHOOLS»

[18] Cf. le témoignage de C*, élève de 6e B, le 29 mars 2013 : « Le 28 mars 2013, on venait a l'ecole moi et mon frere le matin alors mon frere est sortie de la voiture et m.saleh voulait lui parler alors m.Yasser a pousser m.saleh,et lui a dit c'est interdit pour parler avec les eleves alors moi je desender de la voiture et j'ai reste pour ecouter m.Saleh et il ma dit d'ecrire une feuille de ce qu'il ses passer hier avec m.sam et puis m.Yasser a pousser tres fort m.saleh et il lui a fait tomber sur la voiture, puis m.Yasser nous a dit rentrer vite dedans. »  

[19]Témoignage exhaustif de Mme W***, parent d’élève de 6e, sur la base du rapport de son fils, dont voici la fin : « De plus, si on demandait l’avis de la classe de mon fils, la majorité préférerait continuer de vous avoir comme Professeur. Sur le plan académique, je dois admettre que je n’ai jamais eu à me plaindre de vous et pour être plus précis vous avez été d’une grande aide pour mon fils. Vous êtes à ma connaissance le seul enseignant qui nous ait fourni votre numéro de téléphone personnel et vous étiez toujours prêt à nous aider, gratuitement, que ce soit durant les heures de cours ou après par téléphone. Vous n’avez jamais, pas une seule fois, refusé de l’aide à mon fils pour toute aide académique ou pour réexpliquer n’importe quel point du programme français. »

[20] Voilà le courriel qu’il a adressé à M. Frédéric T. ce 28 mars, à 8h42 : « Voici le message que je reçois de S. et qui me demande de vous le transmettre : " Monsieur T., S. L. vous fait savoir que la Direction égyptienne du Lycée lui a interdit d'entrer dans l'établissement ce matin et que par la suite , les vigiles ont recouru à la force pour l'empêcher de parler à ses élèves devant l'école, sous les yeux de ceux-ci. " Cordialement . François* E. » D’autres messages plus circonstanciés furent également adressés par mes proches à la direction de MISR et de la Mission laïque française.

[21] MISR a esquissé une telle manœuvre de discrédit avec mes avocats, comme je le rapportais à mes proches le 14 avril au sujet de la rencontre entre mes avocats et la direction de l’établissement : « C'est eux qui ont attaqué les premiers, disant S. a fait telle et telle chose, séquelles sur Samuel, photos, en plus S. est pas un prof [insinuant que mes diplômes et mon CV étaient falsifiés], et en plus si vous allez au contentieux on vous promet des grandes surprises sur S.. Menace claire, la première chose que l'avocat n°3 m'a demandée c'est est-ce que j'ai déjà fait des bisous à des élèves ou un truc comme ça [évidemment non, ni de près ni de loin], puis ensuite est-ce que j'ai un passif judiciaire. Bien sûr mes avocats ont répliqué du tac au tac que c'est eux qui allaient au-devant de grandes surprises. »

[22] Grève, pétition, page Facebook « We are all Mr. H. » - https://www.facebook.com/pages/We-are-all-M-Hugue/186411498062268), intervention des médias… Voici le texte de la pétition qui fut adressée à la directrice de l’AEFE : « Madame la Directrice de l’AEFE, Lors de la deuxième réunion pour la communauté française au Lycée Français du Caire par S.E. l’Ambassadeur de France, suite aux événements exceptionnels qui se déroulaient en Egypte depuis le 25 Janvier 2011, la décision de la fermeture du Lycée pour trois semaines supplémentaires a provoqué un fort mécontentement d’un grand nombre de membres de la communauté éducative présents, élèves, parents et professeurs. Plusieurs personnes ont essayé d’intervenir mais ne pouvaient être entendues car elles n’avaient pas de microphone. Leur agacement s’étant fait ressentir, M. H. a pris l’initiative de leur donner la parole en essayant de prendre le microphone des mains du Proviseur, qui dans un premier temps s’y est refusé, afin de le passer aux autres. Nous avons appris que les conséquences de cette tentative d’intervention de M. H. dans le but de permettre aux personnes présentes et concernées par la gravité de la situation, avaient été la décision par Monsieur le Proviseur de suspendre M. H. de son poste de professeur de Mathématiques, et cela par le biais d’un rapport à l’AEFE condamnant l’acte du professeur et mettant en péril le maintien de celui-ci à son poste. De ce fait, en tant qu’étudiants, nous ne pouvons pas rester insensibles au sort de notre professeur M. H. : il a été injustement sanctionné, ce qui pourrait nuire à l’enseignement des classes prises en charge par ce professeur. Ceci est, pour l’image de la France et pour la diplomatie française, une honte. En effet, la France se revendique une grande Patrie des Droits de l’Homme et de la Liberté, notamment la liberté d’expression. Dans cette affaire, c’est la prétendue « agression » qui fait l’objet d’une sanction alors qu’il s’agit simplement d’un professeur qui a eu l’initiative d’accorder la parole aux intervenants, dans un discours où l’échange était indispensable compte tenu du contexte extérieur. Madame la directrice, les récents événements politiques en Egypte ont déjà assez perturbé notre scolarité. M. H. étant un enseignant compétent, veuillez ne pas nous desservir davantage. Nous allons nous mobiliser dans un mouvement de protestation qui persistera jusqu’à son retour au sein du LFC en tant qu’enseignant. En espérant que notre pétition retiendra toute votre attention, nous vous prions d’agréer, Madame la directrice, l’assurance de notre considération distinguée. » Suivaient des centaines de signatures d’élèves.

[23] Cf. encore ce rapport d’une collègue cité en première partie : « Cet attaché s’était déplacé à l’école lorsque notre collègue d’origine algérienne s’est vu refuser l’entrée dans l’école, il a gentiment conseillé à notre collègue de renoncer à faire valoir ses droits sous peine de se retrouver dans un avion avec un aller simple. Lorsque notre collègue lui a parlé des nombreux dysfonctionnements de l’école il lui a répondu qu’il était au courant mais que c’était encore pire dans d’autres écoles du Caire comme Balzac… (elles aussi homologuées). En bref, tout le monde sait mais ne dit rien car « c’est politique »… c’est le prix à payer de la Francophonie !!! »

[24] Voir encore ce courriel de M*, 4e, 31 mars : « Bonjourd M.Saleh, Vous me manquez beaucoup fâché de voter absence vous me manquez plus que vous le croyez, vous êtes le meilleur prof que j'ai eu, j'étais très fâché quand j'ai su que vous n'allez pas nous donner après les vacance. Vraiment monsieur s'pas parceque je vous parle, vous êtes le meilleur prof que j'ai eu, je vous ai beaucoup aimez, je comprenais de vous mieu que n'importe qu'elle Professeur Vraiment Monsieur il n'y a aucun prof qui peu vous remplacer est il soit de votre intelligence ou comme vous. M***. "excusez mois pour les faute d'autographe dans le message" ». Message de I*, 4e, le 28 mars : « 7abibi ya Monsieur, e7na kolena ma3ak » (ô mon cher Monsieur, nous sommes tous avec toi). Message de I*, 6e : « Bonjour Monsieur, est-ce que vous allez revenir ? Est-ce que vous aller venir le lundi ? Comment mes parents pourons vous aider ? Merci aurevoire ». Message de A*, 6e, 29 mars : « M. S. où étiez-vous ? Tu nous as manqué. » Etc.

[25] Courriel du 29 mars 2013, à 11h11, avec la MLF en copie : « Monsieur le Proviseur, Par ce courriel et comme nous en sommes convenus hier, et comme j'ai eu l'occasion de vous le répéter ce matin, je vous réitère ma volonté et ma disponibilité pour vous rencontrer à n'importe quel moment et au plus vite aux alentours de la route des Pyramides ou je me trouve actuellement. Je suis dans l'incapacité de me rendre au Sofitel : du fait des circonstances et des événements, ainsi que des démarches que je dois entreprendre, je me trouve dans un état d'épuisement physique et moral tel qu'il m'est impossible de me déplacer plus loin que cela. Comme je vous l'ai assuré hier et ce matin, je rédige actuellement le rapport circonstancié détaillé que vous m'avez demandé. Je le fais avec le plus grand soin, et vous le transmettrai au plus vite avec les justificatifs et témoignages nécessaires. Je vous rappelle que la relation professionnelle qui nous lie exigerait que nous nous rencontrions sur mon lieu de travail - qui reste mon lieu de travail bien qu'on m'en ait interdit l'accès, et qu'on m'y ait violenté sans raison devant témoins, devant mes propres élèves de 6e, ce jusqu'à ce que j'aie reçu une notification écrite circonstanciée de mon licenciement. Tout ce qui s'est passé est hautement injustifiable, et devra être adressé de manière sérieuse et responsable, chacun assumant ses responsabilités. Il est inqualifiable d'user ainsi de manœuvres dilatoires pour me faire lâcher prise. Je vous dis tout cela malgré votre recours, ce matin par téléphone, au même langage d'intimidation que M. Petit quant à mes possibilités de rester en Egypte si je persistais dans mes 'enfantillages'. Je ne vois pas là d'enfantillages, Monsieur T.. Les enfants de Misr sont réellement, réellement traumatisés, et la situation est gravissime. Tout ce qui s'est passé est intolérable au plus haut point. Bien à vous, S. L. »

[26] Voilà le courriel qui fut adressé à la Direction de MISR et à la Direction de la MLF le 31 mars 2013 à 16h34 : « Madame, Monsieur, C’est en ma qualité d’avocat de M. S. L., enseignant à la Section Française de la MISR Language School, établissement sous la tutelle de la Mission Laïque Française, que j’ai l’honneur d’intervenir auprès de vous.  C’est seulement du fait des contraintes de l’urgence que je me permets de m’adresser à vous par e-mail et par fax. A la suite d’un incident bien regrettable et pour lequel il a été mis hors de cause, mon client M. S. L. a reçu oralement des indications aux termes desquelles son contrat ne serait plus valable, en conséquence de quoi il ne devrait pas se présenter à son poste de travail demain, lundi 1er avril 2013. Nous sommes très surpris de ces consignes qui sont contraires aux actes signés et ne reposent sur aucun fait avéré. Quoiqu’il en soit, nous ne pourrions prendre en compte qu’une décision écrite et motivée, signée par l’autorité hiérarchique. En l’absence de tout document de ce type, mon client M. S. L. assurera son service, contractuellement dû, demain matin. Bien que ce courrier cherche juste à préciser une situation et n’ait pas de caractère contentieux, je vous indique que vous pouvez me répondre par l’intermédiaire de votre avocat. Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes salutations les meilleures. »

[27] En voici le texte : « Le Caire, le 01/04/2013. Le Proviseur A M. L., Professeur. Monsieur, Le mercredi 27 mars 2013, à15h00, lors d’une dispute avec M. Samuel M., professeur de Français (sic) dans l’établissement, vous avez porté la main sur votre collègue. Cet incident a eu lieu à l’heure de la sortie des parents, des élèves et des professeurs, aux abords du Lycée, dans un endroit où passent toutes les personnes voulant se rendre ou quitter l’établissement et possède donc un caractère public qui impacte négativement l’image de l’établissement. Dès lors, je vous prie de noter que vous faites l’objet d’une mesure conservatoire d’exclusion de l’établissement d’une semaine, à effet immédiat. Sincères salutations. Le Proviseur, F. T.. » M. T. m’a invité à signer ce document et à le lui rendre, après quoi il m’en aurait donné une autre copie en sa possession, mais je ne l’ai pas fait, car cette description des faits était tendancieuse et diffamante, transformant la légitime défense en agression. J’ai appelé mon Conseil et suivant ses instructions, je suis reparti avec ladite notification.

[28] Ce courriel du 1er avril que j’ai adressé à M. T. et à la MLF n’a eu aucune réponse (pas plus que mon courriel du 3 avril cité en note n° 33, et tous les autres subséquents) : « Monsieur T., Conformément à la notification de mon avocat adressée hier aux instances concernées, je me suis rendu à mon établissement ce matin, 1er avril, n'ayant reçu aucun document ni même aucune nouvelle de ma hiérarchie ni de quiconque du côté du Lycée, de la MLF ou de toutes autorités. A 4h04 du matin ce jour, 1er avril, j'ai transmis mon rapport circonstancié sur les différents incidents, à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement, avec tous les témoignages, preuves et annexes nécessaires (30 pages au total, qui seront encore complétées par d'autres documents). Soucieux avant tout d'éviter toute scène devant le Lycée, et surtout devant les élèves, afin de ne point les traumatiser plus qu'ils le sont déjà, je me suis présenté au Lycée à 8h10, après qu'ils soient tous rentrés en classe, en marchant depuis le tout début de la rue du Lycée (et non en me faisant déposer à l'entrée par le taxi comme il est habituel), afin de prévenir tout incident aux abords du Lycée et sous les yeux d'aucun élève : si on m'interdisait l'entrée, je ferais demi-tour immédiatement. J'ai trouvé des vigiles tout le long de la rue (ce qui est inhabituel), mais aucun ne s'est adressé à moi ni n'a fait mine de m'arrêter. En arrivant devant la porte d'entrée, un homme que je ne connais pas, égyptien, m'a dit d'attendre, disant qu'on allait venir me voir. Je l'ai interrompu en disant que je n'aurais aucune conversation avec quiconque n'étant pas de l'administration (il a rétorqué qu'il était de l'administration), et que je n'aurais aucune conversation non officielle, c'est-à-dire hors de l'enceinte du Lycée, hors du cadre professionnel légal, avec témoins du corps enseignant, etc. C'est du reste ce que j'avais dit à M. T. à la fin de notre rencontre informelle : c'était là la dernière rencontre, la dernière communication non officielle que j'accepterais. J'ai vu au loin Mme Nermine Nada, Mme Marie-Paule M* et M. T., celui-ci se dirigeant vers moi. Il m'a rencontré et salué à l'extérieur de l'établissement (on ne me permettait pas d'y rentrer), et m'a tendu une feuille (copie ci-jointe) en me demandant de la signer. J'ai protesté contre l'irrégularité de la situation, demandant à être reçu officiellement, dans l'enceinte du Lycée ; de plus, il n'y avait qu'un témoin pour l'administration, et aucun témoin du corps enseignant ou même des parents, voire neutre, pour moi. Malgré ces vices de procédure manifestes, j'ai tout de même lu cette lettre, et il était évident pour moi que je ne signerai pas ce papier mensonger qui affirmait que j'avais porté la main sur M. Samuel, alors que c'est lui qui a porté la main sur moi le premier comme le prouvent des témoignages directs concordants, et que je n'ai fait que me défendre face à une triple provocation, verbale dans mon école, puis, en-dehors, verbale (insultes graves) et physique (c'est lui qui a posé la main sur moi le premier). De plus, on me notifiait de mon exclusion conservatoire (en attendant quoi ?) d'une semaine alors même que personne n'a organisé de débat contradictoire entre moi et M. Samuel, ni d'enquête, ni même n'a daigné prendre le temps de lire mon rapport et d'en vérifier les témoignages avant de prendre une décision. C'est un nouveau déni de justice on ne peut plus flagrant et absolument inacceptable. J'attends des explications imminentes de votre part avant de poursuivre mes procédures auprès des personnes compétentes... Bien à vous, S. L. ».

[29] Cf. ces deux courriels du 8 avril à M. T. et à la MLF : « Monsieur le Proviseur, Suite à ma "notification", lundi 1er Avril, d'une semaine d'exclusion conservatoire, je me suis présenté ce jour, lundi 8 avril, à mon établissement. L'entrée m'en a été interdite, et on n'a accepté ni de me recevoir, ni de me donner une notification quelconque. Cette situation scandaleuse se poursuit donc dans la plus grande irrégularité, alors même qu'un Inspecteur de l'Education Nationale se trouve à l'heure même dans l'enceinte de l'établissement. Etant tenu par obligation contractuelle de me trouver sur mon lieu de travail, je vous informe que je resterai devant le Lycée jusqu'à la fin de mon service, à 15h, espérant qu'on daigne m'informer ou me recevoir. Bien à vous, S. L. » (9h44) et « Monsieur le Proviseur, Comme je vous en ai informé ce matin, je suis resté toute la journée devant l'établissement, de 8h à 15h, personne n'ayant daigné me recevoir. A deux reprises, on m'a "transmis" un message de la part de Mme Nermine, disant qu'elle me recevrait demain pour régler définitivement cette question. La première fois, c'est un Egyptien se présentant comme un membre de l'administration qui me l'a seulement transmis, et la seconde, c'est un Egyptien se présentant comme l'avocat de l'école qui l'a fait, m'enjoignant à quitter les lieux. Dans les deux cas, j'ai refusé d'obtempérer et/ou de porter crédit à ces propos, exigeant de les recevoir dans un cadre légal (dans l'établissement, avec présence d'un témoin du corps enseignant) ou par écrit, ce qui m'a été refusé. L'"avocat" est cependant allé plus loin, me menaçant de recourir à la police et à l'ambassade pour me faire évacuer les lieux si je refusais de le faire de mon propre chef. Ces propos n'ayant eu aucun effet sur moi, il a même appelé les vigiles, qui ont esquissé un mouvement menaçant dans ma direction, mais ils n'ont rien tenté, soit qu'ils aient seulement voulu m'intimider, soit qu'ils aient été arrêtés par le fait que j'avais immédiatement saisi mon téléphone pour prévenir mon avocat de la situation. Encore une fois, je ne puis que déplorer le scandale et l'illégalité flagrantes de toutes ces procédures (bien plutôt de tous ces procédés), et si ce problème n'est pas rapidement résolu avec justice, équité, et légalité, je n'aurais plus d'autres choix que d'aller au contentieux devant toutes les instances compétentes. Bien à vous, S. L. » (16h46).

[30] Cf. ces courriels à M. T. et à la MLF : « Monsieur le Proviseur, Ce jour encore, je me suis présenté à mon établissement et m'en suis vu interdire l'entrée, sans qu'on daigne officialiser la chose par une notification quelconque, bien que j'aie attendu plusieurs heures. Et ce alors même que MM. Métaux et Yasser, dont les agissements de provocation et de violence à l'intérieur et à l'extérieur de l'école, sous les yeux des élèves en pleurs et traumatisés, agissements indignes et ayant été attestés par de multiples témoignages, que du reste vous avez reconnus lors de notre dernier entretien, sont acceptés et travaillent en toute quiétude jusqu'à cet instant présent. Le message que vous diffusez est clair : vous cautionnez pleinement ces agissements, et les estimez conformes à l'éthique et aux règles de l'établissement. Quant à la légitime défense après moult provocations et agressions, verbales puis physiques, elle n'a pas sa place dans votre établissement. Jusque-là, je n'ai fait part de cette affaire et des documents en ma possession (j'ai reçu bien d'autres témoignages depuis mon dernier rapport, dont vous n'avez pas même accusé réception, et je me réserve le droit d'en user de la manière qui sera la plus propre au droit) que partiellement aux parents de 6e, contraint de me défendre face à vos messages diffamatoires. J'apprends que durant la réunion de ce matin [avec les parents, suite à notre rencontre], l'administration a persisté à nier les témoignages qui lui sont parvenus, et m'accuse en outre d'avoir insulté des élèves sans même m'avoir entendu à ce sujet. Je vous informe que si vous persistez à ignorer tous mes courriers, et si l'affaire n'est pas réglée avec justice dans les meilleurs délais, je me donnerai la liberté de communiquer, dès ce jeudi, tous éléments pertinents à l'ensemble des parents et personnels du Lycée, puis, dans un second temps, à toutes autorités et instances compétentes ou susceptibles d'être intéressées par ce scandale aux multiples facettes. Bien à vous, S. L. » (9 avril) ; « Monsieur le Proviseur, Pour le 3e jour consécutif depuis la fin de mon "exclusion conservatoire", je me suis présenté à l'établissement où je suis tenu d'être présent par obligation contractuelle, ce dans l'attente d'une notification quelconque qui régularise cette situation hautement illégale. On m'interdit toujours l'accès à mon établissement, on refuse de me recevoir ou même de constater ma présence, et ce sans la moindre explication officielle ni même officieuse. Je me trouve bien entendu dans l'obligation d'expliquer brièvement les motifs de ma présence aux personnels, élèves, parents et visiteurs qui, de plus en plus instamment, me sollicitent à ce sujet. Vous informez les parents de 6e, dans un courriel adressé hier et que je joins à ce message, de mon remplacement de fait, jusqu'à la fin de l'année, par deux collègues qui ont accepté de prendre mon poste, alors même que vous avez affirmé à la délégation des parents que la décision serait prise par le Conseil d'établissement et qu'une notification officielle suivrait. Et vous vous êtes bien gardé de préciser que jusqu'à présent, vous ne m'avez pas notifié de quoi que ce soit, et que par conséquent, je reste, en droit, le seul Professeur de Français légal et légitime des 6e. Vous me contraignez donc, par votre attitude de déni, à prendre de nouvelles mesures. Quoi qu'il en soit, soyez assuré dès à présent que sans retour de votre part, je considèrerai dès demain comme un sixième point supplémentaire indispensable à toute résolution de ce litige à l'amiable, en plus des salaires intégraux dus, une compensation financière pour tous les frais engagés, voire pour les préjudices physiques et moraux subis. Bien à vous, S. L. » (10 avril) ; « Monsieur le Proviseur, Un nouvel élément ayant trait aux explications qui ont été données aux parents vient de m'être communiqué : bien que les agissements de M. Métaux, maintenant reconnus, méritent en effet une exclusion d'après l'aveu de l'administration, cela ne peut être fait à l'heure actuelle eu égard aux Terminale auxquels il enseigne la Philosophie, et qui ne doivent pas être pénalisés l'année du baccalauréat. Bien que cet argument me paraisse difficilement recevable, je me permets de vous rappeler que contrairement à M. Métaux, Professeur de Philosophie enseignant le Français sans diplôme ni qualification, je suis moi-même diplômé et qualifié pour l'enseignement de la Philosophie (et pas seulement pour le Français). Quant à la décision de ne point sanctionner Isabelle, la compagne de M. Métaux, qui, comme vous le savez, a participé à l'algarade en me donnant un coup de poing (seuil que moi-même je n'ai jamais atteint, m'étant contenté de repousser Samuel qui m'avait provoqué à maintes reprises, insulté, frappé sur le torse et poussé, tout cela sans que j'aie commis la moindre agression), à ce jour, la seule explication, fournie par Mme Nermine elle-même, est que sa réaction est "naturelle" : quoi de plus naturel en effet pour une compagne que de défendre son compagnon ? Quant à la défense de ma propre intégrité morale et physique, elle ne trouve pas sa place dans les règles de la "nature", pas ici du moins. Je vous rappelle que le règlement intérieur interdit expressément d'"Agresser verbalement ou physiquement tout membre de la communauté éducative", ce dont Métaux a été clairement reconnu coupable. Cependant, il n'y est fait nulle mention de l'interdiction de la légitime défense, qui est du reste un droit inaliénable. Par ailleurs, je vous transmets ci-dessous le discours d'"insultes" (selon l'exégèse de l'administration) que j'ai tenu aux 2nde (et au Première), et qui est d'après cette même administration une preuve de ma "perte de contrôle". Je la remets donc entre vos mains. A ce jour, ce discours est attesté et validé par écrit par le Professeur concerné, ainsi que par plusieurs élèves l'ayant directement entendu. Comme tout document pertinent et nécessaire à la préservation de ma réputation, il sera, le cas échéant… transmis à qui de droit. Bien à vous, S. L. » (13 avril), etc. Cf. la note 33 de la première partie pour le contenu de mon « discours » aux 2nde.

[31] Cf. ce courriel à M. T. et à la MLF daté du 11 avril : « Monsieur le Proviseur, Je me suis présenté à mon établissement ce matin à 7h30, et je m'en suis encore vu interdire l'entrée, sans qu'on m'apporte de notification quelconque… ».

[32] Le 28 mars 2013, ce courriel était adressé aux parents d’élève de 6epar l’administration égyptienne : « Chers Parents, Nous vous présentons nos excuses pour l’incident survenu entre deux professeurs en dehors de l’enceinte de l’établissement, dans lequel M. Samuel M. a été blessé par M. S. L. et la décision de l’établissement fut de mettre fin au contrat de M. S. L.. Il est utile de vous informer que M.Paul Petit du Centre Culturel a été impliqué dans cette décision, ce qui la rend mutuelle. Puisque M. T. est en France pour recrutement, un message complémentaire vous sera adressé par ses soins dimanche, dès qu’il sera à l’école. Merci pour votre compréhension. Nermine Nada. » M. T. n’était effectivement pas même présent, et ce courriel montre assez qu’il n’est considéré que comme un homme de paille censé donner une caution tricolore à des décisions purement égyptiennes. Il a bien joué son rôle, avec ce courriel adressé aux parents le 31 mars, après m’avoir rencontré et avoir admis que j’avais été victime d’une provocation préméditée de M. Samuel M. : « Chers parents de 6ème, Je tiens à vous présenter mes excuses et celles de l’ensemble de la Section française pour l’incident qui s’est déroulé entre deux enseignants de la Section française dans l’enceinte de l’établissement [sic] mercredi dernier alors que je me trouvais à l’extérieur du pays. Bien que l’incident se soit déroulé hors du périmètre per say [sic] de la MISR Language Schools, il a eu lieu à 15h, un moment très important de la vie de l’établissement, dans un endroit où tout le monde pouvait voir les deux enseignants. C’est pourquoi cela concerne directement la direction de l’école. Comme je l’ai dit à vos enfants, le premier qui perd son sang-froid [sic] est toujours en tort et sera tenu pour responsable. Nous avons tous le droit d’être en désaccord avec d’autres personnes. On peut même ne pas les apprécier. Mais les conflits ne peuvent jamais être résolus par la violence. Comment peut-on faire confiance à quelqu’un qui a perdu son calme une fois ? C’est pourquoi Mme Nermine NADA et l’Ambassade de France ont conjointement décidé, pour la sécurité de vos enfants [sic], d’interdire à M. S. l’accès de l’établissement. Je poursuis mes investigations pour savoir ce qui s’est vraiment passé. J’ai parlé à vos enfants en classe aujourd’hui. Je sais que beaucoup d’entre eux apprécient M. S. qui est un bon professionnel. Je l’ai personnellement recruté. En tant qu’enseignants, nous devons toujours nous souvenir de donner l’exemple quelle que soit la situation. Un remplaçant sera trouvé rapidement. Je vous prie encore une fois d’accepter mes excuses au nom de la communauté française en Egypte, au nom de l’école et au nom de l’équipe enseigante. Bien à vous, Frédéric T. ».

[33] J’en informais M. T. le 3 avril, toujours en mettant la MLF en copie : « Monsieur Le Proviseur, J’ai pris connaissance de votre courriel adressé aux parents de 6e, et que je mets en pièce jointe. Vous m’avez notifié de ma suspension provisoire, alors que vous informez les parents de mon exclusion et de mon remplacement. Vous avouez que votre enquête est encore en cours, et que vous cherchez toujours à savoir ce qui s’est vraiment passé, alors que vous avez déjà décidé que j’étais le coupable et qu’il fallait me remplacer. Les faits et les témoignages qui vous ont été transmis à ce jour (et d’autres témoignages vous parviendront encore) prouvent sans le moindre doute que j’ai été provoqué et agressé à plusieurs reprises, dans l’école et à l’extérieur, et n’ai fait que me défendre de la manière la plus propre à préserver mon intégrité et à mettre fin à l’escalade dans laquelle voulait m’entraîner M. Samuel Métaux au sein de l’établissement même, devant les élèves, et à l’extérieur de celui-ci. Vous l’avez reconnu vous-mêmes durant notre entretien informel, en présence du représentant élu du personnel, entretien enregistré par mes soins et, m’a-t-il semblé, par les vôtres : Samuel m’a « tendu un piège ». Pourquoi donc persistez-vous à me présenter comme coupable, et Samuel comme innocente victime ? Du reste, l’incident le plus grave, concernant le plus directement l’établissement et étant de la responsabilité de l’établissement, est celui de mon « exclusion » arbitraire violant toutes les lois égyptiennes et françaises, et les statuts mêmes de la MLF, ainsi que tout ce qui s’est ensuivi en fait de violences et d’illégalité. Et effectivement, l’incident avec M. Samuel Métaux s’est passé loin de l’enceinte de l’établissement (à plusieurs centaines de mètres de l'entrée, hors de vue de quiconque se trouvant dans l'école, à l'entrée de l'école ou même dans le parking, et à ce moment-là la très grande majorité des élèves et parents s’y trouvaient), alors que ce qui s’est passé le Jeudi 28 Septembre a eu lieu dans ce qu’on pourrait caractériser avec beaucoup plus de pertinence comme le périmètre per se de l’établissement. Cet incident du 28 mars est à mon sens beaucoup plus grave, implique beaucoup plus la responsabilité de l’administration et nuit beaucoup plus à l’image de l’établissement et à la « sécurité » des élèves que l’incident « Samuel Métaux ». Celui-ci n’est devenu votre responsabilité directe que lorsque vous avez décidé, sans même daigner m’entendre et contre tous les éléments factuels à votre disposition, de prendre aveuglément son parti, en m’imputant la responsabilité complète de son agression. Je me souviens de notre première entrevue sur Skype, pendant laquelle vous me parliez du racisme ambiant à MISR, m’avertissant qu’en tant qu’Arabe, ce serait encore plus dur pour moi, et plus encore en tant qu’Algérien, et que du reste cela avait beaucoup joué dans le départ de Mme Myriam. Vous m’avez averti de ce à quoi j’allais m’exposer, mais vous m’avez présenté ce racisme comme émanant des parents et des élèves. Hors, je vois une expression magistrale de ce racisme dans la décision de l’administration égyptienne d’exclure un M. S. L. et de garder un M. SAMUEL M., avant toute enquête, et malgré toutes les preuves accablantes contre M. Samuel Métaux qui vous ont été transmises. Et j’ai parlé à de nombreux parents indignés qui ont présenté la chose en ces termes – et pourrait-on aisément la présenter en d’autres termes ? Afin d'exercer mon droit de réponse et à la demande des parents d'élèves, je vous informe que j’organiserai la réunion que j’avais prévue (initialement pour parler de notre progression et de la sortie prévue aux pyramides), à un moment et dans un endroit que je communiquerai aux parents, mais c'est de l'affaire dont je suis victime qu'il sera question. Je me donnerai la liberté de communiquer tous éléments en ma possession afin de réhabiliter mon image que vous vous évertuez à ternir. S. L. »

[34] Voici le compte rendu de cette réunion dressé par mes soins suite au rapport que m’en ont fait les parents, et que j’ai adressé à ceux-ci le 10 avril : « Chers parents, Tout d’abord, je tiens à exprimer mes remerciements les plus chaleureux à tous pour votre soutien et tous vos efforts. Concernant la rencontre qui s’est tenue hier entre une délégation des parents de 6e et Mme Nermine et M. T., voilà ce qui m’a été transmis : – l’administration prétend toujours que c’est moi qui ai initié l’affrontement physique, bien qu’elle reconnaisse que j’aie été provoqué et insulté par M. Samuel ; – l’administration reconnait que j’ai été violenté par M. Yasser juste devant l’école, sous les yeux de mes élèves, alors que je n’avais rien fait : l’agression de M. Yasser était selon eux due au fait qu’il pensait que je représentais un danger pour les enfants et pouvais les blesser ; – l’administration ne peut tolérer aucune violence ou provocations, et condamne le comportement de M. Samuel et de M. Yasser, et leurs contrats seront rompus à la fin de l’année scolaire ; – l’administration considère toujours comme un fait avéré que j’ai perdu mon calme et eu un comportement excessif par une agression physique violente ; elle craint que je puisse être provoqué à nouveau dans une telle réaction, et en venir à violenter les enfants eux-mêmes. C’est pourquoi elle ne peut pas me garder dans l’école, pour leur propre sécurité et édification ; – l’administration invoque également mon intervention auprès des classes de 2nde A pour justifier cette décision, et prétend que je les ai gravement insultés [cf. note 33 de la première section pour le contenu de cette intervention] ; – la décision finale quant à mon sort sera prise par le Conseil des Parents qui tenu le jour même, à savoir hier. Je demande à tous les parents, qu’ils aient assisté ou non à cette rencontre (s’ils en ont eu des nouvelles par d’autres parents), de confirmer, récuser ou ajouter tout élément nécessaire à ce rapport. Jusqu’à présent, je n’ai reçu aucune notification de la part de l’établissement, ce qui est d’une illégalité flagrante… Je vous tiendrai informés et vous ferai suivre tous les documents pertinents, que je traduis actuellement en anglais. Bien sûr, je reste à votre disposition pour toute question que vous souhaiteriez poser, et je suis preneur de toute information ou conseil. Meilleures salutations, S. L..» Ce rapport fut validé avec un petit rectificatif par Mme G.*, représentante des parents, dans sa réponse adressée le jour même à moi-même et aux autres parents : « M. L., Permettez-moi de corriger un point. C’est le Conseil d’établissement qui statuera définitivement sur votre sort, et NON le Conseil des parents. Bien à vous». Voici mon courriel du 16 avril aux parents : « Chers parents, Je vous informe que… l’administration refuse de régler le conflit à l’amiable, et il faudra donc mener une action en justice et bien au-delà. Comme je n’ai actuellement pas de poste, et que je n’ai même pas reçu mon salaire du mois de mars, je n’ai pas d’autre choix que de recourir à des cours particuliers, et bien entendu, ma priorité est mes élèves. Je suis donc prêt – c’est le moins qu’on puisse dire – à [dispenser] à vos enfants[des leçons particulières]... Mon numéro de téléphone est le 01026267675. Meilleures salutations, S. L. PS : Détails au sujet du litige. Bien qu’il ait été dit à la délégation de parents que la décision concernant mon sort était entre les mains du Conseil d’Etablissement (en réalité, il est censé se réunir ce jeudi 18), la décision a déjà été prise (en fait, elle a été prise dès la première minute, lorsque M. Samuel est venu à Mme Nermine en « pleurant comme un bébé », comme l’a dit un parent) : je ne serai pas autorisé à revenir et je suis toujours considéré comme le principal agresseur, et, plus encore, comme un danger pour les enfants eux-mêmes, en dépit des preuves accablantes qui démontrent que je n’ai fait que me défendre face à une agression verbal ET physique que je n’avais nullement causée, précédée de maintes provocations documentées de M. Samuel. Quant au fait que je serais un danger contre lequel vos enfants doivent être protégés, c’est tout simplement grotesque. Pas plus que je n’ai « perdu mon sang-froid » avec M. Samuel malgré tout ce qu’il a fait, je ne pourrais jamais « perdre mon sang-froid » avec des enfants ; et même dans l’hypothèse biscornue dans laquelle j’aurais un tel « mauvais caractère », alors, comme un parent l’a souligné, de tels problèmes se seraient produits au début, lorsque les classes étaient chaotiques, et certainement pas maintenant que tout va bien. M. Samuel sera également « renvoyé » à la fin de son contrat, puisque son comportement est enfin jugé inacceptable, grâce à vos efforts, mais j’ai été informé que l’administration justifie sa décision de me renvoyer dès maintenant et de le garder en déclarant que puisqu’il enseigne la Philosophie aux Terminale, qui passent le baccalauréat cette année, cela serait préjudiciable pour ces élèves de le renvoyer maintenant – comme si un tel argument pouvait être acceptable. Et bien évidemment, sa compagne Isabelle n’est pas du tout inquiétée, alors que la position officielle est que la « violence » n’est tolérée de la part de personne, et bien qu’il soit reconnu qu’elle m’ait donné un coup de poing – alors que tout ce que j’ai fait est de repousser fermement M. Samuel qui m’avait insulté, frappé sur la poitrine et poussé, comme le montrent clairement les témoignages écrits des enseignants (je les traduis en anglais et vous les transmettrai dès que possible). Mme Nermine a déclaré que la réaction d’Isabelle était « naturelle ». Mais l’auto-défense, la protection de mon intégrité morale et physique afin de mettre fin à l’escalade dans laquelle j’étais entrainé par M. Samuel, à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement, ne sont pas considérées « naturelles ». La partialité et l’injustice de ces décisions sont claires comme le cristal. Et bien sûr, jusqu’à présent, je n’ai pas été notifié officiellement (c’est-à-dire par écrit) de mon licenciement, ce qui signifie que contractuellement, j’ai l’obligation d’être présent à l’école (ou plutôt devant celle-ci) chaque jour, afin que l’administration ne puisse pas prétendre que c’est moi qui aurais rompu le contrat en ne me présentant pas sur mon lieu de travail. Sabrun jamil (la patience est une belle chose)… L’affaire sera portée devant les instances concernées et défendue jusqu’au bout, quel qu’en doive être le prix en fait de temps, de dépenses, de patience, d’efforts, de ressources, etc. Tout parent désireux d’aider en quoi que ce soit, que ce soit par un témoignage quant à ces faits ou tout autre fait pertinent, au sujet de mon expérience en tant qu’enseignant avec vos enfants ou tout autre élément concernant cette école, ou même avec des choses plus techniques comme la traduction de documents, les contacts auprès des autorités, des médias, d’associations, etc., sera bienvenu. Et bien sûr tout conseil également. Encore une fois, je vous remercie vivement pour votre présence à mes côtés, vos efforts, votre attention et votre soutien. »

[35] Cf. les notes n° 32 et 33, et encore ce courriel de la vie scolaire adressé le 9 avril aux parents de 6e : « Chers parents de 6ème, je vous transmets un mot du Proviseur: Des professeurs de l'établissement ont accepté d'enseigner le français en 6ème jusqu'à la fin de l'année scolaire. Je les en remercie. Mme Aline* G., professeure depuis 8 ans dans l'établissement et qui prépare actuellement les élèves du collège au Brevet, reprend la 6A. M. Eric* C., professeur de Lettres en Lycée qui prépare les élèves au Bac de Français en 1ère, reprend la 6ème B. Des modifications mineures d'emploi du temps ont lieu. Le nouvel emploi du temps a été distribué aujourd'hui. Il sera valable à partir de dimanche. L'heure d'ATP est remplacée par une heure de Matières Sociales en arabe pour la préparation des examens. Bien cordialement, CPE »

[36] Voilà le témoignage d’une maman d’élève de 6e B, Mme W*, au 1er avril, rapportant les dires de son fils : « Vous avez donné rendez-vous à Métaux à l’extérieur de l’école. Monsieur Métaux vous ayant agressé verbalement et physiquement, vous avez répliqué immédiatement en le blessant au cou avec un couteau Suisse. »

[37] Cf. ce message d’une élève de 6e daté du 31 mars 2013, juste après la propagande ignoble de Mr. Frédéric T. et de Mme Nermine NADA visant à me faire passer pour un élément dangereux pour les élèves eux-mêmes : « Cher M.Sallah, Ne soyez pas triste. M.Sallah on a tous pleurer quand vous etes exclue par l'ecole,on voulais vous voir mais l'ecole nous as dit que c'etait interdit. Je vous souhaite une bonne chance monsieur. (…) Toute les 6eme vous aime. » ; ou ce témoignage de Mme S***, parent d’élève de 6e A datant du 12 mai 2013, après que les diffamations à mon encontre aient atteint de nouveaux sommets : « Au sujet du Professeur S., je n’ai entendu que tout le bien possible de la part de mon fils et des autres élèves de sa classe et des autres classes et niveaux. Tous attestent fermement de ses bonnes manières dans son comportement avec eux. […] Je n’ai jamais entendu dire qu’il s’en serait pris en paroles ou en actes à aucun élève de la classe de mon fils depuis qu’il a pris ses fonctions dans cette école. Bien au contraire, au début, j’avais l’impression qu’il était exagérément doux avec ses élèves mais il semblerait que cela ait été sa manière de tisser des liens de proximité avec eux. Cette vue est soutenue par le très fort attachement et la grande affection qu’ils éprouvent maintenant pour lui. C’est pourquoi j’ai été abasourdie et déconcertée lorsque j’ai reçu, comme le reste des parents, une lettre de l’administration de l’école nous informant qu’il avait été suspendu de ses fonctions et renvoyé définitivement après une altercation qui s’est déroulée entre lui et un autre enseignant le jour de la décision. […] M. S. nous a informés qu’il n’avait pas été officiellement notifié par l’école et qu’il n’a pas reçu le moindre document le notifiant de sa suspension ou de son licenciement, sauf pour une durée d’une semaine. Et ce que je sais de M. S. et qu’il était résolu à rester devant les portes de l’établissement pour prouver qu’il n’était pas absent de son lieu de travail après l’expiration de cette période afin de préserver ses droits, comme le lui a conseillé son avocat. Je considère que les accusations qui sont portées contre lui, à savoir qu’il serait un danger pour les élèves ou enseignants, sont abusives, et j’ai entendu dire qu’il avait été soumis à beaucoup d’humiliations afin de l’empêcher de réintégrer l’école ou de parler aux élèves, et qu’il faisait tout cela pour défendre ses droits et obtenir des témoignages quat à la provocation du Professeur Samuel à l’intérieur de l’école avant l’incident, car il l’avait provoqué verbalement sous les yeux des élèves. »

[38] Témoignage du père de N*, parent d’élève de 4e : « N* affirme que les vigils de l’école ont menace les élèves en leur disant que la Directrice avait dit que les élèves qui parlent au Professeur S. auront des problèmes dans l’école. ». Témoignage de Mme. A*, parent d’élève de 4e :« J’ai entendu dire par plusieurs enseignants que la direction de l’école a menacé les enseignants pour qu’ils ne saluent pas le Professeur S. et quiconque nous voyait lui parler ou le saluer nous disait de ne pas l’approcher. » J’en faisais part aux personnels dans un courriel du 25 avril : « Jusqu’à présent, l’administration de MISR refuse de respecter ses obligations légales, que ce soit en me notifiant par écrit de mon exclusion et de ses raisons supposées… et en plus de tout cela, ils les ont menacés [les enseignants égyptiens] de perdre leur travail s’ils me parlaient (car je vais tous les jours à l’école, étant tenu de le faire par obligations contractuelles jusqu’à ce que le contrat soit officiellement rompu). Et à présent, presqu’aucun des Professeurs égyptiens, dont le témoignage personnel sera fourni à la justice (il le sera anonymement aux parents et personnels), n’ose me saluer ou me parler, par peur d’être dénoncé à l’administration par les gardes vigilants et zélés (qui ont également menacé plusieurs fois des élèves qui me parlaient d’être dénoncés à Mme Nermine et sévèrement punis, comme cela sera documenté), alors qu’ils me saluaient et me parlaient auparavant, me manifestant leur solidarité. Toutes ces actions évoquent plus les temps d’Al Capone, un chef de la mafia de Chicago dans les années 1920, qu’une école Française dans l’Egypte postrévolutionnaire au XXIe siècle. Si je n’avais pas vu tout cela de mes propres yeux, entendu cela de mes propres oreilles, et été directement la victime de tous ces mauvais traitements, tout cela et plus encore, depuis que je suis arrivé dans cette école, je ne le croirais pas facilement. Très certainement, des réflexes de l’ère de Mubarak, pour ne pas dire de l’ère de Pharaon, sont toujours mis en œuvre, de façon irresponsable et insensée. »

[39] Le « Mot du Proviseur » aux personnels du mardi 23 avril prétendait : « Dimanche, M. L. a filmé des élèves de première et de terminale dans l'établissement avec son smartphone. Il a été arrêté lundi par la police égyptienne et conduit au commissariat. Le consulat a été immédiatement alerté. D'après mes sources, M. L. aurait été relâché lundi soir. »  

[40] J’adressai un long compte rendu aux personnels et parents d’élève le25 avril 2013, dont j’ai déjà cité l’extrait concernant mon arrestation : « L’ironie est que l’administration m’a accusé, faussement et avec une impudence magistrale, de ce dont elle était elle-même coupable, à savoir menacer et brutaliser moralement enfants et professeurs, et me brutaliser physiquement moi-même. Ils m’ont diffamé sans la moindre preuve, mais en ce qui me concerne j’en fournirai à foison : et c’est ce que j’ai affirmé dans ma propre déclaration, après que la police m’ait lu ces accusations issues de la déclaration de l’administration, que j’ai évidemment niée. Et lorsque la police a réalisé que j’étais loin d’être le fou furieux qu’on leur avait décrit, et découvert que j’avais moi-même, avec mes avocats, déposé une plainte auprès d’eux plusieurs jours auparavant au sujet de l’illégalité des actions de l’école et que je réclamais seulement mes droits d’une manière légale et légitime, tout est allé pour le mieux, d’une manière civilisée. Contrairement aux allégations de M. T. dans un e-mail aux personnels, je n’ai pas été « relâché » Lundi soir, mais Lundi vers 14h, après avoir répondu à la déposition de l’école par mes propres déclarations, à l’échelon de justice supérieur (« niyabi » ce me semble). M. T. a également annoncé aux personnels dans cet e-mail que ce qui s’était passé avec la police était dû à de soi-disant photos que j’aurais prises avec mon « smartphone » (je n’ai jamais rien possédé de tel), ce qui d’une part est faux, et d’autre part est inconsistant avec les prétendus faits mêmes, puisque ce pseudo-incident a eu lieu le jour précédent, le 21 avril, alors que la police, comme ils nous l’ont dit eux-mêmes, était appelée depuis des jours et était déjà venue bien auparavant et ne m’avait pas trouvé (des professeurs ont vu et attesté de leur présence). Et dans la déclaration qui m’a été lue au poste de police de Gizeh, contenant les accusations de l’administration, les soi-disant photos n’ont été évoquées qu’à la fin, après les menaces, agressions et insultes contre les élèves et les professeurs, et toute personne rationnelle reconnaîtra qu’une intervention si musclée de la police ne peut être que pour des raisons alléguées aussi sérieuses. Mais d’ores et déjà, chacun est à même de distinguer qui s’appuie sur l’illégalité, les mensonges et l’intimidation, et qui s’appuie sur les faits avérés et les actions légales. ».

[41] Cf. ce courriel de M. Frédéric T. aux personnels datant du 13 mai : « MISR ne poursuit pas M. L. en justice. L’établissement n’a rempli aucune plainte contre lui. En revanche, suite à son arrestation après qu’il a filmé des élèves depuis l’extérieur de l’établissement, M. L. fait l’objet d’une interdiction de s’approcher de l’établissement. C’est M. L. qui assigne l’établissement en justice dans l’équivalent des prudhommes. Le Ministère des Forces Productives s’est mis en contact avec l’avocat de l’établissement pour parvenir à une conciliation. »

[42] Voici ces accusations, synthétisées dans mon courriel du 25 mai : « faits d'agression ; harcèlement des élèves et des Professeurs empêchant le fonctionnement de l'école ; photographies de l'école, de Professeurs et d'élèves de moins de 15 ans (l'incident en question avait eu lieu lorsque des élèves de... Terminale ont voulu quitter l'école sans autorisation et forcer le passage : MISR est bel et bien une école d'élite, on y passe le bac avant 15 ans !) ; fuite de ma part ce jour-là, poursuivi par les gardiens (sic) ; tentative d'empêcher le fonctionnement de l'école ; c'est moi qui ai provoqué et agressé un collègue sous les yeux d'autres Professeurs, d'où mon expulsion temporaire décidée par la direction française (M. T. affirmait que c'était la direction égyptienne dans son courrier du 31/3...) ; durant mon expulsion provisoire, je serais venu chaque jour et j'aurais même essayé de rentrer de force dans l'école (alors que je ne me suis pas même représenté une seule fois à l'école du 1er au 7 avril, et que je n'ai jamais ne serait-ce qu'esquissé un tel geste...) ; diffamation ; etc. »

[43] Voici ma réponse du 18 mai, dans laquelle je soulignais les évolutions de la position de M. Frédéric T. : « Chers collègues, Suite au courriel que vous a adressé M. T. le 13 mai, dans lequel il dément mon affirmation selon laquelle l'école a déposé une plainte contre moi à la police (jism al shorta) puis au Parquet (niyabi) pour agressions, menaces et insultes (et "photos"), rétablissant ainsi, selon ses dires, la "vérité", je confirme, preuves rationnelles et factuelles à l'appui, que j'ai bien dit la vérité, et qu'il s'agit d'un énième mensonge (tout aussi mal inspiré que les précédents) de la part de l'administration de MISR. Il est vrai qu'une telle version aurait eu l'avantage de favoriser une attitude de "Chevalier de la noble conscience" (cf. Karl Marx), en vous dissuadant, ce qui est l'objectif dudit courriel, de me transmettre vos témoignages comme mon avocat et moi-même vous y invitons, mais elle est inexacte et inepte, et je me dois de procéder à une nouvelle "Réfutation de la réfutation" (cf. Ibn Rushd - Averroès : loin de moi l'idée de comparer quiconque dans l'administration de MISR à Ghazali) : 1 / M. T., qui persiste à défendre, contre le bon sens et la chronologie des faits que j'ai rappelée dans mon courriel précédent, que l'intervention de la police est due au [f]ait que j'aurais filmé des élèves, laisse donc entendre que l'action qui a été intentée contre moi au Parquet serait soit une invention de ma part, soit une initiative des forces de police elles-mêmes, qui, comme chacun le sait, n'ont rien de plus important à faire dans l’Égypte actuelle que de poursuivre au pénal des ressortissants étrangers qui "filmeraient des élèves". Il prétend qu'une intervention si musclée de la police, suivie d'un enfermement dans une cellule exigüe, puis d'un transfert de ma personne, qui, conformément à la procédure, devait être menottée comme un criminel durant le trajet jusqu'au Parquet, instance responsable de la décision de me maintenir en détention ou de me libérer, peut se faire pour des motifs aussi légers, sans plainte de la part de l'établissement. Il faut avoir une dose exceptionnelle de crédulité (ou de mauvaise foi) pour croire à de tels boniments, et une toute aussi grande dose de culot (bien plutôt d'indécence) pour oser les énoncer - ou simplement les répéter.  2 / Pour dissiper tout doute, légitime ou non, il se trouve que j'ai en ma possession le texte de cette longue plainte qui a été déposée contre moi au poste de police (avec la réponse), et qui a été réitérée au Parquet, par les représentants de l'établissement. Ils ont fait deux déclarations, à deux reprises, une à la police, puis une au Parquet, qu'ils ont toutes deux signées. Et non pas comme témoins, mais comme accusateurs. Je mets la copie de l'original en pièce jointe (le texte est en arabe manuscrit, comme c'est l'usage) et je vous transmettrai sa traduction en français très prochainement. La "vérité", la vraie, est donc "rétablie", et chacun peut donc, en connaissance de cause et preuves à l'appui, décider de ses (in)actions face à ces accusations gravissimes et diffamatoires portées contre leur collègue et concitoyen, et en répondra pour le moins devant le tribunal de sa conscience – si les choses en restent là, ce qui est à la limite de l'impossible. 3 / Je remarque cependant quelques points positifs dans ledit courriel de M. T. : a - il n'assume pas cette déclaration de "vérité", en attribuant la responsabilité à Mme Nermine Nada, ce qui est un progrès notable depuis le temps où il déclarait impudemment à mes élèves de 6e que j'étais un agresseur et un danger pour leur sécurité, contre lequel ils devaient être protégés : brutalisation morale ignoble pour quiconque connaît leur très grande affection pour moi, avant même la diffamation inqualifiable qu'elle constitue (et de laquelle vous rendrez également compte devant les instances compétentes en Egypte et en France, M. T., croyez-moi) ; b - il ne prétend plus qu'implicitement que l'action intentée contre moi soit due aux soi-disant photos/vidéos d'élèves, comme le montre l'emploi de la locution conjonctive après que qui indique la succession et non la causalité (que M. Métaux me corrige si je me trompe) ; c - j'ai bien fait l'objet d'une interdiction de m'approcher de l'établissement, mais c'est justement durant le temps de l'enquête du Parquet, qui doit déterminer quelles accusations sont véridiques, celles de l'établissement à mon encontre, ou les miennes au leur. »

[44] Extraits de ce courriel : « un nouvel incident très grave s'est produit lorsque je suis parti, autour de 15h25. Alors que je rentrais chez moi et que j'étais au téléphone, marchant sur la rue du Lycée, presque parvenu au niveau de la route de Fayoum, une main s'est posée sur mon épaule. Je me suis retourné, et ai vu, si je ne m'abuse, M. Mohamed Mahrous al Chafi'i, l'adjoint du chef des vigiles, dans un état d'excitation manifeste. Ayant déjà été menacé et physiquement intimidé par cet individu (je m'en suis plaint sans le nommer à M. T. dans un courriel du 8 avril), qui est, il me semble, un des auteurs du faux témoignage à la police et au Parquet (c'est comme ça que je crois pouvoir identifier son nom), et n'ayant rien à dire ni à entendre de quiconque de l'administration de MISR hors de l'établissement, je me suis détourné de lui et ai poursuivi ma conversation et ma marche en direction de chez moi. Il a reposé sa main sur moi plus agressivement encore, je l'ai repoussée de même, puis il l'a encore reposée en me tirant avec force en arrière pour me forcer à l'écouter, et je l'ai repoussée fermement une troisième fois et lui ai fait face, sans couper ma conversation. Il m'a menacé des plus graves problèmes si je m'avisais de revenir près de l'établissement, et le ton employé ainsi que son agression physique caractérisée ne laissaient guère de doutes sur ce qu'il voulait me faire entendre. Je lui ai répondu qu'ils comprendraient bien assez tôt qu'ils avaient affaire à quelqu'un qui était en mesure de se défendre par tous les moyens légaux à disposition, et qu'aucune intimidation ni agression ne sauraient m'empêcher de réclamer et d'obtenir mes droits. Il m'a répondu par une insulte encore plus grave que celles de M. Métaux : M. Mohamed Mahrous al Chafi'i a directement insulté mes parents, me disant "ya bna al woskha", ce qui signifie "fils de la merde", "fils de la saleté", et qui est une insulte extrêmement grave chez les Arabes, destinée sans aucun doute à entraîner une réaction de ma part qui pourrait leur permettre de ternir mon image auprès des élèves et parents, leurs efforts ayant échoué jusque-là, et de déposer à nouveau une plainte contre moi, avec plus de chances de succès. Je n'ai bien entendu pas réagi autrement qu'en lui disant que très bientôt, la justice trancherait entre nous. Puis j'ai repris mon chemin - et ma conversation téléphonique, qui n'avait pas été coupée. […] Pour ceux qui voulaient / pouvaient encore en douter, il est clair que cette administration n'a que faire de la légalité, ni de la légitimité : elle a recouru aux violences, aux intimidations, à l'illégalité, aux faux témoignages, et rien de tout cela n'étant venu à bout de ma détermination, elle surenchérit dans les violences physiques et verbales. Quand, et où cela va-t-il s'arrêter ? Combien de temps ces procédés de mafia, ces intimidations seront-ils permis par la complicité et les inactions des uns et des autres ? M. Mohamed Mahrous al Chafi'i, qui ne pouvait rien faire sous les yeux des élèves, a donc attendu que tous soient partis, et m'a poursuivi sur toute la rue du Lycée (je marchais assez vite, et sa taille et son embonpoint le forçaient nécessairement à courir) pour me rattraper vers la route de Fayoum et m'agresser physiquement et verbalement : est-ce là le signe d'une "perte de contrôle" de l'administration, exaspérée de l'échec de toutes ses manœuvres ? (…) Et que dire maintenant de ce qui s'est passé avec M. Mohamad Mahrous al Chafi'i, de ce qui pourra se passer dans les jours à venir ? Car il va sans dire que chaque fois que mon emploi du temps me le permettra, je me présenterai à mon poste (qui est toujours, légalement, mon poste, MISR n'ayant toujours pas rompu le contrat qui nous lie ni ne m'ayant transmis de quelconque notification). Et ce qui adviendra sera de la responsabilité des acteurs, des complices actifs et des facilitateurs. »

[45] Voilà la traduction de l’article original, en arabe, adressé aux personnels le 21 juin : « L'école m'empêche de travailler arbitrairement. Je suis un citoyen français, et je travaille en tant que Professeur de Français dans l'une des écoles de langues étrangères, celle qui se trouve sur la rue de Fayoum. En mars, j'ai été mis en arrêt de travail pour une durée d'une semaine après une dispute entre moi et un collègue, sans la moindre enquête/confrontation entre moi et ce collègue, sachant que cette dispute s'est produite en dehors de l'enceinte de l'école, et malgré le fait que c'est mon collègue qui était en tort à mon égard, la suspension était à mon encontre seulement. J'eusse espéré que l'histoire s'arrête là, car ensuite la direction m'a empêché de rentrer à l'école après la fin de la suspension provisoire, m'empêchant de signer le carnet de présence, ce qui me déclarait comme absent de mon poste sans raison et leur donnait un droit de m'exclure définitivement. Et bien qu'elle m'empêche de reprendre mon poste, l'école refuse de me donner une notification d'exclusion officielle… et elle ne m'a pas donné mon salaire depuis le mois de mars dernier. A cause de cela, j'ai déposé une plainte contre eux à la police des Pyramides mais elle a été déboutée, de même que j'ai déposé une plainte contre eux au Ministère du Travail, et à la Direction de l'Enseignement et de l’Éducation de Gizeh, plainte numéro 286/8/5/2013 et également à la direction de l’Éducation des Pyramides, plainte numéro 1201/31/5/2013 mais sans aucun résultat jusqu'à présent.  Et la direction de l'école ne s'est pas limitée à cela, mais elle a propagé des calomnies dans d'autres écoles, comme quoi je serais très dangereux pour les élèves, alors que j'ai des attestations de parents d'élèves qui nient cela et demandent mon retour à l'école. Et donc, je demande à la Direction de l’Éducation et de l'Enseignement de Gizeh de rendre justice, d'examiner ma plainte, et de me rendre mes droits dus en me réintégrant dans l'école à mon poste. Professeur S. L. - De nationalité française" »

[46] Dans le compte rendu que j’en fis à mes proches le 14 juin, je décrivais le « cirque qui s'est fini à la police de Gizeh, avec d'une part des membres de l'administration de l'école et une maman d'élève, et d'autre part mon cabinet d'avocats au complet (…) venus pour enterrer la plainte que MISR voulait déposer contre moi et le beau-frère du Sayed (les photos étaient destinées à être publiées dans un prochain article). Il a été saisi manu militari par les gardes, sévèrement malmené, et embarqué dans l'établissement puis au poste après l'arrivée de la police (j'ai rien fait pcq on avait prévu ça, pas de violence quoi qu'il arrive, on s'est écartés pour pas qu'ils aient plus d'otages, comme conseillait l'avocat ; la seule chose que j'ai pas prévue c qu'il y a que la moitié des élèves à l'école, donc moins de témoins, et les probabilités d'action de leur part étaient donc bcp plus élevées que prévu). La carte mémoire a été piquée, quel dommage. La plainte qu'ils voulaient déposer contre nous deux parlait carrément d'agression et de vol, une maman allait déposer un tel témoignage, que nous voulions lui arracher son sac à main (l'article de journal disait que je n'avais pas touché mon salaire depuis Mars, ils se sont peut-être dit que c'est un bon alibi pour voler les sacs à main...).  On a fait un accord parce qu'ils avaient cet "otage"égyptien, et il aurait pu avoir de graves ennuis dans ce pays de non-droit, c'est un père de famille et il avait effectivement pris des photos sans être journaliste, j'avais très peur pour lui (le Sayed encore plus) et (…) faisant toute confiance à mon avocat, j'ai accepté de ne plus revenir devant l'école (c'est la fin de l'année de toute façon, à peine la moitié des élèves vient encore) contre sa relaxe sans suites. »

[47] Voici mon courriel du 21 juin : « Chers collègues, chers compatriotes, Par ce courriel, je démens les déclarations mensongères et diffamatoires de M. T. dans le "Mot du Proviseur" daté du [15 Juin] […]  Au-delà de son invraisemblance, ce récit ne laisse pas de laisser bien des questions essentielles sans réponse : à quoi pourraient servir de tels "petits films" ? qu'est-ce qui pourrait justifier le recrutement, il faut le croire, de mercenaires ? ces prétendus aveux ont-ils été obtenus en présence de la police ? consignés sur procès-verbal ? y a-t-il eu des poursuites engagées ? qu'aurait bien pu faire mon avocat, des heures durant, devant l'école déserte ? etc., etc. Ainsi, indépendamment même de ce qui s'est réellement produit, cette version des faits ne manque pas de présenter des incohérences criantes, ou du moins de laisser des questions en suspens. Ou plutôt, de suggérer insidieusement des réponses qui sont de fait des accusations extrêmement graves, au diapason de ce qui s'est fait jusque-là. Enfin, M. T. se garde bien de mentionner un élément essentiel, qui sape les fondements de ce récit, à savoir que ce jour-là, le Jeudi 13 juin, j'étais présent devant l'entrée du Lycée. Qu'y faisais-je ? Je distribuais des journaux aux parents et professeurs. Sous les yeux de tous. Dont ceux de mes collègues et compatriotes qui sortaient à 14h, bien qu'à l'exception notable d'un d'entre eux (qui m'a salué et a pris un exemplaire du journal), ils aient choisi de détourner le regard, faisant mine de ne pas me voir. L'article de journal sur lequel l'attention était attirée, que vous trouverez en pièce jointe (avec une traduction en PJ), parlait du différend qui m'oppose à l'établissement – qui est toujours, légalement, mon établissement, je le rappelle, pour ceux qui considèrent, au-delà même des principes moraux, que le droit positif importe (qu'il s'agisse des lois égyptiennes ou des lois françaises). On comprend aisément qu'une personne qui publie ses doléances dans la presse, dans le journal de la Présidence de la République de surcroît, sollicitant l'intervention des pouvoirs publics, et qui vient en personne le distribuer, ne peut être présenté comme un criminel agissant dans l'ombre, d'où cet escamotage spectaculaire. Le fait que M. T. se permette cela est la preuve la plus éloquente de l'atmosphère de terreur, de la lourde chape de plomb qui pèse sur cet établissement, car il sait que personne n'y prendra la peine de le démentir ou de lui demander des comptes. Au contraire, tous les collègues qui m'ignoraient peuvent ainsi presque se convaincre, bien volontiers, que la version des faits de M. T. est véritable, tellement elle est arrangeante, accréditant le processus de dénégation. Je comprends bien que nombreux sont ceux qui préfèreraient faire abstraction totale de ma présence et de mon existence, des faits connus de tous, et dont je suis la principale, l'innocente victime, que ce soit pour leur "carrière", ou pour la paix de leur conscience, indifférents au sort de leur collègue et concitoyen. Quant à l'"individu", qui malgré les déclarations et les sous-entendus de M. T., ne faisait que me photographier pour avoir une preuve de ma présence et de mes actions, dont le courriel de M. T. prouve une nouvelle fois et sans conteste qu'elles sont effrontément dénaturées et même effacées et niées, il a eu droit au traitement de faveur des vigiles (et non des parents), auquel j'avais déjà moi-même goûté mais n'étant pas un citoyen français, cela a été encore plus violent : balayage au sol, coups et blessures (jusqu'au sang),  vêtements déchirés, hématomes, et ce malgré son comportement pacifique : il a donné sa carte mémoire sans broncher, son porte-monnaie lui a été pris – il s'était interdit toute résistance, quels que soient les actes de violence, prévisibles et prévus, auxquels lui ou moi-même aurions pu être soumis. Et malgré cela, il a été entraîné de force à l'intérieur de l'établissement, ce qui est rien moins qu'un kidnapping, seule la police étant habilitée à faire cela (il aurait été aisé de le dénoncer avec son nom s'il ne s'était agi que de cela, ou de le garder à vue à l'écart en attendant l'arrivée de la police, mais d'autres projets étaient en œuvre). Ayant été brutalement repoussé par un vigile alors que je m'approchais au moment de sa capture, je suis pour ma part reparti dans le calme, comme nous l'avions prévu en cas de violences, refusant de rentrer dans l'escalade où cette administration voulait clairement nous entraîner. L'administration de l'établissement a ensuite effectivement fait conduire cet "individu" au poste de police de Gizeh, mais comme cela s'était passé pour moi, les chefs d'accusation ne se limitaient guère à la "prise de vues". Une maman d'élève, dont je ne révèlerai pas le nom pour les raisons qui vont suivre, était prête à appuyer des accusations diffamatoires extrêmement graves à l'encontre de cette personne et à mon encontre, à savoir agression contre elle et son enfant et même acte crapuleux – une tentative de vol de ses effets. C'est extrêmement vraisemblable pour une personne qui vient publiquement distribuer des journaux parlant de lui, mais l'administration était décidée à mettre fin à ma présence à tout prix, en s'attaquant non plus seulement à moi, mais à un digne père – et soutien – de famille. Etant donné le rapport de force en questions, et le "témoignage" direct de deux "témoins oculaires" (l'avocat de MISR disait également qu'il m'avait vu agresser des élèves, jusque dans mes classes ; à se demander pourquoi ils m'ont gardé si longtemps comme enseignant, ou pourquoi ils manquent tant d'inspiration pour remplir une notification d'expulsion), il va sans dire que ce père de famille risquait l'incarcération, et moi-même de nouvelles poursuites, ces procédés visant à me faire renoncer à mes droits par l'intimidation et les violences. Il a fallu toute la force de mes avocats, qui étaient prêts à porter recours aux plus hautes instances nationales et attaquer en justice tous les protagonistes de ces actes inqualifiables (violences caractérisées, prise d'otage, menaces, accusations diffamatoires, etc.), pour mettre fin à ces procédés, faire reculer l'administration et sa complice, Mme R*, et un accord a pu être conclu, avec à la clé la relaxe immédiate de cet "individu", sans suites. C'est eu égard à cet accord que je ne révèle pas le nom de cette maman. Quant à l'affirmation selon laquelle cet "individu" aurait été payé par moi, "selon ses dires", en plus d'une double diffamation du fait de M. T., elle illustre l'éthique respective des deux parties : mes amis n'ont pas besoin d'être payés pour être à mes côtés, quels que soient les risques encourus, et les violences ne peuvent les contraindre à un faux témoignage : en effet, en plus des violences, et après son démenti initial, de graves menaces ont été exercées contre lui pour qu'il prétende avoir reçu de l'argent de ma part, ce alors qu'il était otage à l'intérieur de l'établissement, mais en vain. Je précise que le texte de l'accord conclu ensuite pour sa relaxe stipulait qu'il ne parlerait jamais publiquement de ce qui s'était passé, cette exigence ayant été édictée par l'avocat de MISR. On comprend aisément pourquoi. Ainsi les propos de M. T. sont-ils de nouvelles calomnies à mon encontre, proférées en toute connaissance de cause, et visant encore une fois à me salir, dans la continuité de tout ce qui a été fait depuis le 28 mars […] ».

[48] Courriel de M. T. aux personnels datant du 22 juin : « Le conseil d’établissement prévu pour le 27 juin doit être annulé faute de quorum prévisible. […] Le tohu-bohu de la fin de l’année nous a empêché de nous quitter selon les règles. Je n’ai pas pu dire au revoir comme je le souhaitais à beaucoup d’entre vous et je le regrette. Je tiens à vous remercier tous pour les efforts que vous avez réalisés. »

[49] Cf. note n° 32. Ainsi M. T. écrivait-il encore le 12 avril, dix jours après son aveu selon lequel j’avais été victime d’un « piège » de M. Samuel M. et après avoir reçu mon rapport circonstancié et maints témoignages accablants : « Parce qu’il avait porté la main sur son collègue, M. L. s’est vu interdire l’accès de l’établissement par Mme Nermine, en accord avec M. Paul Petit, attaché à la Coopération éducative et représentant du Conseiller Culturel. A mon retour, j’ai vu séparément MM. Samuel M. et L., écouté les versions des témoins et j’ai signalé par écrit à M. L. une mise à pied d’une semaine. […] Mme Nermine et moi avons aussi été discuter avec les élèves de 6ème pour mettre fin aux rumeurs et avons communiqué avec les parents par écrit puis en recevant une délégation. Le sens de notre message était simple: nous avons rappelé que le recours à la violence physique était inexcusable. Le siège de la MLF a été tenu au courant. »  

[50] Voilà le texte de la pétition, qui fut signée par 17 enseignants, dont un égyptien et une signature illisible sans nom (soit moins d’un tiers des personnels) : « Le Caire, jeudi 11 avril 2013. Objet : situation de Mr S. L. – à l’attention de Madame NERMINE Directrice du Lycée MISR Language Schools. Nous, professeurs de la section française du Lycée Misr Language Schools, considérons que le sort réservé à notre collègue S. L. est anormal et inacceptable. En effet, celui-ci a été suspendu par Mr T., Proviseur de la section française pour une durée d’une semaine à compter du 1eravril 2013. Or à ce jour, vous interdisez toujours à M. L. S. de pénétrer dans l’Etablissement et il nous a informés qu’aucune autre suspension ni notification de licenciement écrite ne lui a été transmise. Ainsi, il stationne toute la journée, depuis plusieurs jours devant la porte de l’école de 8h à 15h pour, comme il le dit lui-même, « assurer son service ».  Les élèves, les parents d’élèves et les enseignants sont témoins de cette situation incompréhensible et invraisemblable. Il nous semble impérieux, dans l’intérêt de tous, que M. L. soit fixé au plus vite de la décision que vous avez prise à son égard, afin que cet état de non droit ne conduise à une situation qui se détériore davantage. Nous vous exprimons notre confiance pour résoudre ce problème et vous prions d’agréer, Madame Nermine, l’expression de nos sentiments respectueux et dévoués. »

[51] Cf. le courriel de M. T. aux personnels daté du 19 avril : « Le cas de M. L. est maintenant examiné par le board de Misr language schools. L’avocat de M. L. est entré en contact avec celui de l’école. Plusieurs collègues ont adressé à Mme Nermine NADA une pétition demandant la régularisation de la situation administrative de M. L.. Mme Nermine NADA a l’intention de rencontrer les signataires en ma présence dimanche ou lundi. »

[52] Courriel de M. T. aux personnels daté du 12 avril 2013 : « En mon absence encore, un élève de Seconde a affirmé que son enseignant l’avait poussé en cours jusqu’à le faire tomber. J’ai vu le père de cet élève avec Mme Nermine. Celui-ci était confus de l’attitude de son fils. En effet, cet élève avait été exclu de cours par l’enseignant et était revenu en classe deux fois de sa propre initiative, contrevenant ainsi directement à un ordre de son professeur. Nous avons demandé à l’élève d’écrire une lettre d’excuse à l’enseignant, ce qui a été fait. Il a manifesté un repentir sincère (sic). Une sanction d’exclusion avec sursis a été prise à son égard. J’ai rendu visite aux classe de Seconde et leur ai demandé de se comporter correctement en cours. » 

[53] Dans un courriel aux personnels daté du 13 mai, M. T. les félicitait de leur « stoïcisme » et de leur dévouement à l’égard de la hiérarchie, s’adressant en particulier à une collègue qui m’a remplacé à mon poste. Avant mon affaire, elle se plaignait constamment – et légitimement – d’être sous-payée et mal traitée, et je l’encourageais à se plaindre et réclamer son dû, ce qu’elle n’a pas osé faire. Mais lorsque la direction lui a demandé de prendre en charge mes classes en échange d’un meilleur traitement, elle a accepté : le malheur des uns fait le bonheur des autres. Quant à l’autre collègue, c’est celui qui accabla M. François* E. et nia l’évidence de sa situation dangereuse, jusqu’à qu’il soit agressé : « Mes remerciements particuliers à Mme Aline* G. et à M. Eric* C. :Nos deux collègues n'ont pensé qu'à l'intérêt des élèves quand il a été question de procéder au remplacement de M. L.. Ils ont accepté un surcroît de temps de présence, de préparation et de correction pour que les élèves ne pâtissent pas de la situation. Ils ont dit oui tout de suite et sans hésiter. Au moment où ils sont pris à partie directement et nommément, par courriel, je tenais à leur manifester ma reconnaissance et mon soutien. » Voir ma réponse en note 59. Cf. Article 223-6 du Code pénal : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours».

[54] Courriel de M. Frédéric T. aux personnels datant du 7 juin : « Avant que tombe la nouvelle de ma condamnation aux galères et qu’on me mette les fers aux pieds, je pense avoir le temps de préparer tous vos contrats et de vous communiquer l’actualité de la semaine. »

[55] Cf. mon courriel du 8 mai aux personnels : « Comme vous le savez, je dois maintenant répondre des accusations gravissimes de l’administration de MISR (agressions, insultes et menaces réitérées à l’encontre d’élèves et de professeurs, etc., en-deçà et au-delà des incidents du 27 mars) devant la justice égyptienne : il ne s’agit plus seulement de propos diffamatoires visant à défendre les décisions et actions iniques de cette administration devant les parents, et qui ne nuisaient « qu’à » mon poste, à ma réputation et à mon avenir en tant que Professeur, en Egypte et ailleurs (bien peu de chose, j’en conviendrais), mais d’un dépôt de plainte officiel, enregistré auprès de la police puis du « Parquet » (niyabi, échelon supérieur de justice), et duquel au moins trois membres de cette administration ont témoigné (leurs noms seront révélés en temps voulu, mais qu’ils soient assurés dès maintenant que ces accusations diffamatoires ne resteront pas impunies). Cela peut donc me coûter très cher. J’ai été dénoncé comme un véritable danger pour tous les élèves, et pour tous les enseignants, dont ceux-ci doivent être protégés. Rien moins que cela. Ce qui n’est pas bien surprenant du fait des actions drastiques qui ont été prises à mon encontre, et qui doivent être justifiées a posteriori par des prétextes imaginaires du fait de l’ampleur qu’ont pris les événements. Quiconque doté de bon sens comprendra que de telles accusations au pénal ne peuvent être que très sévèrement sanctionnées, et qu’on ne peut pas permettre à un étranger de venir en Egypte pour perpétrer de tels actes, surtout dans le contexte actuel d’instabilité : il faut donc d’ores et déjà envisager, si j’étais reconnu coupable, une condamnation allant de la prison à l’expulsion assortie d’une interdiction de territoire – ce qui n'est du reste pas sans évoquer ce dont m'avaient menacé M. Paul Petit, Attaché de Coopération Educative représentant M. le Conseiller de Coopération et d'Action Culturelle de l'Ambassade de France (bien qu'une expulsion par des autorités égyptiennes soit plus règlementaire qu'une expulsion manu militari par des diplomates français en territoire étranger), puis M. Frédéric T., respectivement les 28 et 30 mars derniers. »

[56] Voilà quelques-uns des courriels qui m’ont été adressés par les collègues ayant daigné me répondre, à partir du mois d’avril, en parfaite connaissance de mon innocence, de ce que j’avais subi et de ce que je risquais : « S.,Je ne compte pas faire ce que tu m’as demandé car cette histoire ne me concerne pas. Je n’ai pas envie d’être emportée dans ton œil du cyclone comme je te l’ai déjà dit. […] Je comprends tes frustrations mais je ne peux rien faire pour toi. » ; « Salam.C’est gentil de me retirer de la liste de ces mails s’il te plait car cette histoire ne me regarde pas. Bon courage à toi. Que Dieu te garde [sic]. » ; « Bonjour S.,Tout d’abord, je voulais te dire que je te souhaite sincèrement que des bonnes choses. Par contre, je ne suis pas convaincu que mon témoignage joue réellement en ta faveur. C’est donc pour cette raison que je ne tiens pas à m’engager davantage dans cette voie. […] De part et d’autre, je trouve que ce comportement, d’autant qu’il s’est fait en face d’un établissement scolaire, est lamentable [sic]. Ceci sera mon unique communication. Je ne répondrai à aucun autre message. Cordialement » ; « S. bonjour, peut-être ai-je raté un chapitre ou même te trompes-tu de personne, mais je ne me souviens pas que tu m’aies demandé un témoignage quelconque, car même je ne vois pas quand nous nous sommes vus pour la dernière fois ??? (dans ma classe un matin tu attendais qu’arrive un prof du primaire). es-tu sûr que c’est moi ? :) » ; « Salut S.,Je ne t’ai pas répondu car je ne pense pas que mon témoignage soit pertinent – à tout point de vue. Pour ce qui est des faits – attitude envers les élèves, qualité du travail... : quelle matière possèdé-je [sic] ? Quant à la valeur morale : que puis-je affirmer ? Pourtant j’y ai réfléchi. Et j’en suis arrivé à la conclusion que tout ce que je pouvais dire n’avait pas de fondement véritable. Même la chose la plus simple pour moi – on n’accuse pas quelqu’un d’être dangereux parce qu’il a eu des mots avec un tiers – ne relève pas du témoignage mais du bon sens. Mais cela c’est le travail de la justice. Je te souhaite le meilleur » ; « salut S.,je n ai rien de spécial a temoigner ni pour ni contre toi .... sinon je l aurai déjà fait. la seule chose qui me semblait réalisable était la signature pour la lettre que nous avons transmise a Nermine NADA. je t ai déjà fait part dan un mail précédent de mon sentiment a propos de cette #affaire#... et tu n es toujours pas allé prendre le frais au bord de la mer, me semble t il ! [sic] je te souhaite du courage pour la suite! bonne continuation » ; « Salut S., J’ai bien reçu tes mails mais je n’ai pas grand chose à dire quant à ta presence dans mon cours, tu es resté au fond de la classe à observer. Tu n’as pas vraiment eu d’interactions avec mes élèves, je ne vois pas quoi écrire. J’espère que ton affaire se terminera bien pour toi mais je n’ai vraiment pas de quoi écrire un compte rendu. Bonne chance en tous cas » ; « Je te remercie d’enlever mon adresse mail de la liste des personnes auxquelles tu envoies régulièrement des messages. […] Je souhaite, comme toi apparemment, que mon droit à recevoir ce que je veux et m’intéresser à ce que je veux soit respecter. Je te remercie de considérer qu’il n’y a pas que tes droits qui doivent prévaloir. Bonne journée. PS La loi permet à quiconque ne souhaite plus recevoir de spams de se désinscrire. »

[57] Je le soulignais dans un courriel du 18 mai à la direction de MISR, aux collègues et à la MLF : « Il va de soi que si l’administration s’est permis tout cela, c’est qu’elle comptait sur l’inaction des personnels, du fait de l’intimidation et des craintes de retombées quant au poste ou à la "réputation", à l’avenir, etc., et chacun devra assumer ses plus ou moins grandes responsabilités, directes ou indirectes, dans tout ce qui s’est passé jusque-là, et dans tout ce qui peut advenir. Je me dois de souligner ici, encore une fois mais publiquement, que les collègues qui ont accepté de prendre mon poste jusqu’à la fin de l’année (Fabien CHARDON et Fabienne* I.), sans questions ni conditions, sont de fait des facilitateurs – par des actions et non seulement des inactions – de ces actes illégaux et illégitimes, ce sans même parler de la responsabilité de chacun dans les incidents qui ont servi de prétexte à mon exclusion. » 

[58] Témoignage de M. H., parent d’élève de 4e, sur la base de ce que lui a rapport son fils : « J’ai entendu dire que la direction a dit que quiconque parle avec le Professeur S. ou prend quoi que ce soit de lui sera sévèrement puni. » ; témoignage de M., élève de 4e : « un jour, je suis allé auprès de M. S. pour le saluer après l’école, et les vigiles m’ont dit de ne pas le saluer et de m’en aller. »

[59]Voici mon courriel du 18 mai aux personnels de MISR, en réponse au courriel que leur adressa M. T. le 13 mai, et dans lequel il félicitait de leur dévouement les collègues qui me remplacèrent à mon poste jusqu’à la fin de l’année (contre un meilleur traitement), et de leur « stoïcisme » l’ensemble des personnels qui endurèrent si héroïquement ma situation : « Enfin, un mot sur le dernier paragraphe du courriel de M. T., duquel je déduirais presque que lesdits collègues, comme moi avec mes propres élèves ainsi que les autres, de la maternelle au Lycée, chaque fois que j'en ai eu la possibilité (même durant mon jour de congé), ont pris en charge ces élèves bénévolement (conformément à l'esprit coopératif et non caritatif de l'établissement que M. T. m'avait vendu alors que je me trouvais à Paris, et qui m'a fait préférer MISR à Balzac – je n'ai bien entendu aucun regret, ni quant à ce choix, ni quant à mes actions). Je laisse de côté "l'intérêt des élèves", dont cette administration s'est montrée soucieuse jusqu'à recourir à la brutalisation morale la plus éhontée d'enfants de 10 ans, les faisant pleurer une journée entière et plus encore, et auprès desquels mon dévouement et mon investissement sont reconnus par les plus émouvants et heartbreaking témoignages écrits des principaux intéressés (enfants et parents), qui constituent un gage plus que suffisant (pour la conscience, tout public et la postérité) et la meilleure des récompenses. »

Etat d’urgence : les fossoyeurs de la République

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Par Sayed Hasan

« C’est le terrorisme qui menace les libertés aujourd’hui. Ce n’est pas l’état d’urgence. Je le répète : l’état d’urgence ne signifie pas l’abandon de l’Etat de droit. Nous combattons le terrorisme, et nous le vaincrons, avec les armes de la République, de la démocratie, avec la force de nos valeurs, de nos principes républicains et de nos principes de droit.» Ainsi s’exprimait le Ministre-Bonimenteur Bernard Cazeneuve le 2 décembre 2015 avant d’annoncer les résultats des « mesures exceptionnelles » permises par l’état d’urgence, en se gardant bien de préciser, pour les quelques 10% de perquisitions qui auraient débouché sur des saisies, interpellations et/ou actions en justice, combien d’entre elles étaient effectivement liées au terrorisme. 

Il a été révélé depuis que la quasi-totalité des saisies et inculpations concernaient des délits et crimes tout autres que la planification d’actes de terreur et/ou l’ « islamisme radical » – trafic de stupéfiants, banditisme, etc., et à ce jour, malgré les milliers de domiciles saccagés, les lieux de culte profanés et surtout toutes les vies innocentes traumatisées voire brisées, aucun « terroriste » n’a été arrêté, aucune « cellule » n’a été démantelée. Un échec retentissant en somme, du moins si l’on considère qu’il s’agit bien, avant tout, de lutte contre le terrorisme, ce qui demande tout de même une forte dose de crédulité. 

En 1990, dans son roman Le Bouclage, Vladimir Volkoff[1] décrivait déjà de telles méthodes : imposer à tout un quartier « sensible » un état de siège, interner et ficher sa population et y perquisitionner tous les domiciles de fond en comble, au prétexte d’un attentat terroriste imminent qui sera « héroïquement » déjoué par l’élimination d’une organisation criminelle qui était sous étroite surveillance de longue date, mais dont la localisation et la neutralisation constitueront rétroactivement le prétexte officiel à toute l’opération. Ce qui permettra d’incarcérer quelques délinquants insaisissables jusque-là par les voies légales, et surtout d’intimer à l’ensemble de la population la vénération requise pour la Nation, l’ordre et la sécurité. Une machination ignoble dont l’auteur, anticommuniste et islamophobe viscéral, thuriféraire de l’impérialisme américain, partisan à demi-mot de la torture, ouvertement monarchiste, se faisait du reste le prosélyte, mais notre gouvernement actuel a manifestement vu plus large et étendu ses mesures de Gestapo à l’ensemble du territoire, en plus de les avoir établies pour une durée absolument insensée – et indéfiniment reconductible.

La lutte contre le terrorisme de Daech, auquel notre pays s’est ouvertement allié en Syrie et avant cela en Libye, n’est manifestement qu’un prétexte pour restreindre les libertés et intimer la terreur à la population, faire taire toute voix « dissidente », toute revendication politique ou sociale. Et bien sûr, les musulmans et descendants d’immigrés dans leur ensemble sont une cible privilégiée, que ce soit afin de briser ce qui reste en eux de culture « étrangère» ou de courtiser les électeurs du Front National. D’autant plus que pour créer une « Union Sacrée », un ennemi commun peut faire office de projet politique, et plus les actes et mesures seront spectaculaires, moins il sera aisé à la masse de réfléchir et de pondérer. Toutes ces mesures constituent évidemment une nouvelle tentative du gouvernement le plus discrédité de l’histoire de la République de redorer son blason, légitimement et irrémédiablement terni, mais à travers laquelle on peut percevoir – et c’est là le seul élément qui peut nous rassurer – les spasmes convulsifs d’une agonie qui s’annonce dévastatrice.


La prétendue lutte contre le terrorisme est de toute évidence une effroyable imposture, éminemment absurde de surcroît, tant du point de vue de ses postulats et principes – qui peut croire que toutes ces mesures puissent dissuader ou même entraver en quoi que ce soit l’action de terroristes aguerris et déterminés à mourir l’arme au poing – que de ses résultats. Mais quand bien même elle aurait eu une quelconque efficacité et contribué ponctuellement à protéger la vie de citoyens (au sens purement quantitatif, car on conçoit mal une vie saine après la violence inouïe d’une perquisition, ou même dans la crainte de celle-ci, puisqu’elle cible surtout des familles musulmanes innocentes, des activistes politiques et syndicaux, etc. ; rappelons que Winston Churchill déclarait que « Dans une démocratie, seul un livreur de lait peut frapper à la porte avant l’aube. »), il serait du devoir de toute personne attachée aux valeurs républicaines d’en dénoncer l’arbitraire et de les combattre. 

Si terrible soit-elle, la perspective d’un attentat terroriste reste celle d’un acte criminel perpétré par des particuliers, des forcenés, des fanatiques, qui détruisent effectivement des vies humaines de manière atroce, mais constituent une violence qui garde le statut d’accident au sein d’une société – par opposition à une dérive structurelle. De tels actes ne sont pas commis par des représentants de l’Etat, par la force publique, et sont à ce titre assimilables à des actes de grand banditisme, avec leur lot de victimes innocentes, certes collatérales, ce qui ne change pas fondamentalement les choses. Le terrorisme ou le banditisme sont le fait d’individus qui se placent au-delà de toute légalité et peuvent attenter à la vie de tout citoyen, mais en aucun cas menacer la société dans son ensemble ou dans ses fondements : bien que les criminels s’en affranchissent de fait et le bafouent, le droit n’en subsiste pas moins pour le reste des citoyens et l’ensemble de la société. Mais lorsque l’appareil étatique, qui, selon la fameuse définition de Max Weber, détient « le monopole de la violence légitime », abolit lui-même l’Etat de droit et se rend coupable de telles atteintes aux personnes, quels qu’en soit la raison ou plutôt le prétexte, donnant à la violence arbitraire et illégitime force de loi, ce sont les fondements même de la société démocratique qui sont mis à mal. L’Etat, qui n’a été constitué que pour garantir la liberté, la sécurité et le bien-être des citoyens (et selon la tradition philosophique occidentale, la liberté en est le but suprême), devient l’instance même qui piétine les droits élémentaires de l’ensemble des citoyens, sans aucune résistance possible, sans aucune voie de recours, ce qui doit être considéré comme bien plus grave, bien plus dangereux que le 13 novembre, le 7 janvier ou même le 11 septembre. Quoi qu’en dise M. Cazeneuve, si le terrorisme peut effectivement menacer nos vies, seul l’Etat peut constituer une véritable menace pour nos libertés. 

La maxime qui guide l’action du gouvernement, et qui semble, tacitement ou explicitement, approuvée par l’ensemble de la classe politique, des médias, et une bonne partie de la population, est celle-ci : le bien le plus précieux de l’homme n’est pas la liberté, mais la sécurité, et il serait tout à fait naturel et sain de sacrifier quelques libertés pour plus de sécurité. Conception qui constitue très précisément un certificat de décès pour les valeurs républicaines, et qui pourrait même nous amener à nous demander, en faisant abstraction du caractère extrêmement marginal de la Résistance française, s’il valait la peine de lutter contre l’Occupation nazie. Comme le déclarait Benjamin Franklin, l’un des pères fondateurs des Etats-Unis, « Ceux qui sont prêts à renoncer à des libertés essentielles pour obtenir temporairement un peu de sécurité ne méritent ni la liberté, ni la sécurité, [et finissent par perdre les deux]. » Et comme nous l’avons vu, si les violations des libertés permises par l’état d’urgence sont flagrantes et infâmes, confinant au totalitarisme, les gains temporaires en fait de sécurité sont au mieux infimes, et, au pire et en toute probabilité, négatifs, le fait de cibler toute une catégorie de citoyens ne pouvant que nourrir les tensions, diviser davantage la société et donner plus de crédit aux discours et actions extrémistes, et donc favoriser le recrutement de Daech et autres organisations violentes. Même le syndicat de la magistrature avait dénoncé l'état d'urgence dans un communiqué inhabituellement véhément.

La surenchère sécuritaire, le déni de droit et les mesures d’exception qui pèsent sur l’ensemble des citoyens ne sauraient faire reculer la violence et l’extrémisme, bien au contraire : de telles mesures les attisent et, tout en prétendant en constituer le remède, elles en font insidieusement notre quotidien. Ce sont là des vérités élémentaires, bien qu’elles soient étouffées par le matraquage politique et médiatique ambiant. Goebbels lui-même le théorisait : « Si vous proclamez un mensonge énorme et le martelez sans cesse, les gens finiront par y croire. » Et il aurait ajouté : « Le mensonge peut être maintenu seulement tant que l’Etat peut dissimuler les conséquences politiques, économiques et/ou militaires du mensonge. Il devient donc d’une importance vitale pour l’Etat de faire usage de tous ses pouvoirs pour réprimer toute dissidence, car la vérité est l’ennemi mortel du mensonge, et donc par extension, la vérité est le plus grand ennemi de l’Etat. » Notre gouvernement semble avoir bien compris cela, car il envisage des mesures qui feraient de la France un Etat policier n’ayant rien à envier aux dictatures, en muselant la liberté d’expression et d’information, en s’attaquant à la vie privée, et en inscrivant l’état d’urgence dans la Constitution, afin de contrôler durablement et totalement l’ensemble de la population – sans même parler de la déchéance de nationalité, qui bafoue l’idée même d’égalité des droits et de justice. George Orwell, nous voilà.

Face à cette violence implacable de l’Etat, que pouvons-nous, sinon faire usage des libertés qui nous restent ? Ne pas y céder en principe, et, en acte, la dénoncer autant que possible. Manifester notre solidarité à toutes les victimes de ces mesures inadmissibles et indignes, ce qui est un devoir civique et d’humanité. Ne jamais (plus) se compromettre en votant pour des individus ou groupes qui ont cautionné ces mesures liberticides, afin que du moins, ils ne puissent prétendre agir en notre nom. 

En dernière instance, rappelons ce propos d’Henry David Thoreau, théoricien de la désobéissance civile : « Sous un gouvernement qui peut emprisonner injustement n’importe quel citoyen, la seule place d’un homme juste est en prison. » 


Sayed Hasan



[1] Vladimir Volkoff, romancier francophone d’origine russe dont les parents s’étaient exilés suite à la Révolution de 1917, agent du renseignement français en Algérie, prix de l’Académie française en 1982 suite à un roman d’espionnage antisoviétique, y avait notamment ces mots : « Et si on s’en moquait, du tollé, comme les Israéliens en Palestine, Thatcher aux Malouines et Reagan à Grenade ?... Le véritable ennemi du policier n’est plus le voyou ni l’avocat du voyou mais le juge d’instruction… Ce pays aime qu’on lui fasse une politique de droite avec une étiquette de gauche. » Le Bouclage, Editions de Fallois, L’Age d’Homme, Lausanne, 1990, pp. 117, 199, 584. Citons encore ce propos : « Les Français sont des cavaleurs, ils ont surtout cavalé en 1940, beaucoup de leurs intellectuels ont léché pendant quarante ans les bottes des communistes et les plus masos continuent avec l’Islam. » Le Berkeley à cinq heures, Éditions de Fallois et L'Âge d'Homme, Paris et Lausanne, 1994, p. 7. Il est surtout l’auteur d’une excellente série d’ouvrages pour la jeunesse, les Langelot.

Mission laïque française, clientélisme et néo-colonialisme

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Emission « Chroniques Syndicales», Radio Libertaire, 26 décembre 2015


Voir également :

Colonialisme, clientélisme et censure : l'autre visage de la Mission laïque française

Les marchands de soupe de la Mission laïque française : clientélisme et enfants-rois (1/3)

Les marchands de soupe de la Mission laïque française : violences et omerta (2/3)


Transcription de l'interview :

[Chanson de François Béranger, Blues parlé du syndicat]

Présentateur 1 : Chers auditeurs, chères auditrices de Radio Libertaire, [bienvenue à] l'émission Chroniques Syndicales du Samedi Décembre, et évidemment on est pendant les vacances scolaires mais la lutte des classes n'est pas en vacances. Nous allons étudier trois cas symptomatiques de défaillance du service public, d'effondrement du service public même, pourrait-on dire dans certains cas, avec trois piliers du service public : on va étudier successivement l'Education, les Transports et La Poste.

On commence par l'Education Nationale, et on reçoit SL. Bonjour.

SL : Bonjour, merci de me recevoir.

Présentateur 1 : S., vous allez nous parler d'une institution finalement assez méconnue, même si elle est importante, elle a un certain pouvoir, c'est la Mission laïque française, une institution fondée en 1902 dont le but était de développer l'éducation dans les colonies, prétendument en opposition avec l'éducation religieuse, on va voir à quel point ce principe anticolonial [antireligieux] a été appliqué depuis 1902, avec cette effroyable histoire que vous allez nous raconter dans un Lycée du Caire.

Pour dire encore deux mots et présenter brièvement cette association avant de vous laisser la parole, c'est donc une « association à but non lucratif ». Quand on regarde quand même sur le site de la Mission laïque française, on s'aperçoit quand même que ses partenaires sont des institutions aussi peu lucratives qu'Areva, Bouygues, Total, PSA-Citroën, Renault, Michelin, j'en passe et des meilleures. Il y a aussi, évidemment, des partenaires plus institutionnels comme le Ministère de l'Education Nationale, de la Défense, des Affaires Etrangères...

Présentateur 2 : De la Défense ?

Présentateur 1 : De la Défense également, oui, c'est inquiétant, le CNED, l'UPEC (Université de Créteil), l'ESPE de Lille, quelques Académies (Paris, Reims), la Solidarité laïque, bref, on est vraiment dans l'institutionnel d'Etat mais allié avec les multinationales du capitalisme français, et tout ça serait, évidemment, à but non lucratif. Alors « à but non lucratif », il faut le dire assez vite, parce que les droits d'inscription pour les élèves, en tout cas ceux de ce Lycée du Caire dont vous allez nous parler sont des droits d'inscription faramineux donc il y a des intérêts économiques importants, et puis il y a surtout une vision de l'Education qui est tout à fait singulière par rapport à celle qu'on pourrait imaginer quand on voit ça de loin. En tout cas, on est loin du rayonnement de la Francophonie et de la culture française.

Alors, qu'est-ce qui se passe dans cet établissement, dans ces établissements on peut dire, c'est assez général, en tout cas pour l'Egypte, dans ces établissements au Caire, Salah ?

SL : Alors, pour commencer, j'étais à Paris et j'ai postulé directement auprès de la Mission laïque française pour un poste à l'étranger, et assez rapidement, j'ai été contacté par un établissement du Caire qui s'appelle MISR Language Schools, et qui je le précise tout de suite est l'établissement le plus réputé du Caire au niveau de la qualité de l'enseignement, etc., et donc les places s'y arrachent.

Présentateur 3 : En français, en langue française.


SL: C'est ça, enseignement en Français, cours en Français. Il y a également des enseignements en arabe bien sûr, pour le cursus égyptien, mais en tout cas, j'ai été recruté par la section française de cet établissement, donc directement par le Proviseur M. T., je me trouvais à Paris.

Ensuite, j'ai pris mes fonctions dans cet établissement et effectivement, j'ai été confronté à des conditions assez chaotiques. Je précise que c'était au mois de novembre [2012], donc c'était après la rentrée. Ce qui s'était passé, c'est que la titulaire du poste, qui avait une dizaine d'années d'expérience, notamment dans le 93, avait tout simplement quitté son poste, déserté entre guillemets ses fonctions parce qu'elle n'arrivait tout simplement pas à gérer la situation. Et donc j'ai très rapidement découvert que ce qui m'était présenté comme une fragilité de la part de cette enseignante était en fait quelque chose de symptomatique, de structurel dans cet établissement où il y avait vraiment un chaos inconcevable.

Je vais donner quelques éléments : effectivement, on parlait des droits d'inscription, ils sont assez faramineux. Me semble-t-il, c'est de l'ordre de 4000 à 5000 euros pour cet établissement. Maintenant, on est en Egypte, un pays du Tiers Monde. En France, je sais pas s'il y a beaucoup de personnes qui seraient capables de payer cette somme-là. En Egypte, en tout cas, c'est seulement les gens de la classe très aisée qui peuvent se permettre cela.

Présentateur 3 : Intéressant.

SL : Donc c'est vraiment du clientélisme, ce sont des clients. Et là-bas, comme on dit, le client est roi. Les enfants, ce sont des VIP entre guillemets, donc ce sont eux qui ont toujours prépondérance, qui priment sur les enseignants. Pourquoi ? Parce que si on perd un élève, on perd une somme d'argent assez conséquente, une rentrée d'argent conséquente. Par contre, si on perd un enseignant, eh bien il suffit de le remplacer, et vu qu'ils ne sont pas du tout regardants sur les compétences des enseignants, c'est assez [facile].

Les enseignants étaient accablés, et j'ai découvert après une semaine... Déjà, ma première journée a été effroyable, je me suis littéralement fait dévorer par les élèves, qui venaient de chasser entre guillemets une enseignante et donc qui voulaient faire un peu la même chose avec moi. Et ce que j'ai découvert assez rapidement, c'est que ces enfants-là étaient intouchables. Par exemple, ce qui se passait avec ma collègue précédente, c'est qu'elle faisait son travail, elle essayait de les tenir, de les sanctionner, etc. Mais qu'est-ce qui se passe ? Un élève qui est sanctionné, tout de suite en sortant de cours, il va voir le Proviseur, M. [Frédéric] TUMPICH, et M. TUMPICH annule les punitions, et donc comment un Professeur peut faire face à ses élèves s'il leur a mis une punition mais qu'elle est supprimée par la hiérarchie, donc c'est absolument ingérable.

Présentateur 3 : C’est la débâcle assurée. Disons aussi que…

Présentateur 4 : Alors c’était quel genre de punitions, justement, est-ce que c’était seulement faire des lignes ou c’était des exposés à faire ?

SL. : C’est ça, c’est toutes les punitions classiques que peut donner un enseignant, recopier des passages, faire des exercices supplémentaires, voire être collé, etc. Mais il suffit que les élèves se plaignent, que les parents se plaignent, pour que cette punition soit immédiatement annulée.

Présentateur 4 : Et c’était courant ce genre de punitions ?

SL : Les professeurs qui essayaient de les mettre en place, en tout cas, avaient beaucoup de difficultés, et en fait, plus les professeurs essayaient de faire leur travail, plus ils avait des difficultés.

Présentateur 4 : Mais peut être que la répression n’était pas le bon message, c’était peut-être ce que le directeur voulait faire passer comme message ? La répression, n’est peut-être  pas le meilleur message à faire passer à des élèves ? Votre autorité devrait être admise d’elle même, mais ne devait pas s’imposer à coups de répression ?...

Présentateur 3 : [Rires] Il se fait l’avocat du diable…

SL :J’ai assisté, une semaine après ma prise de fonctions, à une réunion parents-profs. Il y avait les parents, les professeurs et la direction. Les professeurs se sont fait, littéralement, lyncher. Tous les problèmes de l’établissement étaient [considérés comme] de la responsabilité des professeurs. Il y a  un parent d’élève qui a utilisé le mot de Gestapo, pour dire que, vraiment, nous les professeurs (je faisais déjà partie de l’équipe), nous étions trop sévères avec les élèves, etc. Tout ce qui se passait dans l’établissement - le départ de ma collègue, etc.,, on prenait acte du fait que c’était grave, . Mais la seule responsabilité, c’est pas l’administration, c’est pas les parents, c’est pas les élèves, ce sont les enseignants, et les enseignants se font accabler, se font lyncher, il n’y en a pas un qui a pris la parole. 

Présentateur 3 : Une séance d’humiliation collective.

SL :C’est ça.

Présentateur 4 : J’imagine aussi, quel était le profil sociologique des élèves au lycée du Caire ?

SL :Ce sont des VIP, ce sont des élèves riches, de la haute société.

Présentateur 4 : Ils ont l’habitude d’avoir des gens à leur service et pas l’inverse.

SL :C’est vraiment des gens qui ont une culture  – c’est une collègue qui avait utilisé ce terme – la culture « dominants/dominés ». Ce sont [pour beaucoup] des gens qui font partie des dominants, qui ont des bonnes, qui ont des chauffeurs, qui ont beaucoup de services à leur disposition, leur parents sont des gens très occupés, ce sont des VIP, ils les voient pas souvent, donc ils ont vraiment l’habitude d’avoir des gens à leurs ordres, à leur service, et les professeurs sont considérés comme…

Présentateur 1 : …domestiques, hein, c’est une culture de la domesticité. C’est important de bien l’expliquer parce qu’on a souvent cette idée reçue, en France, que les problèmes les plus graves se situent dans les établissements dits « sensibles », un néologisme crée par le jargon administratif. En réalité, les pauvres peuvent effectivement créer des désordres dans les établissements, mais on s’aperçoit que les super riches aussi, il suffit que l’établissement soit privé et qu’il ne respecte qu’une seule règle, finalement, c’est la loi du client, la loi du fric.

SL :Oui, tout à fait, le clientélisme, c’est le maitre-mot de cette établissement, et en aucun cas l’éducation, la pédagogie [ne comptent], tout ça ça passe vraiment à la trappe, ce qu’il faut c’est leur donner des bonne notes, parce que s’ils ont des mauvaises notes, bien entendu, c’est la faute du professeur. Ce qu’il faut, donc, c’est leur donner des exercices qui peuvent leur permettre d’avoir des bonnes notes, peu importent les programmes, et puis en fait – j’avais donné aussi cet exemple– cela donne des notes et des moyennes exceptionnelles, par exemple, pour des élèves qui ont vraiment de très gros problèmes en Français, c’est un niveau très très moyen, très très faible…

Présentateur 3 : Vous êtes enseignant en Lettres, hein, Salah.

SL :Professeur de Français, oui. Par exemple en avait des notes d’un collègue… Parce que c’est soit on essaie de faire son travail et on aura des problèmes, sois on essaie de caresser les clients dans le sens du poil et donc on aura moins de problèmes, donc ce collègue-là, en l’occurrence, avec qui j’ai eu un conflit plus tard, les notes [trimestrielles d’un élève] par exemple étaient 15/20, 14/20, 9/20, [ce qui donnait une] moyenne générale de 16 ou 17. C’est vraiment l’arithmétique qui est révolutionné.

Présentateur 3 : D’accord

SL :Voilà, c’est à ce niveau-là. Et les professeurs qui essaient d’être sévères, de faire leur travail, etc., de lever le niveau d’exigence, tout de suite se font vraiment accabler parce que c’est vraiment une culture de la soumission qui est imposée a l’équipe des enseignants, surtout en l’occurrence pour les enseignants qui sont Français donc qui viennent de France, qui ne maitrisent pas forcément la culture arabe de ce pays-là, dans un pays dictatorial, l’Egypte…

Présentateur 1 : Oui, le contexte politique, la révolution manquée, est-ce que ça joue sur le fonctionnement des établissements de ce type ? 

SL : Mais certainement parce que nous sommes, nous vivons dans ce contexte-là, on sait qu’on n’est pas dans un Etat de droit, et d’ailleurs c’est un peu sur ça que joue la Mission laïque française, la Mission laïque française a une Charte des personnels dans laquelle elle spécifie, je cite à la lettre, « la Mission laïque française qui est leur employeur », qui est l’employeur des enseignants, donc on est recrutés en France pour être envoyés dans des pays où le droit n’occupe pas une place très importante, mais quand même on se sent protégés par notre statut de Français et le fait qu’on travaille dans une institution française, mais après, dès qu’on a le moindre problème, on est abandonnés complètement, et même accablés, c’est vraiment [terrible], et ce n’est pas possible de faire quoi que ce soit [pour faire valoir ses droits]. Et sachant ce qui se passe, sachant que ce n’est pas un Etat de droit, sachant que ça peut aller effectivement très loin comme ce fut le cas avec moi, vraiment on est encouragés à des comportements de soumission, de docilité, surtout ne pas faire de vagues parce que Dieu sait ce qui peut nous arriver dans un tel contexte.

Présentateur 3 : Alors juste avant de développer ton cas personnel, rappelons que la MLF, la Mission laïque française, c’est une des deux grandes structures qui gèrent les établissements d’’enseignement français à l’étranger, avec un réseau sensiblement moins important quand même que l’AEFE…

Présentateur 4 : C’est quoi l’AEFE ?

Présentateur 3 : L’Agence de l’enseignement français à l’étranger qui relève et qui est directement rattachée, contrairement à la MLF qui est une association, au Ministère des affaires étrangères. La MLF (ce n’est pas un point fondamental, mais je pense que c’est quand même intéressant à noter), la MLF, pour bien montrer la considération dans laquelle elle tient ses personnels, et bien elle fait payer le dossier de recrutement. Tu nous le confirmes ? Il faut postuler par internet je crois…

SL : C’est ça oui, j’avais envoyé un dossier…

Présentateur 3 : Il y a des frais, simplement pour postuler, il y a des frais même si on n’est pas finalement recruté.

SL : Alors là j’ai pas le souvenir, j’ai fait le dossier mais en fait peut-être que ça ne s’est pas tout à fait passé [comme d’habitude] car j’ai été recruté en cours de année, peut être qu’il y a eu des choses différentes…

Présentateur 3 : Il me semble bien que c’est la procédure habituelle, c’est de faire payer une soixantaine d’euros pour postuler.

SL : C’est tout à fait possible, mais ça remonte à 2012…

Présentateur 1 : Donc ok, on revient dans cet établissement, alors comment s’appelle cet établissement français du Caire ?

[A suivre]



Un « idéologue » d'extrême droite : Vladimir Volkoff

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Je publie la première partie d'un travail universitaire sur Vladimir Volkoff datant de 2009, mais qui retrouve aujourd'hui toute son actualité, les thématiques développées par V.V. ayant incontestablement le vent en poupe (discours sécuritaire et identitaire, dénonciation d'une islamisation & ghettoïsation de la France, défense de mesures d'exception contre la délinquance et la terreur, etc.). Ma recherche s'intéressait surtout à la série des Langelot, ouvrages pour la jeunesse, incontestablement le chef-d'oeuvre de V.V. et à mon sens ses seuls écrits dignes d'un grand intérêt, cette étude constituant la deuxième partie de ce mémoire, la plus conséquente, non publiée ici. Mais les événements récents peuvent rendre intéressante la publication de ce travail, qui développait longuement les « idées » auxquelles Vladimir Volkoff adhérait pour en montrer linconséquence.

Les illustrations ne figuraient évidemment pas sur mon mémoire, et n'ont été ajoutées que pour agrémenter le texte.



I. L’homme

Tous les éléments biographiques rapportés ici sont issus d’écrits et d’interviews de Vladimir Volkoff[1]. Nous lui laissons le soin de rapporter lui-même sa vie, sans préjuger d’éventuels – et même certains – oublis et/ou « embellissements », conformément au propos de Jean-Jacques Rousseau selon lequel « Je suis persuadé qu'on est toujours très bien peint lorsqu'on s'est peint soi-même, quand même le portrait ne ressemblerait point[2]. »


Exils

« [Un] vieil écrivain français d’origine russe, ramant toujours à contre-courant, semi-raté, mais avec des entrées et des contacts de ci de là, des lecteurs un peu partout, une autorité limitée qui lui était venue tardivement mais venue tout de même, parce qu’il ne s’était jamais vendu à personne…[3] »

Vladimir Volkoff est né le 7 Septembre 1932 à Paris. Fils d’émigrés russes « blancs » orthodoxes exilés suite à la Révolution de 1917 (son grand-père, général dans l’armée tsariste, « a disparu dans la tourmente révolutionnaire, probablement fusillé par les bolcheviks[4] »), il mène une enfance difficile, mais heureuse à l’en croire : 

Dans notre cas, la pauvreté n’était pas triste. Nous étions très pauvres ; j’ai eu, littéralement, faim quand j’étais petit, pendant la guerre. Mon père, né pour être officier du tsar, a passé sa vie à laver des voitures dans un petit garage du XVIe arrondissement, sauf lorsqu’il était caporal [dans la] Légion étrangère, puisque dès que la guerre a éclaté, il s’est engagé dans la Légion pour défendre la France qui l’avait accueilli. (…) Après tout, nous aurions pu essayer de nous adapter, nous aurions pu essayer de renoncer à nos souvenirs, nous aurions pu essayer de devenir des petits bourgeois français comme pas mal de Russes l’ont fait [mais] dans ma famille, c’était l’obsession (…) de la fidélité.[5]

Son expérience d’officier, ses convictions royalistes et anti-communistes, ainsi que son intransigeante « fidélité » (fidélité envers la France et la Russie, envers l’Eglise orthodoxe, envers l’aristocratie dont il est issu, etc.) seraient donc profondément enracinées dans son histoire familiale, dont il aurait ardemment désiré honorer la mémoire.

Le Français, qui n’est que sa seconde langue, ne lui en est pas moins inculqué dès sa plus tendre enfance par le biais de la littérature (Comtesse de Ségur, etc.), conformément à la tradition tsariste russe, pour qui c’était la langue noble par excellence. Il baigne très tôt dans la littérature, et, selon son aveu, a commencé à écrire dès 7 ans[6], pour ne jamais cesser. Vladimir Volkoff grandit dans le culte de la Russie éternelle, et cultive orgueilleusement sa distinction :

J’étais fier (…), j’étais amoureux de mes différences, et je me rappelle en particulier que je me donnais beaucoup de mal pour rrouler les r en Frrançais. (…) Gratitude éternelle à M. Labernède, Professeur de Français, qui comprit tout. ‘Que veux-tu prouver, demanda-t-il ? Que tu es Russe ? Soit. Et quand tu apprends l’anglais, est-ce que tu n’essaies pas de le prononcer comme un Anglais ? (…) Tâche donc de prononcer le français comme un Français.’ Le tour était joué (…) Je me mis à grasseyer comme tout le monde.[7]

Volkoff ne s’en distingua pas moins durant l’ensemble de sa scolarité, et « collectionn[a] bonnes notes et prix d’excellence.[8] » Il obtint son baccalauréat littéraire au Lycée Claude Bernard et sa Licence de Lettres Classiques à La Sorbonne en 1954. Précisons qu’en 1974, il obtint un doctorat en Philosophie, mais sans avoir vraiment étudié cette discipline, puisque sa thèse portait sur la métrique comparée[9].

Son statut d’apatride (bien qu’il soit né en France, il a été déclaré « réfugié politique »), malgré tous ses inconvénients – il n’a pu ni obtenir de bourse d’études, ni être admis à Saint-Cyr, ni passer l’agrégation – lui restera cher : 

A vingt et un ans, j’ai eu le droit d’opter pour la nationalité française ; j’ai décidé de rester apatride. Il a fallu que je paye pour cela. Ce devait être une somme dérisoire mais elle ne l’était pas pour moi et j’ai dû la gratter sou après sou. Sur quoi, quelques mois ont passé, et j’ai reçu une belle lettre du ministre m’expliquant que, puisque j’étais né en France, que je n’avais pas quitté la France, j’étais Français d’office. J’avais vingt et un ans et j’ai pleuré. On m’arrachait une fidélité que je voulais garder intacte. J’ai pleuré sur la France aussi car, entre-temps, j’avais appris à l’aimer et il me semblait ignoble que la nationalité française soit imposée à quelqu’un par la force.[10]


Cette France qu’il a appris à aimer est la France monarchique, découverte dans Les Manants du roi de La Varende, recueil de nouvelles, dont la première, relatant la mort de Louis XVI, fut pour lui une révélation :

J’ai eu à cet instant la révélation qu’il existait une autre France que celle des petits paysans qui m’accueillaient à coups de pierre ou des petits bourgeois qui essayaient de copier sur moi les compositions, une autre France que la France immédiate et grise, une France en couleurs, une France des traditions. C’était idiot de ma part de ne pas m’en être aperçu plus tôt, mais voilà comment à seize ans, à cause d’un morceau de robe, d’un très beau porte-livre et d’un texte qui racontait la mort du roi, j’ai brusquement compris qu’il existait en France quelque chose qui ne m’était pas étranger.[11] 

Dès lors, Vladimir Volkoff fréquentera assidument les cercles monarchistes, et publiera des articles dans Amitiés françaises universitaires, le journal des étudiants royalistes.

L’armée

En 1957, son sursis d’incorporation expire, et il est appelé à faire son service militaire. Il se porte volontaire pour servir en Algérie – en pleine guerre d’indépendance –, conformément à la tradition familiale selon laquelle un noble se doit d’être en première ligne, dans le feu de l’action[12]. Il y passera un peu moins de cinq ans (il a « rempilé »), obtiendra la Croix de la Valeur Militaire (1961) et terminera officier – lieutenant, d’où le pseudonyme sous lequel il publiera les Langelot, Lieutenant X. Il sera notamment affecté au CCI (Centre de Coordination Interarmées), chargé du contre-espionnage – voire du contre-terrorisme –, puis aux SAS (Sections Administratives Spécialisées), dont le rôle principal était la « pacification » et la « guerre psychologique », ou promotion des bienfaits de la colonisation aux indigènes, et évidemment le renseignement.


Après la fin de la guerre d’Algérie, il démissionne de l’armée, selon lui à la fois pour protester contre l’abandon des harkis qu’il considère comme une infamie[13], et surtout car le combat est terminé, et qu’il n’a pas la moindre envie de « faire briller les boutons de guêtre[14] ». Cette expérience le marque profondément, et expliquerait la prégnance qu’auront sur lui les idéologies impérialiste et colonialiste. Après une brève expérience au Secrétariat Général de la Défense Nationale, Vladimir Volkoff, qui entretemps s’est marié et a eu une fille, voyage en Espagne, au Portugal et au Canada, avant de s’installer aux Etats-Unis.

L’Amérique

Vladimir Volkoff avait eu une expérience de l’enseignement dans un collège jésuite d’Amiens, en tant que Professeur d’anglais : il apprit cette langue très jeune, dans Shakespeare et Graham Greene – qui, avec Dostoïevski et Lawrence Durrell, comptent parmi ses principales références littéraires. Il y animait le Club de recherches théâtrales, et s’adonna passionnément, en tant que metteur en scène et comédien, à l’art dramatique. Installé dans l’Old South, à Atlanta (Géorgie), et enchanté du puritanisme traditionnel sudiste, il reprendra ces activités afin de subvenir à ses besoins, enseignant le français et la littérature française et russe à l’Agnes Scott College. Il publie, sous le pseudonyme de Victor Duloup, un manuel intitulé La Civilisation française. Il dirige une troupe de théâtre amateur et s’adonne à la chasse, qui devient également une passion. Et, bien entendu, il ne cesse d’écrire – souvent sous pseudonyme – et d’envoyer ses manuscrits en France.

Consécration et chute

Grâce au succès de son roman Le Retournement (vendu à plus de 100 000 exemplaires), publié en 1979, Vladimir Volkoff accède enfin à la notoriété littéraire tant convoitée ; et à propos de son œuvre majeure, la tétralogie Les Humeurs de la mer, Le Monde titrait, pour l’année 1982, « L’année Volkoff »[15]. Cet engouement sera cependant de courte durée, car les médias se déchaîneront contre lui après la publication du roman Le Montage, « commandé » par Alexandre de Marenches, le directeur de la S.D.E.C.E. (service de renseignements français, ancêtre de la DGSE), afin de dévoiler les méthodes de propagande et de désinformation communistes[16], et leurs relais intellectuels et médiatiques. Dès cet instant, malgré le fait que ce roman ait reçu le Grand Prix de l’Académie Française, la « claque intellocrate » et journalistique se déchaîne contre lui, proférant à son égard les propos traditionnellement employés pour ternir les personnalités controversées qui osent remettre en cause les idées préconçues : « antisémite », « raciste », « stalinien de droite », et autre joyeusetés – nous verrons plus loin dans quelle mesure ces accusations étaient fondées[17]. Même s’il gagna tous ses procès[18], son nom reste terni, de tels affronts discréditant durablement leur homme. Il présente deux fois sa candidature à l’Académie Française, en vain.


Après la chute de l’Union Soviétique, Vladimir Volkoff réalise le rêve que lui avaient légué ses parents, et « retourne » en Russie, cette Russie qu’il chérissait sans y avoir jamais mis les pieds. En 1993, il rentre définitivement en France, et réside dans une maison du Périgord (Bourdeilles, Dordogne) que son succès lui a permis d’acquérir. Il y meurt le 14 novembre 2005.

II. L’œuvre et les convictions

L’œuvre de Vladimir Volkoff est si lourdement lestée d’idéologie qu’il est impossible de la distinguer de ses convictions : le credo du Parnasse (« l’art pour l’art ») est très loin d’être le sien. Le premier constat qui s’impose est celui de la très grande densité de son œuvre : romans (policiers, d’espionnage, historiques, etc.), nouvelles, essais, biographies, théâtre, science-fiction, entretiens, bandes dessinées et ouvrages pour la jeunesse.

Comme son modèle Graham Greene (à qui il dédie son premier roman à succès, Le Retournement), Vladimir Volkoff est profondément marqué par les idées chrétiennes, notamment les questions du mal et de la Rédemption. Avec Durrell, il partage le rejet de la déconstruction de la narration propre au Nouveau Roman, et une conception relativiste du roman, qui, par la multiplication des points de vue, permet « une continuité organisée du narré résolument différente de la continuité organique du vécu. » C’est là, selon lui, « le classicisme de l’an 2000[19] ».

Nous ne nous étendons pas plus sur l’aspect littéraire de ses écrits, pour les raisons explicitées en Introduction [nous ne considérons pas V.V. comme un grand écrivain], mais nous allons essayer de montrer, à travers une analyse minutieuse de ses œuvres – jusqu’aux œuvres romanesques –, la teneur des convictions du sieur Volkoff. Elles s’expriment à travers des schèmes et motifs récurrents que nous nous sommes efforcés de relever et d’élucider.

A. Combats

Vladimir Volkoff est, cela ne fait aucun doute, un écrivain engagé, mais dans l’acception la moins noble du terme : tous ses ouvrages distillent insidieusement son idéologie douteuse, qu’il ne laisse cependant pas d’expliciter, avec plus ou moins de sincérité, dans ses ouvrages théoriques non fictionnels.


1. Aristocratie

Particulièrement marqué par sa situation sociale, son milieu, et son expérience algérienne (et, en ce sens, illustrant magistralement un concept marxiste majeur[20]), il défend fièrement ses principes fortement ancrés à droite, ou, pour lui faire justice, parfaitement « blancs ».

Fidélité

Vladimir Volkoff revendique hautement son héritage orthodoxe et ses convictions aristocratiques. La fidélité envers l’héritage familial serait pour lui le plus sacré des devoirs :

les possibilités de fidélité sont présentes pour ceux qui voudraient s’y exercer : l’Eglise est encore là, pour ceux qui croient que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ; la terre qui nous entoure renferme toujours les corps des ancêtres à qui nous devons notre vie, notre foi, notre culture ; notre langue n’est pas encore complètement abîmée et nous pouvons nous employer à la sauvegarder ; nous ne ressemblons ni aux Fils de personne de Montherlant ni aux Voyageurs sans bagages d’Anouilh ; nous avons un héritage à transmettre. A quoi être fidèles ? Il me semble que nous devons être fidèles à l’avenir de notre passé.[21]

A travers cette formule sibylline, Vladimir Volkoff exprime le caractère inconditionnel de son allégeance au principe monarchique, dont la légitimité théorique reste inaltérable malgré l’injure du temps et le démenti de l’Histoire. Cette permanence, pour être quelque peu obtuse, est pour lui préférable à la versatilité démocratique, notamment pourfendue dans Pourquoi je suis moyennement démocrate et Pourquoi je serais plutôt aristocrate : au noble art de gouverner, la démocratie substitue « celui de se faire élire[22] », ce qui entraîne évidemment opportunisme et démagogie. Alors que la monarchie repose sur des principes intangibles, et garantit la cohésion de l’Etat en concentrant le pouvoir entre des mains rares et expertes, la démocratie est régie par la volonté des foules, incompétentes et indécises :

J’ai entendu, à quelques semaines de distance, les foules acclamer Pétain et ensuite, et je pense que c’étaient les mêmes foules, crier : Pétain au poteau ! Alors, la volonté des foules, vous savez…[23]



On comprend aisément que Vladimir Volkoff s’enorgueillisse de ne point appartenir à la foule, de ne point obtenir ses suffrages : la démocratie se fonde sur « la quantité des suffrages (fruits d’une opinion ou d’une propagande) », alors que l’aristocratie se fonde sur « la qualité des personnes (réelle ou supposée)[24] ». A la tyrannie du nombre, où règne l’arbitraire, Vladimir Volkoff préfère l’individualité du monarque, qui est sinon éclairé, du moins garant de la cohérence et de l’unité politiques.

Dans Pourquoi je serais plutôt aristocrate, Vladimir Volkoff fonde le credo aristocratique sur l’inégalité foncière des individus, inégalité de droit et de devoirs selon lui :

Quand on a appris à trois ans – ce fut mon cas – qu’on est de ceux qui sortiront les premiers de la tranchée pour monter à l’assaut, on est, par le fait même, persuadé de l’inégalité – foncière sinon confortable – entre les hommes, et on s’ouvre à ce que les structures aristocratiques de la société ont d’inéluctable.[25] 

Mais ces belles phrases sont prestement étouffées par d’extravagantes – et révélatrices ! – remarques, qui montrent que le tempérament aristocratique de Vladimir Volkoff se limite à un profonds mépris du peuple (« Le métro n’a plus qu’une seconde classe. Heureux les trains ‘grandes lignes’ qui en conservent deux.[26] »), doublée d’une érudition pédantesque, l’auteur multipliant les références savantes et décousues. Cet ouvrage n’est qu’un travail de broderie, où l’indécent le dispute au trivial : ainsi, pour montrer que le langage même est aristocratique, Vladimir Volkoff nous précise que 

‘Mes hommages, Madame’ ne rend pas le même son que ‘Salut, la grosse’, encore qu’ils puissent s’appliquer à la même personne.[27]

Ainsi est-il aisé de mettre Vladimir Volkoff face à ses propres contradictions : comment peut-t-il d’une part s’indigner, assez légitimement, de ces « écrivains qui réclament hautement le droit de parler pour ne rien dire (le cadavre exquis ! et puis quoi encore ?)[28] », et d’autre part publier un ouvrage si inconsistant, si facile ? Dans Pourquoi je suis moyennement démocrate et Pourquoi je serais plutôt aristocrate, la densité philosophique de la plume de V.V. est inversement proportionnelle à sa prolixité, dirions-nous pour contrefaire son jargon érudisant[29].

Comme le souligne Vladimir Volkoff, il est gratifiant pour l’orgueil de se démarquer du plus grand nombre, et c’est là pour lui une fin en soi : cette position ne confère de fait que des droits, et pas de devoirs – sinon le devoir envers les ancêtres, envers l’héritage spirituel :

Je me suis longtemps rebellé contre l’exil avant de comprendre qu’il était mon destin et ma patrie. Depuis je le cultive car enfin, je me suis toujours senti guelfe parmi les gibelins et gibelin parmi les guelfes. Mais l’esprit de provocation rejoint l’esprit de justice : quand tout pèse d’un côté, si on a le cœur généreux on veut spontanément peser de l’autre. C’est un choix qui vous exile, mais qui voudrait faire partie de la multitude ? Pas moi. J’ai toujours été conscient que j’appartenais à une minorité et j’en étais plutôt content. Condamné ou promu, j’étais Russe parmi des Français, Français au milieu des Américains, croyant parmi les non-croyants, orthodoxe en face de catholiques ou de protestants et je n’ai jamais eu la moindre envie ni de hurler avec les loups ni de bêler avec les moutons. Peut-être parce que j’ai toujours vécu dans des minorités, quitte à constituer une minorité à moi tout seul.[30] 


Ne devons-nous voir là qu’un signe de résignation orgueilleuse, l’acceptation d’un état de fait qui serait devenue une revendication ? Certes, l’idée d’être seul contre tous n’est pas dénuée d’un certain esprit chevaleresque, donquichottesque, pourrions-nous dire. Mais à travers les principes qu’il défend, Vladimir Volkoff ne cultive en fait que sa distinction, sa différence d’avec la majorité, qui, en fait comme en droit, est dans l’erreur. 

2. Colonialisme

De la guerre

Pour Vladimir Volkoff, l’aristocratie est guerrière par essence : « Une aristocratie qui n’est pas guerrière, c’est un non-sens.[31] » Le principe monarchique, contre toute logique, est validé de par ses réalisations mêmes, et la guerre de par ses implications : 

C’est aux mêmes époques qu’on fait de la bonne peinture et de la bonne guerre. Tout est une question d’énergie. Quand on a l’énergie de mener les croisades, si barbares soient-elles, on a l’énergie de bâtir des cathédrales.[32] 

Ce sont ces pillards de croisés qui ont élevé les cathédrales.[33]  

Il y a un élément civilisateur dans la guerre, ses côtés négatifs sont tellement évidents que je préfère parler des autres. Si Jules César n’avait pas fait la guerre aux Gaulois, la France n’aurait pas bénéficié de la culture romaine.[34]


A travers ces principes saugrenus voire infâmes, Vladimir Volkoff explique qu’il est revenu de son admiration pour Vercingétorix[35], étant donné l’aspect civilisateur de la conquête romaine. Est-ce là un véritable credo, ou n’est-ce qu’un moyen détourné pour justifier sa participation active à la guerre d’Algérie ? En apparence du moins, Vladimir Volkoff, sur la question de la guerre, se présente comme un véritable nietzschéen : 

je crois, comme nos ancêtres, qui n’étaient pas plus bêtes que nous, l’ont cru pendant des siècles, qu’il est bon pour la jeunesse de faire un peu de guerre.

Oh ! pas Verdun ! et certainement pas Dresde ! Mais prendre la mesure de son courage physique dans des situations qui ne soient pas gratuites (comme dans le saut à l’élastique), découvrir ce que peuvent signifier la camaraderie et l’esprit de sacrifice dans des situations dangereuses, surmonter les paresses et les délicatesses excessives de la vie civile, s’endurcir de diverses manières, risquer sa vie pour autrui et même oser transgresser à bon escient le sixième commandement, bref, se pénétrer de ce que Hemingway appelle magnifiquement grace under stress, tout cela me paraît faire partie de l’éducation complète d’un homme. Je souscris à l’idée que développe Dominique Venner dans Cœur rebelle : les Français qui avaient vingt ans entre 1954 et 1962 ont eu de la chance.[36]

Bien entendu, de tels propos sont insoutenables : ce n’est pas la camaraderie de caserne que défend V.V., celle qu’on peut retrouver durant le service militaire, mais la véritable fraternité d’armes, celle du champ de bataille (étranger de préférence, il ne faudrait pas verser trop de sang national), et ce indépendamment de la justesse de la cause, des souffrances infligées aux populations, etc. C’est là une violation flagrante de l’impératif pratique kantien[37] : pour Vladimir Volkoff, il ne s’agit pas tant de se mettre au service d’une cause noble que de mettre une cause à son propre service. Si, à défaut d’être conséquent avec la morale, il semble être conséquent avec lui-même, soutenant à la fois la conquête de la Gaule par Rome et celle de l’Algérie par la France, ce n’est là qu’une apparence, du fait de la grande distance temporelle qui sépare ces deux événements. Au reste, il est aisé de montrer les contradictions de Vladimir Volkoff.

De manière assez explicite, V.V. soutient que le fait fonde le droit (« Il me semble que la conquête, multipliée par le temps, fonde le droit.[38] »), mais il ne laisse pas de dénoncer, par exemple, la révolution française, non pas d’après son principe ou ses réalisations, mais du fait de sa genèse même :
En vérité, qu’y avait-il à fêter le quatorze juillet ? La révolte d’une poignée de racaille contre un roi trop faible pour protéger ses serviteurs ou châtier leurs assassins ? La libération de sept aigrefins d’une prison somme toute confortable ? La victoire sanglante d’une certaine France sur une autre France, en qui toute l’Europe avait vu la « mère des arts, des armes et des lois » ? Le quatorze juillet, la mère de Ladislas faisait une grande lessive et son grand-père français se purgeait religieusement.[39] 

Certes, la grandeur de la prise de la Bastille est avant tout symbolique, mais Vladimir Volkoff l’agonit avec aussi peu de retenue qu’il glorifie la monarchie ; du reste, le 14 juillet, c’est à la fois la prise de la Bastille et la Fête de la Fédération – c'est-à-dire la prétendue « réconciliation nationale » – qui sont célébrées. Toutes ces contradictions et inconséquences démontrent le caractère irréfléchi des sentiments aristocratiques de Vladimir Volkoff, plus viscéraux que rationnels. 

La Question

Vladimir Volkoff, « vétéran » de la guerre d’Algérie, n’a jamais remis en cause son engagement au service de la France coloniale. Il considère que le seul crime de la France a été d’abandonner les harkis, ces collaborateurs algériens qui ont combattu leur propre peuple dans les rangs de l’armée française. Dans l’ensemble de son œuvre, Vladimir Volkoff érige insidieusement le mythe d’une population algérienne acquise à la cause française ; selon lui, et c’est là un poncif, si l’opération « Paix des braves » a été très mal accueillie par les musulmans, c’est avant tout du fait de son excessive indulgence envers les indépendantistes : 

L’opération ‘Paix des Braves’ – naïve ou faussement naïve ? – fut très mal prise par les Musulmans qui ont le sens de la justice : quoi, parce qu’on se ralliait à la France, on était pardonné d’avoir tué, pillé, violé ?[40]

La « paix des braves », ça veut dire : « Tu as tué, tu as volé, tu as violé, maintenant tu te rallies à la France, tu rends ton fusil, et tu n’as plus tué, tu n’as plus volé, tu n’as plus violé. Dibarrassi ! (…) Et le nez que tu as coupé, il va repousser peut-être, parce que tu es rallié ? Et l’enfant que tu as mis dans la femme qui n’était pas à toi, il va mourir peut-être, parce que tu es rallié ?[41]

Tu violes, tu égorges, et puis tu cries vive la France et tu es pardonné ? C’est juste, ça ?[42]

Ainsi, selon Vladimir Volkoff, ce ne sont ni les exactions françaises – celles de l’armée ou de l’OAS –, ni le désir d’indépendance des Algériens qui expliquent l’échec de la « Paix des braves », mais un désir de justice dirigé contre les éléments extrémistes du FLN ! La démarche de Vladimir Volkoff est transparente : ne pouvant assumer de tels propos, par trop scandaleux, il les présente comme l’opinion des populations autochtones, inattaquable :

Je n’ai jamais eu ni haine ni mépris pour ces hommes que j’ai combattus et dont certains étaient de beaux guerriers. Mais je pense qu’ils constituaient une très faible minorité de la population. Les Musulmans qui prirent les armes en faveur de la présence française furent quatre fois plus nombreux que ceux qui luttèrent pour s’en débarrasser.[43]

Ainsi ses romans sont-ils jonchés d’indigènes qui glorifient la colonisation française, depuis un concierge de métropole choqué par le vandalisme de certains jeunes

(« Le vieil Ahmed les regardait, consterné. C’étaient là des enfants de roumis, de ces roumis qui, dans le temps, avaient conquis sa patrie à lui, Chibani, et avaient régné sur elle, pas toujours aussi mal qu’on le disait ![44] »)

jusqu’à cet algérien torturé par les Français au point de perdre la vue qui, par un élan d’abnégation sublime, pardonne à son tortionnaire

(« Je suis vieux, je n’ai plus tellement besoin d’y voir clair, et lui, je ne lui en veux pas, c’est un boujadi (un jeune, un bleu)…[45] ») 

Vladimir Volkoff s’est toujours prétendu irréductiblement hostile à la pratique de la torture : « En Algérie, j’étais contre la torture, j’ai toujours refusé.[46] » Mais en étudiant sa position de plus près, nous sommes amenés à affirmer qu’il s’agit là d’un pieux mensonge. Dans sa Postface à Opération Barbarie, Vladimir Volkoff s’élève contre la campagne du PCF qui affirmait que « L’armée a torturé en Algérie », et réfute cette accusation en cinq points :

1. Lénine recourait à la torture, donc le PCF n’a pas d’autorité morale en la matière.
2. Le FLN aussi torturait.
3. La torture n’est pas la même chose que la question, il ne s’agit pas tant de châtier un coupable que de protéger des innocents.
4. Il n’y a pas que l’armée qui torturait, les différentes polices françaises le faisaient aussi.
5. La torture a existé en d’autres endroits, il ne faut pas l’amalgamer à l’Algérie.


Ainsi, loin de réfuter les accusations du PCF, Vladimir Volkoff les confirme, et, ce qui est bien plus grave, il légitime la pratique de la torture, à la fois par sa banalité, et par la noblesse supposée de ses objectifs – sauver des vies innocentes. Toute moralité est absente de son propos, grotesque et incohérent : il n’agit que par idéologie, esprit de corps et « solidarité » envers ses frères d’armes et. Notons cependant que Vladimir Volkoff souligne que la situation est souvent équivoque, et repose sur des suppositions : le suspect est rarement le chef du réseau terroriste, et il n’est jamais avéré qu’un attentat est en préparation[47]. Tout est donc laissé à la discrétion de l’officier en charge. Mais dans Le Tortionnaire, Vladimir Volkoff nous présente un officier intègre, Lavilhaud, qui se refuse à malmener un suspect, malgré les injonctions de ses camarades ; il s’avère que le suspect était le chef d’un réseau terroriste, et à cause des scrupules de Lavilhaud, un atroce attentat est commis (femmes enceintes éventrées, infirmières violées, etc.). Ainsi les visées propagandistes de Vladimir Volkoff l’amènent-elles à se contredire lui-même.

B. Hantises

Si, dans son autobiographie publiée de manière posthume, il affirme n’avoir « détesté viscéralement » que trois choses, « la démocratie, la pédérastie, la muflerie[48] », Vladimir Volkoff semble avoir été profondément hostile à l’Islam et au communisme, une hostilité que nous caractériserions plutôt de « professionnelle » que de « viscérale »[49] : ce détail, comme nous allons le voir, a son importance, en ce qu’il nous invite à la circonspection quant à la sincérité des assertions de Vladimir Volkoff. Prises à la lettre, elles paraissent insensées, mais si on les considère dans le cadre d’une « guerre psychologique », elles apparaissent plutôt comme le fait d’un habile propagandiste que d’un illuminé.

Propagandiste et habile, Vladimir Volkoff l’est sans le moindre doute : chrétien, nationaliste et aristocrate convaincu, il pourfend à loisir ses bêtes noires, l’Islam et le communisme – et accessoirement la démocratie. Il les dénonce d’autant plus qu’il déplore que la France, dont il admire la tradition monarchiste, a d’après lui manqué succomber à l’un, et s’apprête aujourd’hui à succomber à l’autre :

les Français sont des cavaleurs, ils ont surtout cavalé en 1940, beaucoup de leurs intellectuels ont léché pendant quarante ans les bottes des communistes et les plus masos continuent avec l’Islam.[50]

La violence de cette phrase transcrit assez l’indignation – affectée ? – de Vladimir Volkoff, passéiste convaincu de la supériorité des valeurs européennes ancestrales que sont le Christianisme et la monarchie.


          1. L’Islam

Désinformation

Vladimir Volkoff réussit un tour de force incroyable, celui d’écrire un ouvrage sur la désinformation qui est lui-même un monument de désinformation. Désinformation, flagrant délit[51], composé à l’occasion de l’attaque de l’OTAN contre la Serbie en 1999 – que l’on ne peut certes que condamner –, est une dénonciation vigoureuse de cette intervention à laquelle a participé la France, et qui est, selon lui, une humiliation comparable à l’abandon des harkis après la guerre d’Algérie. Nous souscrivons des deux mains à toute critique sensée de l’impérialisme et de l’interventionnisme américains au nom de valeurs comme les droits de l’homme, le droit à l’auto-détermination, etc. Noam Chomsky avait d’ailleurs publié un article en ce sens[52], que nous avons relu avant de lire l’ouvrage de Vladimir Volkoff. Mais ce dernier, contrairement à Chomsky, est loin d’être motivé par de si nobles idéaux.


Ecrivant depuis Belgrade où il s’est rendu pour témoigner des conséquences de ces bombardements, Vladimir Volkoff commence par dénoncer, de manière acerbe et polémique, la propagande qui a précédé cette invasion :

Cette bombe, voyez-vous, n’a pas été lancée par esprit de conquête ou même de défense, ce n’était pas une bombe raciste ou impérialiste ; à tout prendre, ce n’était pas une méchante bombe du tout : c’était, tranchons le mot, une bombe humanitaire. (…) Oui, des Serbes meurent sous nos bombes, mais ces morts ne comptent pas vraiment puisqu’elles n’étaient pas voulues. En revanche, nos bombardements comptent, bien sûr, mais leurs intentions sont platoniques. Alors on ne va pas nous chercher querelle pour quelques centaines ou quelques milliers de morts accidentelles…[53]

Il est vrai que le prétexte à cette invasion était le nettoyage ethnique auquel étaient soumis les musulmans Albanais et Kosovars, victimes de la terreur serbe, bien réelle : mais il était évident que d’une part, ce n’était là qu’un prétexte et non la véritable raison de ces bombardements[54], et que d’autre part, la conséquence directe de ces bombardements serait d’aggraver considérablement les atrocités commises par les Serbes et d’éloigner pour des décennies la perspective d’un règlement interne et démocratique du contentieux. Toute solution diplomatique fut écartée par l’administration américaine, soucieuse de défendre sa « crédibilité », sa deterrence capacity – capacité à prévenir toute attitude indépendante des vassaux par une démonstration massive et indiscriminée de sa force de frappe.

Vladimir Volkoff n’est nullement ému par la tragédie des Kosovars et des Bosniaques, qu’il minimise constamment, alors qu’il donne maints exemples d’atrocités commises contre les Serbes, avec force détails, et ce sans la moindre rigueur scientifique, car il ne cite pour ainsi dire aucune source, et sans la moindre équité : il dénonce un parti pris pro-musulman, et prend, sans vergogne, le parti pro-serbe[55]. Ou plutôt, pour être tout à fait exact – car nous ne pensons point que le sort de Serbes le souciât véritablement –, prend-il son parti à lui, le parti nationaliste, et, il faut bien le dire, anti-islamique[56] : il ne se prétend ulcéré que par la servilité française (« la France a choisi de servir de valet d’armes à Globocop et de tendre à ses amis de plus d’un siècle le traquenard honteux de Rambouillet.[57] »), mais est surtout révolté par le fait que l’Occident se fasse l’allié de l’Islam contre des Chrétiens :

En outre, le même facteur que dans l’affaire bosniaque a encore joué : les sentiments de culpabilité de l’Occident colonisateur envers l’Islam jadis partiellement colonisé ont été de nouveau exploités, puisque, par chance, la plupart des Albanais, comme les Bosniaques, sont musulmans. L’opération Kosovo aurait-elle connu une réussite pareille si, par exemple, les Albanais avaient été orthodoxes, lefévriens ou mormons ? On se le demande. Le fait que les musulmans ont, à d’autres époques, colonisé la Grèce, la Bulgarie, l’Espagne et la Serbie elle-même, sans compter l’Arabie, le Proche-Orient, l’Egypte, la Libye, le Soudan et le Maghreb, était adroitement escamoté. 

Bien sûr, comme il ne faut tout de même pas trop faire peur au public, on a répandu le bruit que les Albanais, comme les Bosniaques, sont des musulmans peu pratiquants et qu’ils boivent du vin. (Ils en boivent, ils en boivent… je ne sais pas trop s’ils en boivent : quand je voyageais au Kosovo, il est arrivé qu’on me refusât de la bière, soit dit en passant.)[58] 

Cet extrait, analysé de près, révèle parfaitement l’ineptie de Vladimir Volkoff, et son absence totale de probité intellectuelle : plutôt que de nier les atrocités commises par les Serbes (il les reconnaît implicitement, mais affirme qu’il s’agit de « problèmes intérieurs[59] », qui récusent donc à quiconque tout droit d’ingérence), il préfère les écarter en rappelant, tout à fait hors de propos, les invasions musulmanes qui ont eu lieu des siècles auparavant. Pour se rendre compte du caractère scandaleux d’un tel argument, qu’on s’imagine, toutes proportions gardées, l’indignation légitime que susciterait un individu qui, pour minimiser le génocide nazi commis contre les Juifs, affirmerait que les génocides décrits et encouragés dans l’Ancien Testament ont été « adroitement escamotés » par la propagande philosémite. Cet argumentaire, aussi grotesque qu’abject, sombre plus bas encore lorsque, en termes à peine voilés, Vladimir Volkoff exprime son mépris envers l’interdiction islamique de la consommation d’alcool : reprenant à son compte l’argument qu’il semblait dénigrer (le fait que la consommation d’alcool soit un gage de modération), il lui récuse toute réalité en affirmant qu’on lui a refusé de la bière. Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce un crime que de ne pas boire d’alcool ? Et comment les musulmans pourraient-ils à la fois ne pas consommer d’alcool, et en refuser (car pour refuser quelque chose, il faut l’avoir) ? On nage ici dans l’absurdité. Mais nous n’avons pas encore touché le fond.

Petit à petit, Vladimir Volkoff délaisse la rhétorique hargneuse et partisane pour nous révéler le fond de ses convictions. Qu’en est-il vraiment de la brutalité serbe ?

malgré l’agitation créée autour des atrocités serbes au Kosovo, aucun renseignement si peu que ce soit sérieux ne nous indique que les forces de l’ordre serbes aient dépassé le niveau de brutalité indispensable pour faire refluer un mouvement terroriste ; que, par exemple, elles se soient montrées plus expéditives que l’armée française à Madagascar, à Sétif ou pendant la guerre d’Algérie.[60] 

L’idéologie colonialiste de Vladimir Volkoff s’affirme pleinement dans ces lignes : puisque les exactions serbes ne se distinguent guère des massacres commis par la France dans ses colonies (rappelons que la répression de Madagascar et de Sétif a causé plusieurs dizaines de milliers de morts civiles), elles sont parfaitement légitimes et modérées. Qu’il nous soit permis de citer un paragraphe représentatif des tréfonds goebbelsiens de la propagande de V.V. :

Si l’OTAN s’est bien comportée comme le loup de la fable, cela ne signifie pas que tous les Serbes soient des agneaux. Nous ne nions pas la violence de la répression et nous n’en faisons pas l’éloge. Mais voilà, la répression d’une guérilla ne se fait pas par la gentillesse. Quand les troupes du maintien de l’ordre approchent d’un village et qu’on leur tire dessus, le village risque de brûler. Quand elles capturent des hommes connus pour avoir commis des exactions, elles procèdent quelquefois à des exécutions sommaires. Les prisonniers pris les armes à la main ne sont pas toujours interrogés avec urbanité, et les femmes qui dissimulent des grenades dans leur vagin sont passibles de représailles.[61] 

C’est un apologiste du terrorisme qui s’exprime ici, ou, plutôt, pour reprendre sa distinction artificielle[62], un apologiste de la terreur. Le fait que les punitions collectives, les exécutions extrajudiciaires et la torture soient interdites par les Conventions de Genève qui régissent le droit humanitaire (même en temps de guerre) ne semble pas mériter la moindre mention. Mais il est vrai que Vladimir Volkoff, qui se prétend pétri de sentiments aristocratiques[63], n’a que faire du droit des peuples. Les massacres ne le dérangent que quand ils touchent des « innocents » de son bord. Il l’affirme d’ailleurs en toutes lettres lorsqu’il nous brosse un aperçu de la politique étrangère américaine :

Si j’étais américain, je ne me souhaiterais pas d’autre politique étrangère que les Etats-Unis : il est naturel que le plus puissant vise à l’hégémonie. Mais voilà, je ne suis pas américain, je suis Français et j’aimerais…  j’allais dire que la France eût une politique étrangère qui ressemblât à celle des Etats-Unis : il suffira de dire que j’aimerais que la France eût une politique étrangère tout court. (…) Je trouve (…) que les Etats-Unis ont eu de tout temps une politique avisée, lucide, prévoyante et régulièrement marquée au coin du cynisme le plus efficace.

Qu’on ne voie aucun reproche dans cette remarque.

Je ne suis pas de ceux qui souhaiteraient voir les règles de la morale individuelle appliquées à ce qu’il est convenu d’appeler la « géopolitique ». Il est vrai que le prêchi-prêcha humanitaire, puritain et droitsdelhommiste par lequel l’Amérique prétend justifier les plus subtiles et quelquefois les plus brutales de ses entreprises a quelque chose d’écœurant. Lord Owen n’a pas tout à fait tort de faire remarquer que M. Clinton s’est offert le luxe ‘de pratiquer la Realpolitik tout en prêchant la moralité’, et l’on préfèrerait peut-être plus d’impudence et moins de tartuferie, mais dès qu’on a compris que cet humanitarisme, ce puritanisme, ce droitsdelhommisme ne sont que des ruses de guerre, on les supporte beaucoup mieux. (…)

« [Les Etats-Unis] sont intervenus militairement au Guatemala, à Saint-Domingue, à Grenade, au Cambodge, à Panama, en Corée, en Afghanistan, au Soudan, en Irak, en Bosnie, sans compter les chantages ou les actions clandestines exercés au Nicaragua, en Colombie, au Chili, à Haïti, en Iran, au Brésil. Grâce à cette constante absence de scrupules, ils ont endigué le communisme et grâces leur en soient rendues.[64]


Vladimir Volkoff, en pseudo-nietzschéen d’extrême droite, n’a guère de considération pour la souffrance humaine[65], la justice ou le droit à l’auto-détermination des peuples ; il ne respecte que la force brute, et glorifie impudemment les actions les plus barbares des gouvernements des Etats-Unis, avec leur cortège de mort et de destruction. Nous ne nous donnerons pas la peine d’égrener l’interminable litanie des atrocités commises par le gouvernement américain de par le monde[66]. Il nous suffira d’affirmer, comme le faisait Noam Chomsky à propos de Bush fils[67], que Vladimir Volkoff, dénonçant les victimes innocentes des uns, mais justifiant celles des autres, répond exemplairement à la définition de l’hypocrite donnée par les Evangiles (desquelles ils osent tous deux se réclamer) : il impose à d’autres des règles qu’il ne s’astreint pas lui-même à respecter. L’usage qu’il fait des citations placées en exergue de Désinformation, flagrant délit (« La raison du plus fort est toujours la meilleure » de La Fontaine et « Quiconque ne gueule pas la vérité se fait le complice des menteurs et des faussaires. » de Péguy) est purement opportuniste : il s’en sert pour dénoncer l’intervention de l’OTAN contre la Serbie, mais ne laisse pas de glorifier d’autres interventions tout aussi iniques, et bien plus atroces et coûteuses en vies innocentes. Qu’il nous soit permis de reprendre contre lui une autre citation qu’il fait de Péguy : « L’hypocrisie est la forme la plus abjecte de la violence[68] ».

Grande fut notre surprise lorsque nous découvrîmes, dans l’argumentaire brumeux, presque scabreux de Vladimir Volkoff, une rapide référence à Noam Chomsky[69], à ce même article que nous avions consulté avant de lire l’ouvrage partisan de M. Volkoff. Bien évidemment, Vladimir Volkoff ne cite qu’un court extrait, à valeur rhétorique, dénonçant la violence de l’offensive de l’OTAN, sans faire la moindre référence au corps de l’analyse chomskyenne, qui n’est nullement tendre envers les Serbes : ce faisant, Vladimir Volkoff désire seulement, de manière éhontée, invoquer une autorité internationale en défense de ses thèses ignobles. Ce procédé est absolument indigne, tant en temps de paix qu’en temps de guerre, mais il faut se rappeler que Vladimir Volkoff est un « professionnel » qui mène une croisade idéologique contre l’Islam, recourant sans modération aux artifices de la « guerre psychologique » et de « l’intoxication » – pour reprendre le jargon de ses romans d’espionnage. Car il est pour nous évident que c’est le seul rejet de l’Islam qui motive ici Vladimir Volkoff : cette conclusion s’impose, selon nous, après la lecture de son œuvre.

Malgré le caractère insondable de l’abîme éthique dans lequel il a sombré à ce stade de l’ouvrage Désinformation, flagrant délit, le pire reste à venir. En effet, la conclusion de cet ouvrage est que l’Islam est « l’allié naturel de l’Amérique[70] » : avec sa rigueur coutumière, Vladimir Volkoff, pour soutenir cette théorie, nous renvoie sans plus de précisions à des ouvrages de Pierre-Marie Gallois et d’Alexandre del Valle[71], non sans nous citer un autre argument implacable : le fait qu’un islamiste tunisien (anonyme bien entendu) aurait déclaré : « Il n’y a pas de passé colonial entre les pays musulmans et l’Amérique, pas de croisades, pas de guerres, pas d’histoire.[72] » Ce fait est, en effet, de notoriété publique, et n’a guère besoin d’être soutenu par des raisonnements plus solides que ces pseudo-arguments d’autorité : il est bien connu que dans le monde arabo-musulman, la politique étrangère des Etats-Unis a, de tous temps, eu un grand prestige – peut-être aussi grand que la politique d’Israël, également portée au pinacle par les masses musulmanes. Pour abonder dans son sens, nous pourrions rappeler que dans ces pays, de nombreuses manifestations populaires brandissent les drapeaux américain et israélien – sans préciser que ces mêmes drapeaux y sont enflammés.

Il est pour nous évident que Vladimir Volkoff ne croit pas un mot des fadaises indigestes dont il veut sustenter son lecteur : en bon propagandiste, il n’a que le souci de causer du tort à l’ennemi que représente pour lui l’Islam. Son argumentaire, qui nous paraît grotesque – et qui l’est effectivement –, ne l’est pas plus que tous les mensonges dont les populations sont quotidiennement abreuvées. Plus un mensonge est martelé, plus il joue sur les ressorts de la pitié et de la crainte, et plus il a de chances d’être « gobé »[73]. Aucun artifice ne peut être négligé pour ces « idéologues » peu scrupuleux, la seule exigence étant celle de l’efficacité. Ainsi, se voulant visionnaire, Vladimir Volkoff nous présente un avenir sanglant où la France sera soumise au sort de la Serbie :

Mais comment réagira-t-elle, cette France, quand des populations d’extraction non française, devenues majoritaires dans certaines de ses provinces, en réclameront l’indépendance ? (…) Nous essayons de ne pas voir à quel point certaines de nos banlieues sont déjà devenues des enclaves islamiques, mais il n’est pas exclu du tout qu’un « front de libération », récupérant les énergies qui y sont éparses et dont nous ne faisons rien, ne commence à y commettre des actions terroristes.[74] 

Dans cette vision d’Apocalypse, prédit Vladimir Volkoff, la France, contrainte de recourir à des actions aussi violentes que celles qui sont reprochées aux Serbes, pourrait faire face à une attaque similaire des Etats-Unis, toujours prompts selon lui à défendre les musulmans. Ainsi, au slogan originel « NATO-COLA[75] », censé résumer – et de manière assez pertinente – la politique extérieure des Etats-Unis, Vladimir Volkoff substitue-t-il l’invraisemblable slogan « NATO-MECCA-COLA[76] ». Toutes ces balivernes, délibérées, répondent de manière exemplaire à la définition de la désinformation de V.V.[77].


Au reste, il est aisé de se rendre compte du fait que Vladimir Volkoff ne se prend guère au sérieux – mais il se prend au jeu : dans son exposé, il s’amuse à varier les tons, et exprime sa vision de la situation à travers des maximes douteuses, en référence explicite à la fameuse « tirade du nez » de Cyrano dans la pièce éponyme de Rostand. Pour le ton « Prophétique », on peut ainsi lire : « La France, ayant renoncé à sa propre souveraineté, peut difficilement défendre celle de la Yougoslavie.[78] » Le désuet cède rapidement le pas au grotesque, Vladimir Volkoff nous exposant ensuite ses théories fumeuses en des alexandrins aussi harmonieux qu’un beuglement :

Le communisme est mort : c’est pourquoi, croyez-m’en,
Il ne faut plus songer qu’à des désarmements…[79]

Cet ouvrage n’est que le libre déploiement de la vanité sans bornes de Vladimir Volkoff, et de son mépris souverain pour la souffrance humaine, qui n’est pour lui qu’un prétexte, qu’une occasion de faire de l’esprit – tout en faisant œuvre de propagande.

L’adage populaire affirme que l’on peut juger des individus d’après leurs amis, leurs fréquentations ; sans y souscrire complètement, qu’il nous soit permis d’évoquer, à ce propos, l’amitié de Vladimir Volkoff avec une personnalité particulièrement controversée, l’africaniste Bernard Lugan, maître de conférence à l’Université de Lyon III (« Histoire et géostratégie de la francophonie »), critiqué pour son idéologie colonialiste et sa proximité avec l’extrême droite. Dans l’émission qu’il animait sur Radio Courtoisie, Libre Journal, voilà ce qu’il affirmait au lendemain de la mort de son ami Vladimir Volkoff :

Le niveau de la classe intellectuelle française est bien à la hauteur du silence qui a accompagné son départ. Imaginons la mort de je ne sais quel histrion de sixième catégorie : des pages entières dans les journaux lui auraient été consacrées, des montagnes de gerbes auraient été déposées devant son cercueil. Il y aurait eu des émissions spéciales dans les chaînes dites de grande diffusion, dans les grands journaux. Silence. Silence radio. Ceci est bien à l’image de ce qu’est devenue l’intelligence de ce pays. (…) C’était au tout début desaffaires sur la Yougoslavie, et je pense avoir été l’un des premiers (…) à avoir vu qu’il fallait soutenir la Serbie, même si nous aimions les Croates (…), car les Serbes menaient LE bon combat, le bon combat contre l’Islam, et certains de nos amis étaient aveuglés par d’autres souvenirs. A l’époque, j’étais, je crois, tout seul à parler de ce nécessaire soutien à la Serbie. Jean Auguy[80] m’avait invité aux Journées Chouannes (…) et je devais parler de l’Afrique. Ce jour-là, j’avais devant moi un public de catholiques de tradition, de Chouans, qui par définition étaient plutôt pro-Croates que pro-Serbes, ne connaissant pas le problème. Volkoff était (…) au premier rang, assis, et il devait intervenir après moi. J’ai dit à l’assemblée : « Ecoutez, je ne vais pas vous parler de l’Afrique parce qu’il se passe des choses très graves dans l’ex-Yougoslavie, et je pense que nous nous trompons d’adversaire. Les nôtres sont les Serbes, nos amis sont les Serbes, il faut défendre les Serbes. » Et j’ai expliqué pourquoi il fallait défendre les Serbes, et Vladimir Volkoff s’est levé, il m’a embrassé, et a dit « Je ne pensais pas qu’on pouvait entendre cela dans une réunion comme [celle-là]. » Et c’est à partir de ce moment-là que nous étions vraiment rentrés en amitié avec Vladimir Volkoff.[81]

Nous n’avons aucun mal à croire à la solidité de cette amitié, fondée sur des ferments aussi productifs que le rejet de l’Islam – et, par ailleurs, une certaine idée de la France, et une conception toute particulière – roturière, dirions-nous – de la noblesse et de l’honneur[82]. Pour Vladimir Volkoff, bien plus que les amis, ce sont les ennemis communs qui fondent les alliances ; et, après la fin du communisme, l’Islam est l’ennemi par excellence.

Rigueur

Vladimir Volkoff clame pour ses œuvres un véritable professionnalisme, un rigoureux souci du détail, tout en exprimant son mépris pour les dilettantes littéraires qui n’ont aucune connaissance des milieux qu’ils décrivent :

Il n’est pas à la portée de tout le monde de créer des mythes. N’empêche : le bon accueil des orfèvres est toujours plaisant, parce qu’ils ont au départ, et à juste raison, un parti pris de réticence. Les chasubles bleues, les marquis d’Empire, les officiers de Légion en képi blanc, les mandats de perquisition en France et les crans de sûreté sur les revolvers créent chez l’initié une juste irritation qu’un bon artisan cherche à éviter. J’ai reçu quelques récompenses littéraires ; peu m’ont fait autant de plaisir que le témoignage du colonel commandant le premier REC [Régiment Etranger de Cavalerie] :

- Dans vos romans militaires, il ne manque pas un bouton.

C’est comme cela que j’aime témoigner mon respect à mon lecteur.[83]

Cela ne fait aucun doute, Vladimir Volkoff maîtrise passablement les réalités du monde militaire et de celui du renseignement ; mais quelle est sa maîtrise de l’Islam ? Il ne cesse de faire référence à son expérience algérienne, et aux nombreux amis « musulmans » qu’il aurait eu l’occasion d’y rencontrer. Mais il nous semble que ce n’est là qu’un pieux mensonge, et que M. Volkoff n’a guère qu’effleuré la réalité arabo-musulmane, à propos de laquelle sa crasse ignorance est flagrante. Dans La paix des braves, un des épisodes du Berkeley à cinq heures, il nous présente en effet le périple d’un officier français et d’un maquisard berbère en pleine guerre d’Algérie, où l’officier, soucieux de respecter la religion du combattant, ne lui présente « rien d’interdit par l’Islam, ni jambon, ni dindon, ni fruits de mer (…) : foie gras, rôti froid, canard en gelée, salade, fromage. (…) Je lui proposai du whisky. (…)  il préféra passer à l’anisette. (…) Nous partageâmes une bouteille de vin.[84] » Seul un Béotien peut proférer de telles extravagances : l’Islam interdit formellement la consommation du porc, et de toute viande non sacrifiée selon les rites islamiques, sans la moindre prévention contre le dindon ; la consommation des fruits de mer est tout à fait licite pour les musulmans sunnites : ce sont les israélites (et les chiites) qui la bannissent. Quant à la consommation d’alcool, qu’il s’agisse de vin ou d’anisette, elle est formellement interdite. Signalons encore, entre autres légèretés, que dans Le Tortionnaire, qui se déroule justement en Algérie, Vladimir Volkoff retranscrit un dialogue en Arabe, où, à un « Labès » (qui peut se traduire par « Ça va ? »), répond un « Abdullah, labès[85] », mis pour « Al hamdoullah, labès », qui signifie « Grâces en soient rendues à Dieu, ça va bien » (« Abdullah », qui est également un prénom, signifie « serviteur de Dieu », « adorateur de Dieu »).

Un des romans les plus fameux de Vladimir Volkoff, loué par ceux qui voient en lui un précurseur et un fin connaisseur des réalités arabo-musulmanes, est L’Enlèvement, qui, derrière la trame principale[86], nous présente le monde des cellules terroristes islamistes, une année seulement avant les crimes du 11 septembre 2001. Mais seuls des ignares peuvent considérer que le monde qu’il décrit est réaliste. Dans ce roman, un responsable terroriste, face à une nouvelle recrue, commande du whisky, invoquant, entre autres arguments spécieux, une « ruse de guerre », et même le Coran, en citant une traduction du verset 43 de la sourate 4 : « Ne vous approchez pas de la prière quand vous êtes saouls au point de ne pas savoir ce que vous dites.[87] » : ce recruteur fait preuve à la fois d’une grande imprudence (il prend le risque d’ébranler la foi toute fraîche de sa nouvelle recrue en bravant ostensiblement un des interdits fondamentaux de l’Islam), et d’une crasse ignorance du Coran, l’interdiction de l’alcool ayant été établie progressivement, et ce verset ayant été abrogé par d’autres qui interdisaient l’alcool en toutes circonstances. Autre absurdité, Si Youssef, un autre agent recruteur terroriste, met sur le même plan l’autorité du Coran, de Bukhari et d’Al-Muttaki, quand le premier est (pour les musulmans) la parole de Dieu, le second le principal rapporteur de traditions prophétiques (Hadiths) dans l’Islam sunnite, et le troisième un Calife Abbasside du Xe siècle[88]. De même, Si Youssef considère Jésus comme « un prophète, mais tellement moins grand que son successeur[89] », quand l’Islam professe l’égalité de considération due à tous les Messagers divins[90].

Il ne s’agit pas ici de prétendre absurdement que des terroristes islamistes ne peuvent qu’être particulièrement versés dans leur religion, ou respectueux à son égard : en bravant l’interdit fondamental qui considère le meurtre d’un innocent comme un crime inexpiable, comparable au massacre de l’humanité entière[91], les terroristes sortent bien évidemment du cadre de l’Islam, mais il est concevable qu’un agent recruteur essaie d’escamoter cette réalité aux yeux de ses terroristes – et y parvienne. Ce que nous désirons montrer, c’est que l’ignorance abyssale des dogmes islamiques de la part de Vladimir Volkoff d’une part, et ses visées propagandistes d’autre part, l’amènent à faire proférer des absurdités à ses personnages, voire des insanités, car il privilégie au réalisme son désir de dénigrer l’Islam lui-même. Ainsi en vient-il à faire affirmer à ses recruteurs que « Mohamed ne mentionne même pas la circoncision dans le Coran.[92] », alors qu’aucune secte musulmane, si extrémiste et fanatique soit-elle, n’a jamais prétendu que le Coran avait été rédigé par Mohamed : pour tout musulman, c’est la parole de Dieu, révélée au Prophète par l’Ange Gabriel. Seuls ceux qui professent l’imposture de Mohamed et de la religion musulmane ont pu prétendre que c’était Mohamed qui l’avait composé.


Cette visée purement blasphématoire est encore plus flagrante lorsque le terroriste Lakhdar, capturé, affirme gratuitement[93] à Zulfikar, un comparse à la foi chancelante : « D’ici quelques minutes, tu auras soixante-dix jeunes filles à ta disposition, dont, chaque fois, la virginité se renouvellera. Si tu préfères les garçons, cela peut s’arranger aussi : c’est dans le Livre.[94] » Lorsqu’on connaît les sentiments de Vladimir Volkoff à l’égard de la pédérastie, on comprend l’intérêt que peut avoir pour lui un tel propos, dont l’indécence est flagrante. L’Islam, comme toutes les religions monothéistes, condamne l’homosexualité sans appel, et la considère comme une perversion, un crime contre la Création elle-même. Quiconque se réclame de l’Islam, même hypocritement, n’a aucun intérêt à en violer si manifestement, si gratuitement les préceptes. Bien entendu, il est tout à fait certain que nombre de « recruteurs » terroristes soient en réalité des pécheurs patentés, mais ils ne peuvent tromper leurs volontaires au sacrifice qu’en se présentant comme les plus pieux des croyants[95]. Ainsi les impératifs du romancier, chez Vladimir Volkoff, cèdent-ils ici le pas à ceux du « Croisé ».

Dans un autre de ses romans, Vladimir Volkoff va même jusqu’à rabaisser l’Islam au rang d’une superstition animiste[96] : il nous présente en effet le communiqué d’un combattant tchétchène responsable de l’assassinat d’un officier russe qui, en Afghanistan, « faisait arroser les corps des moudjahidin tombés au combat d’un produit chimique qui les transformait en bouillie et, les rendant impurs, leur interdisait l’entrée du paradis d’Allah…[97] » Certes, tous les musulmans sont loin d’être imperméables à l’obscurantisme, mais de telles insanités – qui, de fait, donnent les clés du paradis à quiconque serait « versé » dans ces pseudo-croyances – ne peuvent émaner que d’un profond ignorant des réalités de l’Islam, doublé d’un diffamateur insidieux désirant le présenter comme une religion intrinsèquement rétrograde. Le folklore arabo-musulman qui parsème les œuvres de Vladimir Volkoff, malgré ses années passées en Algérie, n’est qu’un halo superficiel de préjugés et d’incompréhension, voire d’aberrations grossières, qui ne peut tromper que les néophytes. Puisque, à raison, M. Volkoff s’offusque de l’impéritie de ces romanciers qui présentent à leurs lecteurs des « chasubles bleues » et des « officiers de Légion en képi blanc », il comprendra aisément notre « parti pris de réticence » et notre « juste irritation » face à ses propres manquements, très peu respectueux de ses lecteurs.

Un visionnaire ?

Vladimir Volkoff, malgré ses prétentions, n’est ni un précurseur, ni un visionnaire. La thèse du choc des civilisations n’est pas la sienne, mais celle de Samuel Huntington (thèse propagandiste si jamais il en fut), de même que la notion de désinformation, qu’il affirme avoir introduite en France, nous vient également d’Outre-Atlantique, Noam Chomsky développant ces thèses depuis les années soixante. Nous sommes cependant contraints de reconnaître à Vladimir Volkoff un certain talent, qui n’est cependant pas celui qu’il s’arroge, mais celui de « pompier pyromane[98] » à succès : il suscite des craintes infondées dans l’espoir de les voir se réaliser, ou a su lire assez tôt la tendance qui s’impose de plus en plus clairement en ce début de XXIe siècle[99]. La dénonciation de l’Islam, qui n’avait pas pignon sur rue en France à l’époque où il composait ces livres, est de nos jours monnaie courante.

Ce caractère « performatif » de la pensée volkovienne est évident si l’on considère un roman comme Le Bouclage : dans un quartier populaire où la criminalité règne en maîtresse incontestée, une véritable « zone de non-droit » emmurée dans la loi du silence, quelques hommes déterminés, conscients que la loi, trop laxiste et indulgente envers les délinquants, ne peut aucunement mettre fin à l’insécurité, négligent la légalité au profit de l’efficacité[100] afin de purifier le quartier de ses éléments les plus néfastes. Le quartier est hermétiquement bouclé, tous les habitants en sont arrêtés, parqués dans un stade et fichés, et les domiciles fouillés. Il est évident que Vladimir Volkoff n’entreprend pas ce roman dans la perspective d’Aldous Huxley qui, dans Le Meilleur des Mondes, décrivait un avenir infâme qu’il redoutait et dénonçait de manière anticipée ; V.V. est un ardent partisan des méthodes expéditives qu’il décrit – qu’il prône, pourrions-nous dire. Les éléments les plus dangereux seront neutralisés puis éliminés en même temps qu’un groupe terroriste – car le Corazón a également ses terroristes, comme toute banlieue qui se respecte… – dont l’annihilation servit rétroactivement de prétexte à l’opération.

Malgré une prétention ostensible à la vraisemblance[101], Vladimir Volkoff privilégie le registre du pathos[102], en nous présentant une multitude de délinquants sanguinaires, voire sataniques, concentrés dans une proportion invraisemblable qui évoque plutôt les tréfonds de l’Enfer qu’une banlieue difficile : citons, par exemple, le violeur d’une fillette qui lui découpe ensuite les deux bras à la tronçonneuse, un agresseur qui, pour s’emparer d’une bague sertie d’un diamant, découpe le doigt de sa victime à l’aide d’un sécateur (c’est bien connu, les délinquants de nos banlieues ne se déplacent jamais sans leur sécateur portatif…), un étouffeur qui s’attaque de manière indiscriminée à des enfants et des vieillards, etc., jusqu’au stylo – lancé par des élèves turbulents – qui, dans une salle de classe, vient se ficher dans l’œil de la maîtresse, et autres immondes joyeusetés. Ces « images de choc » sont évidemment destinées à forcer l’adhésion du public, et à justifier la brutalité des procédés mis en œuvre pour « purger » ce quartier[103]. Procédés du reste efficaces, car tout finit bien, comme dans un conte de fées : malgré l’illégalité flagrante de l’opération, digne des régimes les plus rétrogrades, les délinquants sont arrêtés et inculpés, la loi du silence brisée, et les médias s’enthousiasment de ce procédé et rendent hommage à la fermeté de la force publique.

Nous reconnaissons donc, à notre corps défendant, le succès des méthodes prônées ici par Vladimir Volkoff, non pas du point de vue éthique, mais factuel : Paula Abad, victime d’un viol, et qui participait à la mise en place de l’opération, faisait remarquer à Julian Dandolo, l’Administrateur de l’Agglomération, qui a conçu le bouclage :

Un jour un homme d’Etat finira bien par comprendre qu’on ne peut décemment pas avoir de politique étrangère, ni de politique sociale, ni de politique économique, ni de politique tout court tant soit peu valable, ni peut-être même de pays dans le plein sens de ce terme, tant que la violence règne dans le métro. Le premier qui aura saisi cela aura les honnêtes gens avec lui. (…) [C]e pays aime qu’on lui fasse une politique de droite avec une étiquette de gauche.[104] 


Il est difficile de ne pas penser au grand succès que connaît de nos jours le discours sécuritaire, stigmatisant les banlieues, et s’attaquant aux conséquences de la pauvreté plutôt qu’à ses causes[105] : nous pourrions presque voir, dans la personnalité de Nicolo Grosso, qui occupe la fonction de Ministre de l’Intérieur dans le roman, un autre Nicolas, qui se proposait de « nettoyer au Karcher » la « racaille » qui, selon lui, infesterait nos banlieues[106].

2. Le communisme

La haine du communisme de Vladimir Volkoff se traduit dans son œuvre par les mêmes excès. Nous évoquerons ici principalement les monuments de malveillance et de malhonnêteté intellectuelle que constituent La Trinité du mal ou réquisitoire pour servir au procès posthume de Lénine, Trotsky, Staline, et La Bête et le venin ou la fin du communisme, ouvrages aux titres programmatiques. Faisant explicitement référence au tribunal de Nuremberg[107], qui a condamné les criminels nazis, il s’étonne de la survivance du communisme en tant qu’idéologie, et s’attache à en montrer la foncière barbarie. En habile propagandiste, V.V. commence par faire acte de sa bonne foi :

  Nous étions convaincus qu’ils représentaient [Lénine, Trotsky et Staline], dans leur totalité, l’incarnation du Mal intégral.

  Il serait puéril de s’imaginer que nous leur reprochions de nous avoir pris nos privilèges ou notre aisance : nous avions eu fort peu d’aisance et moins de privilèges. Nous leur reprochions d’avoir précipité dans la terreur et l’oppression le peuple dont nous étions issus et auquel nous tenions par toutes nos radicelles.[108] 

Nous reconnaissons ici aisément le ressentiment du fils de russe « blanc » dont les parents furent exilés à la suite de la Révolution d’Octobre, qui, versant hypocritement des larmes de crocodile sur la tragédie du peuple russe, ne déplore en réalité que la fin du tsarisme[109]. Avec la rigueur scientifique qui le caractérise, il attribue au communisme « deux cent millions de morts sous toutes les latitudes », dont « les Nicaraguayens[110] ». Vladimir Volkoff, dont l’impudence est sans bornes, ne recule devant aucune falsification pour réaliser ses sombres desseins : il attribue au communisme, et non pas à l’impérialisme, les atrocités perpétrées contre le Nicaragua sandiniste par les Contras, les troupes paramilitaires entraînées et armées par la CIA, qui ont causé des dizaines de milliers de morts civiles durant la « sale guerre » menée pour renverser le gouvernement socialiste démocratiquement élu de Daniel Ortega[111].

Non content de proférer des contre-vérités patentes, Vladimir Volkoff devient franchement risible lorsqu’il réalise une étude physiognomonique des portraits des trois « démons » bolchéviques[112], digne des plus délirantes divagations des Lombroso et autres Lavater. Qu’il nous suffise, pour montrer le profond ridicule de cette entreprise, de citer ce témoignage à charge prononcé contre Lénine : « Des témoins ont souvent vu ses yeux fulgurer de haine.[113] » Est-ce là un travail scientifique et historique, ou n’est-ce au contraire qu’un misérable pamphlet de propagande, qui, s’acharnant sur la dépouille d’un ennemi vaincu[114], en fait l’incarnation du mal absolu et le responsable de tous les maux de la Terre[115] ? Il y a de ça, et également une sorte de divertissement, un exercice de style qui ne fait nullement honneur à Vladimir Volkoff. Nous ne pourrions mieux le caractériser qu’en citant ce propos, qu’il utilise pour décrire Lénine : « Sa pensée n’était jamais une recherche de la vérité ; toute en action, elle supposait la vérité déjà connue et ne visait qu’à sa propagande.[116] » Car, de même qu’il méconnaît gravement l’Islam, Volkoff est un ignare en matière de communisme : ses citations attribuées à Lénine, Trotsky et Staline sont presque toutes de seconde main[117].

Cet ouvrage ridicule et insane, dont la rigueur scientifique est inexistante, est le fait d’un histrion et d’un paltoquet (nous traitons ici M. Volkoff avec toute la considération qui lui est due) : en le publiant, Vladimir Volkoff démontre sa qualité de littérateur sinon vénal, du moins fat, qui, à la précision factuelle qu’exigerait un tel ouvrage, substitue des formules clinquantes (« Lénine, criminel contre l’humanité dont la charogne est toujours exposée en vitrine[118] ») qui sont plus révélatrices de sa haine foncière que des méfaits du communisme.

Dans La Bête et le venin ou la fin du communisme, Vladimir Volkoff réitère les mêmes analyses tendancieuses : le communisme est la cause de « quelque deux cent millions de morts[119] », et d’une stagnation incommensurablement tragique de l’humanité :

Il est vrai aussi que l’extermination des uns, le dépérissement des autres ont épuisé, dans les pays les plus touchés, la banque des gènes disponibles, et que l’humanité ne sera jamais ce qu’elle aurait été sans cette hémorragie et cette gangrène : combien de Mozart assassinés ou atrophiés ? Nous ne le saurons qu’au jour du jugement dernier.[120]

L’effronterie, l’indécence mélodramatique avec laquelle Vladimir Volkoff glose, stylise de manière si malséante sur la souffrance humaine démontre l’indifférence qu’elle lui inspire : pour lui, il ne s’agit que de pourfendre une idéologie, qui le répugne non pas par son histoire violente (car il exalte ouvertement les crimes de l’impérialisme américain), mais par son caractère foncièrement populaire, humaniste et égalitaire. Ces exercices de style – car il ne s’agit pas d’autre chose – n’expriment guère plus que sa vanité sans bornes[121], cette morgue patricienne qui l’amène à ne voir dans la souffrance de la plèbe qu’un prétexte pour faire de l’esprit. A la noble conception hugolienne de la littérature – la plume au service de l’humanité –, Vladimir Volkoff substitue, à la faveur d’un renversement axiologique, sa propre conception « aristocratique » de l’écrit, qui l’amène à se jouer des plus grandes tragédies : comment un cœur véritablement sensible à la souffrance humaine pourrait-il badiner en déclarant que « le communisme a vampirisé la Russie, lui suçant le sang et la forçant à sucer celui des autres[122] » ? Nous ne pouvons le caractériser mieux qu’en reprenant ce mot de Hugo à propos de Chateaubriand – dont l’aristocratie était tout de même plus conséquente que celle de Vladimir Volkoff :

Certains grands hommes, Chateaubriand, par exemple, s’imaginent qu’il y a de la majesté à être comme des somnambules, à affecter l’ignorance des détails, à ne pas apercevoir les choses, à ne pas regarder la vie, à dédaigner l’humanité ambiante. C’est de la manière. Ce qui est grand, à mon avis, c’est de vivre simplement comme les autres hommes, sans effacement et sans orgueil, en voyant ce qu’ils voient, en touchant ce qu’ils touchent, et en pensant un peu plus qu’eux.[123] 


De même que nous ne pouvons prendre au sérieux les attaques de Vladimir Volkoff contre l’Islam, nous considérons ses opuscules sur le communisme comme l’œuvre d’un folliculaire qui lui-même ne se prend guère au sérieux, et qui n’est motivé que par des considérations assez basses, qu’elles soient idéologiques ou de l’ordre de la vanité personnelle. Sans éthique ni rigueur scientifique, ces écrits, truffés de raccourcis tout justes dignes d’un travail universitaire peu scrupuleux, mériteraient amplement le prix Lyssenko attribué annuellement par ses compères du Club de l’Horloge[124], que nous lui attribuons symboliquement, et à titre posthume.

Sayed Hasan
 

[1] Autobiographie posthume de V.V., publiée par Lydwine Helly, Vladimir Volkoff, Les Dossiers H, L’Age d’Homme, Paris, 2006, pp. 20-32, et deux interventions radiodiffusées : l’une sur Radio Courtoisie (1er décembre 2003, à l’occasion de la réception du prix Daudet, récompense décernée annuellement par les auditeurs de Radio Courtoisie à la personnalité française ou francophone ayant le mieux servi la langue française), l’autre sur France Culture (For Intérieur, 7 septembre 1999).
[2] Correspondance complete de Jean-Jacques Rousseau, Genève, Institut Voltaire, 1965, 9:120, cité par Jean Starobinski, La transparence et l’obstacle, Gallimard, Paris, 1957, p. 237.
[3] Vladimir Volkoff au sujet de Divo, c’est-à-dire de lui-même, Le Complot, Editions du Rocher, Paris, 2003, p. 16.
[4] Lydwine Helly, op. cit., p. 20.
[5] For Intérieur.
[6] « J’ai commencé à écrire à sept ans, à envoyer des manuscrits aux éditeurs à dix-huit, mon premier roman a été publié quand j’en avais trente, et il m’a fallu attendre quarante-sept ans pour connaître quelque succès. » Lydwine Helly, op. cit., pp. 21-22.
[7] Radio Courtoisie.
[8] Lydwine Helly, op. cit., p. 21.
[9] Thèse d’esthétique soutenue à l’Université de Liège. Vers une métrique française, French Literature Publication Company, Columbia (South Carolina), 1978.
[10] L’exil est ma patrie, op. cit., pp. 44-45.
[11] Ibid., p. 48. La pièce de tissu en question est le morceau d’une robe qui aurait appartenu à Marie-Antoinette, et que conservait précieusement un ami de V.V., celui-là même qui lui prêta l’ouvrage de La Varende. La famille Volkoff, pour sa part, chérissait « une chute de brocart qui avait servi à faire la robe de l’impératrice douairière. » Ibid., p. 47. L’ouvrage de La Varende était « couvert d’un très joli porte-livre de maroquin rouge », qui impressionna l’indigent V.V. Ibid., p. 48.
[12] « J’étais enfant quand on m’a expliqué que l’officier russe montait à l’assaut le premier, entraînant ses hommes (l’officier allemand, paraît-il, passait le dernier, pour surveiller) et j’ai grandi avec l’idée royale que mon destin était de mourir le premier, que j’étais né pour ça : cette vie m’était seulement prêtée. C’est l’un des grands thèmes de l’humanité, il est très profondément ancré en moi. » Ibid., pp. 21-22.
[13] « Nous fûmes trahis et cent mille Musulmans qui avaient cru en notre parole sont morts égorgés, certains écorchés, certains salés vifs. » Lydwine Helly, op. cit., p. 27.
[14] For Intérieur.
[15]Autobiographie, in Lydwine Helly, op. cit., p. 29. Cependant, selon les Repères biographiques, c’est au roman Le Montage qu’est dû cet hommage. Ibid., p. 45.
[16] « Alexandre de Marenches, découvreur de Sun Tzu, était persuadé, entre autres, de deux choses fort simples : premièrement que l’ennemi (c’est-à-dire, à l’époque, l’URSS) nous faisait une guerre psychologique et deuxièmement qu’un des bons moyens pour s’en défendre serait d’en révéler l’existence au grand public. Il me proposa donc d’écrire un roman sur la désinformation, à charge pour lui de me fournir les renseignements nécessaires. En un sens, je devenais son agent d’influence, mais c’était pour la bonne cause, puisqu’il ne me serait rien demandé que de dénoncer le mensonge et de dire la vérité. » Petite histoire de la désinformation, op. cit., p. 14.
[17] Ces procédés sont courants de nos jours, et les accusations d’antisémitisme n’épargnent pas même des Juifs comme Noam Chomsky ou Norman Finkelstein (dont toute la famille, à l’exception de ses parents rescapés d’Auschwitz, a été exterminée par les nazis), à la faveur du concept grotesque de « haine de soi ». Citons, pour l’anecdote, le genre de preuves sur lesquelles Angelo Rinaldi (critique littéraire à L’Express, 5-12 Septembre 1980), un des ténors de la cabale anti-volkovienne, appuyait ses accusations d’antisémitisme : dans Les Humeurs de la mer, la mère de Beaujeux, le héros, est juive ; dans Intersection, le troisième volume de la tétralogie, un procureur soviétique torture un juif, etc. De ces arguments spécieux, il concluait que V.V. était « un antisémite pervers, car paradoxal »… Volkoff et les médias, in Lydwine Helly, op. cit., p. 180.
[18] « Je gagnai les procès où, accusé d’être antimusulman et antijuif, je décidai de partager mes dommages et intérêts entre trois œuvres : une juive, une musulmane, une chrétienne. J’avais l’air de triompher. » Autobiographie, Ibid., p. 30.
[19] Ces analyses et citations sont extraites de l’étude de John M. Dunaway, The Double Vocation : Christian Presence in Twentieth-Century French Fiction, V, Vladimir Volkoff: The Fecundity of Evil, pp. 124-126.
[20] « Est-il besoin d'une grande perspicacité pour comprendre que les idées, les conceptions et les notions des hommes, en un mot leur conscience change avec tout changement survenu dans leurs conditions de vie, leurs relations sociales, leur existence sociale ? Que démontre l'histoire des idées, si ce n'est que la production intellectuelle se transforme avec la production matérielle ? Les idées dominantes d'une époque n'ont jamais été que les idées de la classe dominante. » Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, Union générale d’éditions, Paris, 1962, p. 44.
[21] Lydwine Helly, op. cit., p. 272.
[22] L’exil est ma patrie, op. cit., p. 115.
[23] Ibid., p. 129.
[24] Pourquoi je serais plutôt aristocrate, Editions du Rocher, Paris, 2004, p. 14.
[25] Ibid., pp. 44-45.
[26] Ibid., p. 137. Citons encore « Montherlant se plaignait déjà de la disparition des cireurs de chaussure au-dessus d’un certain parallèle. » Ibid., p. 141.
[27] Ibid., p. 93. Par justice envers V.V., précisons que dans d’autres œuvres, son caractère foncièrement passéiste s’exprime également à travers de plus nobles regrets : « O époque bénie, où l’on disait ‘Mademoiselle, vous’, où la toile de Nîmes était encore l’apanage des Barbares d’outre-Atlantique, où les femmes ne portaient le falzar que par grand froid, où le langage n’était grossier qu’occasionnellement, où la promiscuité scolaire et vacancière n’avait pas défloré l’ignorance mutuelle des sexes, si favorable aux grandes passions comme aux flirts ! O chères sphinges peuplant les sombres galeries lambrissées qui taraudent la Sorbonne-fourmilière, ô visiteuses perchées en jupes-corolles sur les bancs printaniers du Luxembourg qu’épiaient de farouches gardiens interdisant le plus impalpable des baisers, ô belles impossibles, ne vous rendra-t-on jamais à l’innocence troublée de notre contemplation ? » Il y a longtemps mon amour, op. cit., p. 29.
[28] Ibid., p. 136.
[29] V.V. ne recule pas même devant les barbarismes, naviguant, tel le char de Joseph Prudhomme, sur un volcan en parlant d’optimocrate, de qualitisme ou d’excellentisme (Ibid., p. 40). Il est difficile de considérer sérieusement un homme aussi étranger à la rigueur que V.V.
[30] L’exil est ma patrie, op. cit., pp. 50-51.
[31] La leçon d’anatomie, op. cit., p. 274.
[32] Olduvaï, p. 362. 
[33] Les Maîtres du temps, p. 70.
[34] L’exil est ma patrie, op. cit., p. 105.
[35] « qui était le bon, qui était le mauvais, Vercingétorix ou Jules César, compte tenu de ce que la France était appelée à porter la civilisation au monde ? » Ibid., p. 127-128.
[36] Postface à Opération Barbarie, Edition des Syrtes, Paris, 2001, p. 195. Voilà ce que Nietzsche dit de la guerre : « nous ne connaissons pas d’autre moyen qui puisse rendre aux peuples fatigués cette rude énergie du champ de bataille, cette profonde haine impersonnelle, ce sang froid dans le meurtre uni à une bonne conscience, cette ardeur commune organisatrice dans l’anéantissement de l’ennemi, cette fière indifférence aux grandes pertes, à sa propre vie et à celle des gens qu’on aime, cet ébranlement sourd des âmes comparable au tremblement de terre, avec autant de force et de sûreté que ne fait n’importe quelle grande guerre… » Humain, trop humain, VIII, § 144, trad. A-M Desrousseau.
[37] « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. » Fondements de la métaphysique des mœurs.
[38] L’exil est ma patrie, op. cit., p. 128.
[39] Il y a longtemps mon amour, p. 42. Cf. « ‘Le 14 juillet 1789, le grand peuple français a conquis la Bastille pour en libérer sept pouilleux : quel héroïsme !’ 
Diables de Serbes ! Ils connaissent l’histoire de France mieux que nous. » Désinformation : flagrant délit, op. cit., p. 17.
[40] Postface à Opération Barbarie, op. cit., p. 199.
[41] Le Tortionnaire, p. 87.
[42] Le Berkeley à Cinq heures, ‘La paix des braves’, op. cit., p. 97.
[43] Ibid., p. 201.
[44] Le Bouclage, op. cit., p. 174.
[45] Postface à Opération Barbarie, op. cit., p. 219. Il va sans dire que toutes les références qui sont présentées comme authentiques restent anonymes, à l’image de cet écrivain algérien : « Un écrivain algérien me disait récemment : ‘Il n’y a qu’une seule chose que nous ne puissions pas vous pardonner, c’est de nous avoir abandonnés à la merci d’une armée vaincue.’ » Ibid., p. 201.
[46] L’exil est ma patrie, op. cit., p. 13.
[47] Il conclut en ces termes : « il est fort rare que les choses se présentent de la sorte ». Postface à Opération Barbarie, op. cit., p. 220.
[48] Autobiographie, in Lydwine Helly, Vladimir Volkoff, op. cit., p. 32.
[49] Dans Le Berkeley à cinq heures, V.V. se décrit comme « taxé d’anticommuniste ‘viscéral’ par les journalistes indulgents et ‘professionnel’ par les hostiles ». Vladimir Volkoff, Le Berkeley à cinq heures, Editions de Fallois, L’Age d’Homme, Paris, 1993, p. 187. Nous prenons, par respect envers l’intelligence de V.V., le parti des « hostiles » : les insanités qu’il profère sont dues, selon nous, à ses visées de propagande, non à de la bêtise.
[50] Le Berkeley à cinq heures, op. cit., p. 73.
[51] Désinformation, flagrant délit, Editions du Rocher, Paris, 1999. Il préfère cependant, au terme désinformation, celui de psychocratie ou « empaumement des âmes ».
[52]Crisis in the Balkans, in Rogue States, The Rule of Force in World Affairs, South and Press, Cambridge, 2000, pp. 34-50.
[53] Désinformation, flagrant délit, op. cit., pp. 10-11.
[54] La politique étrangère américaine, qui ne s’est jamais encombrée de notions aussi contraignantes que les droits de l’homme, était directement responsable de cette situation : en 1995, les accords de Dayton, supervisés par les Etats-Unis, avaient partitionné la Bosnie-Herzégovine au détriment des Kosovars, amenant ceux-ci à préférer à la non-violence une stratégie offensive qui amena des représailles massives de la part des Serbes. Noam Chomsky, op. cit., p. 36.
[55] Qu’est-ce que l’objectivité ? Est-ce, comme l’enseignent les écoles de journalisme, un fait arithmétique, qui consiste à donner toujours les deux versions des faits, à toujours rappeler qu’il y a des extrémistes des deux côtés, comme si, durant un conflit aussi peu controversé que la seconde guerre mondiale, il n’y avait pas également eu des « extrémistes » des deux côtés : Dresde, Hiroshima et Nagasaki sont-ils autre chose que d’odieux crimes de guerre ? Cela ne change rien au fait que fondamentalement, la justice était dans le camp antinazi. Prenons un cas concret : l’armée israélienne, durant l’attaque menée contre Gaza fin 2008, a-t-elle commis des crimes de guerre ? Les journalistes et hommes politiques occidentaux se contentent de relayer d’une part les accusations portées par le Hamas et les organisations internationales telles Amnesty International et Human Rights Watch, et d’autre part le démenti de Tsahal, et considèrent agir ainsi en respectant l’équité. Car selon l’éthique en vigueur, ce serait assurément un manque de déontologie que de mettre en relation, sous forme de syllogisme, des faits indéniables en eux-mêmes et d’en tirer les conclusions qui s’imposent : Gaza est l’une des zones les plus densément peuplées du globe, et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I, Article 51, ‘Protection de la population civile’) du 8 juin 1977 considère le bombardement de zones peuplées de civils comme un crime de guerre ; Israël a massivement bombardé Gaza ; Israël est coupable de crimes de guerre. Robert Fisk, correspondant du journal The Independent basé au Moyen-Orient, s’indigne de l’hypocrisie et de la lâcheté des médias occidentaux, et donne une définition de ce que devrait être l’éthique journalistique : toujours mettre à l’épreuve les versions officielles, et garder une neutralité qui soit en faveur de ceux qui souffrent. « Si vous vous retrouviez au XVIIIe siècle pour faire un reportage sur le trafic d’esclaves, donneriez-vous le même temps de parole aux esclaves qu’au capitaines de négriers ? Non, vous parleriez surtout aux esclaves. Si vous aviez été présent à la libération d’un camp d’extermination nazi, donneriez-vous le même temps de parole au porte-parole des SS qu’aux victimes ? Non, vous ne le feriez pas ; vous ne parleriez qu’aux survivants. » Ask All You Like About 9/11, But Just Don’t Ask Why, MIT, 5 Février 2003. La traduction est de nous.
[56] L’accusation d’islamophobie a souvent été portée à l’encontre de V.V. (notamment par Pierre Joffroy – dont le véritable nom est Maurice Weil – sur le plateau d’Apostrophes, le 24 Septembre 1982 ; V.V. porta plainte en diffamation et gagna son procès), mais elle est, selon nous, fondée, bien que son hostilité à l’Islam, comme au communisme, soit plus « professionnelle » que « viscérale ».
[57] Désinformation, flagrant délit, op. cit., p. 12.
[58] Ibid., p. 46.
[59] Comparant cette intervention américaine avec l’invasion de l’Irak, il note que « l’Irak avait bel et bien envahi le Koweït, tandis que la Yougoslavie réglait des problèmes intérieurs. » Ibid., p. 54.
[60] Ibid., p. 56.
[61] Ibid., p. 53.
[62] V.V. décrit ainsi les deux ethnies qui s’opposent : « l’une réduite à la guérilla, l’autre à la contre-guérilla, c'est-à-dire, pour simplifier, au terrorisme d’un côté et à la terreur de l’autre. » Ibid., p. 56.
[63] Les nécessités de sa « Croisade », ou plutôt de sa « guerre psychologique » contre l’Islam ne l’empêchant pas d’habiller son propos de sentiments « chevaleresques », il remarque, à propos de la disproportion des forces : « Traiter cette agression de guerre reviendrait à dire que six policiers passant à tabac un voyou auquel ils ont mis les menottes lui livrent un combat singulier conforme aux usages de la chevalerie. » Ibid., p. 71. A propos du supposé enthousiasme des Français quant à cette guerre, il ironise : « Le surprenant, c’est que l’argument de la ‘moralité’ ait joué sur les citoyens, je veux dire les Français, qui laissent facilement attaquer, violer, dépouiller, défigurer des femmes dans le métro en continuant à lire L’Equipe ou Libération, parce que, dans le métro, il pourrait être périlleux d’intervenir. Peut-être est-ce pour se racheter d’une pusillanimité quotidienne que, pour cette fois, ils sont montés (sans le moindre danger) sur leurs grands chevaux et se sont soudains découverts d’une ‘moralité’ irréprochable. Ah ! qu’il est doux de jouer les justiciers en charentaises ! » Ibid., pp. 66-67.
[64] Ibid., pp. 101-103. Précisons encore que V.V. revendique hautement sa fidélité envers la France. Ayant vécu une trentaine d’années aux Etats-Unis, il aurait cependant renoncé à en prendre la nationalité : « Pour devenir Américain il y a encore plus de questions et à la dernière page, il faut dire qu’on refuse toute autre allégeance que l’américaine. Je n’ai pas pu. Je ne peux pas refuser l’allégeance russe, française, familiale. Je ne peux pas. » L’exil est ma patrie, op. cit., p. 50.
[65] Vladimir Volkoff a également des idées « philosophiques » sur la pauvreté et les moyens d’y mettre fin :
« Le manque de personnel des grands hôtels m’attriste, surtout lorsque je pense à tous les chômeurs, vagabonds, dépenaillés divers, qui seraient si bien là, au chaud, à me cirer mes chaussures et à me porter mes valises dans le dos de la Sécu, plutôt qu’à me mendigoter deux francs à l’entrée du métro sans ôter le mégot de leur bouche. 
Pardon pour cette parenthèse socio-philosophique. » Le Berkeley à Cinq heures, op. cit., p. 195.
[66] Pour un aperçu significatif de la politique étrangère des Etats-Unis depuis 1945, voir, entre autres, ces œuvres de Noam Chomsky : The Washington Connection and Third World Fascism ; After the Cataclysm : Postwar Indochina & the Reconstruction of Imperial Ideology ; What Uncle Sam Really Wants ; Rogue States : the Ruleof Force in World Affairs ; Hegemony or Survival : America’s Quest for Global Dominance ; What We Say Goes : Conversations on U.S Power in a Changing World ; Failed States : The Abuse of Power and the Assault on Democracy. Etc., etc.
[67] Dans sa conférence intitulée Distorted Morality : A War on Terrorism ?, 6 Février 2002.
[68] Désinformation, flagrant délit, op. cit., p. 16.
[69] Ibid., pp. 65-66. Dans son ouvrage retraçant l’historique de la désinformation (Petite histoire de la désinformation), V.V. ne fait pas la moindre référence à Chomsky, qu’il ne peut prétendre méconnaître, ayant vécu trente ans aux Etats-Unis. Cela lui permet, sans doute, de laisser entendre qu’il est le premier à s’être intéressé sérieusement à ces questions.
[70] Ibid., p. 109.
[71] P-M Gallois : Le Sang du pétrole, Le Soleil d’Allah aveugle l’Occident ; Alexandre del Valle : Islamisme et Etats-Unis : Une alliance contre l’Europe.
[72] Ibid., p. 111.
[73] Considérons par exemple la fable des « armes de destruction massive » de Saddam Hussein, qui a amené les Etats-Unis à envahir l’Irak en 2003 : si le souvenir des mensonges éhontés qui ont amené le monde à cautionner la première guerre du Golfe a pu contribuer à créer l’extraordinaire mouvement populaire international de dénonciation de l’illégalité et de l’illégitimité de cette seconde invasion, les médias et les opinions ne laissent pas de succomber à nouveau aux inepties américano-israéliennes à propos du dossier nucléaire iranien, ignorant complètement le fait que d’une part, l’Iran ne désire que l’usage pacifique de l’énergie nucléaire, et que d’autre part, quand bien même il désirerait des armements nucléaires offensifs, les puissances qui prétendent lui dénier ce droit sont à la fois les plus nucléarisées et les plus belliqueuses, représentent un obstacle constant à la paix dans cette région, et n’ont aucune légitimité à empêcher d’autres puissances d’acquérir ces armements dissuasifs : il est de la responsabilité des Etats de protéger leur population, et la possession de l’arme nucléaire peut sembler une solide garantie. Voir Manufacturing Consent de Noam Chomsky.
[74] Désinformation, flagrant délit, op. cit., pp. 26 et 148. Cette thèse réapparaît constamment dans l’œuvre de V.V. : dans Le Berkeley à cinq heures, il y affirmait que la France s’intéressait aux méthodes de tortures par privation sensorielle « pour le cas où, par exemple, le lumpenprolétariat immigré deviendrait un bouillon de culture terroriste. » Le Berkeley à cinq heures, op. cit., p. 58. Dans une conférence donnée à des futurs officiers en avril 2005, et intitulée « Guerre révolutionnaire en Algérie », il affirme que les méthodes contre-révolutionnaires mises en place en Algérie le seront bientôt en France même : « Le droit du sol étant ce qu’il est, les visées expansionnistes de l’islam étant ce qu’elles sont, et le pourcentage d’immigrés ayant dépassé, dans plusieurs pays d’Europe, la cote de sécurité, il n’est pas inimaginable du tout que certaines portions de territoire européen veuillent se déclarer indépendantes, avec le soutien des grandes puissances islamiques. Lorsque les forces de police qui déjà, à l’heure où je vous parle, ne pénètrent pas dans certains quartiers, se seront révélées insuffisantes pour maintenir l’intégrité du territoire national, il faudra bien, à moins d’une capitulation pure et simple, que vous interveniez, vous. » Vladimir Volkoff, op. cit., p. 335. 
[75] V.V. affirme avoir vu ce slogan en Serbie. « NATO » est le sigle anglais pour « OTAN »
[76] Evidemment, contrairement à « NATO-COLA », ce slogan ne se trouve pas sous la plume de Vladimir Volkoff. Mais il résume assez bien ce que voudrait nous faire croire V.V. (Mecca-Cola se veut l’un des équivalents arabes de Coca-Cola).
[77] Il la définit comme la « manipulation de l’opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés. » Ibid., p. 31.
[78] Ibid.
[79] Ibid., p. 105.
[80] Editeur et militant nationaliste.
[81] Bernard Lugan, Libre Journal, Radio Courtoisie, 22 Septembre 2005.
[82] Bernard Lugan et Vladimir Volkoff seraient prêts à risquer leur sang – à défaut de leur vie – pour défendre leur conception de l’honneur. C’est ce qu’affirme Bernard Lugan, en rapportant cette anecdote révélatrice : « Cette amitié [avec Vladimir Volkoff], je l’ai éprouvée au moins à une reprise : un duel, que je devais mener avec quelqu’un qui méritait quelques centimètres d’acier dans les parties molles du corps, et j’ai demandé à Vladimir d’être mon témoin, et Vladimir Volkoff a immédiatement accepté. A une condition : c’est que l’on se batte en duel à la russe, et que les témoins se battent également. Je dis ‘Bien volontiers, Vladimir, plus il y aura de sabres, et plus on rira.’ Il est évident qu’en face, ils se sont sauvés, on n’a vu personne, et on attend toujours… » Ibid. V.V., lui aussi, sait reconnaître le courage, même chez ses ennemis : ainsi déclare-t-il au sujet des guérilleros communistes latino-américains : « Saluons-les au passage : du moins ils se seront battus et sacrifiés. » La Bête et le venin, op. cit., p. 17. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, qu’il condamne bien évidemment, il osera faire les remarques de bon sens que personne – ou presque, Noam Chomsky et Robert Fisk l’ayant également souligné – n’a osé faire, à savoir que c’est la politique américaine qui est à l’origine de ces atrocités : « Il y a, disons, deux attitudes, l’attitude de Bush qui dit ‘C’est la lutte du bien contre le mal’, ce qui est tout de même un peu grotesque (…), tandis qu’il y a beaucoup d’Américains qui ont compris qu’on ne bouscule pas le monde entier impunément, qu’il finit tout de même par vous arriver quelquefois des bricoles si vous allez trop loin. (…) C’est David contre Goliath, et le petit David est bien obligé quelquefois de recourir à des procédés qui choquent, qui sont spectaculaires, mais qui en réalité ne sont pas plus atroces que les procédés de Goliath. » Fidèle à lui-même, V.V. souligne également : « Nos médias, qui ont tellement de sympathie pour les tueurs du FLN qui jetaient des bombes et des grenades dans des cafés et ensuite s’enfuyaient à toutes jambes, pourquoi n’éprouveraient-ils pas tout de même un peu de respect pour des gens qui vont vraiment jusqu’au bout de leurs idées, qui meurent, qui savent qu’ils vont mourir ? Je les trouve beaucoup plus respectables... » Radio Courtoisie, Libre Journal, 13/09/2001.
[83] Le Berkeley à cinq heures, p. 185.
[84] Ibid., p. 123.
[85] Vladimir Volkoff, Le Tortionnaire, p. 148. Cette erreur se retrouve dans L’Enlèvement, p. 269.
[86] Vladimir Volkoff, L’Enlèvement, Editions du Rocher, Paris, 2000. Le Président américain (directement inspiré de Bill Clinton, qui a mis en place l’intervention de l’OTAN en Serbie) y décide de faire enlever Knezevitch (directement inspiré de Milosevic, mais présenté sous les auspices les plus favorables : humaniste, croyant, adulé par son peuple, d’un caractère noble, etc.), le dirigeant du Monterosso, au prétexte de ces actions défensives contre des populations musulmanes séditieuses, mais en réalité pour s’attirer les faveurs du monde musulman. Ce roman est le pendant romanesque de la propagande abjecte contenue dans les ouvrages sur la désinformation que nous avons analysés.
[87] Ibid., pp. 273-274.
[88] « Le Coran dit : ‘Le combat vous est prescrit.’ Et Al Bokari : ‘Le paradis est à l’ombre des sabres.’ Et Al Muttaki : ‘Un jour et une nuit de combat valent mieux qu’un mois de jeûne et de prière.’ » Ibid., p. 265. Précisons que Bukhari, que V.V. fait parler de son propre chef, n’a fait que collecter et rapporter des propos attribués au Prophète ou à ses Compagnons, et que la figure d’Abu Ishaq Al-Muttaki n’a d’autorité pour aucune faction musulmane. Si ces références peuvent passer pour de l’érudition aux yeux d’ignorants, elles sont grotesques aux yeux de quiconque connaît un peu l’Islam. Pour se justifier de sa réticence à parler des Juifs, V.V. affirmait : « je déteste parler de tout ce en quoi je ne suis pas compétent. » L’exil est ma patrie, op. cit., p. 131. Pourquoi n’a-t-il pas ce même scrupule au sujet de l’Islam ? V.V., en la matière, est un profane qui n’écrit que pour des profanes, et son ignorance est aussi transparente que son mépris.
[89] Ibid, p. 311.
[90] « Dites : ‘Nous croyons en Dieu et en ce qui est descendu sur nous, en ce qui est descendu sur Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob, les Tribus, et en ce qui fut donné à Moïse, à Jésus, fut donné aux Prophètes de la part de leur Seigneur. Nous ne faisons de différence entre aucun d’eux, et à Lui nous sommes soumis.’ » Coran, II, 136.
[91] « C’est pourquoi nous édictâmes, à l’intention des Fils d’Israël, que tuer une âme non coupable du meurtre d’une autre âme ou de dégât sur la terre, c’est comme d’avoir tué l’humanité entière ; et que faire vivre une âme c’est comme de faire vivre l’humanité entière. Oui, Nos Prophètes leur vinrent avec des preuves. Pourtant, malgré cela, beaucoup d’entre eux commettent l’abus. » Coran, V, 32.
[92] Ibid., p. 305.
[93] Ces terroristes, ayant attenté à la vie du Président Knezevitch, sont sur le point d’être exécutés sans interrogatoire : Lakhdar n’a donc aucun intérêt à s’attirer la bienveillance de Zulfikar, qu’il méprise ; du reste, il s’exprime en Français, langue que Zulfikar ne comprend pas, et ne désire donc qu’impressionner 2K, un officier français présent, « en assumant [s]a foi jusque dans ses bizarreries et ses ridicules apparents » (Ibid.). Ce n’est là qu’une manière, particulièrement méprisable, de suggérer que les croyances musulmanes sont insensées, car selon ce propos, les derniers des individus y pourraient accéder au Paradis.
[94] Ibid., p. 375.
[95] Voir, par exemple, le portrait d’Oussama Ben Laden brossé par Robert Fisk (qui l’a rencontré plusieurs fois) au premier chapitre de The Great War for Civilisation : The Conquest of the Middle East, ‘One of Our Brothers Had a Dream…’, Vintage Books, New York, 2005, pp. 3-34.
[96] Dans The Searchers, western de John Ford, John Wayne mutile le cadavre d’un Cheyenne en lui crevant les yeux, affirmant que selon leur croyance, cela les empêchera de trouver le repos éternel.
[97] Vladimir Volkoff, Le Complot, Editions du Rocher, Paris, 2003, p. 37.
[98] Malgré son inélégance manifeste, cette formule éloquente exprime l’idée induite par la notion de self-fulfilling prophecies, ou « prophéties auto-réalisatrices ».
[99] A son échelle, Vladimir Volkoff entreprend, par exemple, la même chose que les Etats-Unis désiraient en Irak après leur enlisement consécutif à l’invasion de 2003, lorsqu’ils commencèrent à évoquer le spectre de la guerre civile. L’éminent spécialiste du Moyen-Orient, Robert Fisk (auteur de Pity the Nation : Lebanon at War et The Great War for Civilization : The Conquest of the Middle East), résumait ce propos ainsi, dans une conférence donnée avec Noam Chomsky (Conflict in the Middle East) : en parlant de guerre civile à propos de la société irakienne, alors que celle-ci n’a jamais été une société sectaire, ils espéraient amener les sunnites et les chi’ites à s’affronter afin de prévenir tout redressement de l’Irak. Et de fait, nous avons une situation de guerre civile aujourd’hui.
[100] « Et si on s’en moquait, du tollé, comme les Israéliens en Palestine, Thatcher aux Malouines et Reagan à Grenade ? » Le Bouclage, Editions de Fallois, L’Age d’Homme, Lausanne, 1990, p. 117. « [L]e véritable ennemi du policier n’est plus le voyou ni l’avocat du voyou mais le juge d’instruction ». Ibid., pp. 197-199.
[101] En note de bas de page, à propos d’une statistique inquiétante selon laquelle « les agressions de femmes seules sur la voie publique ont augmenté de 607 % en un an », l’auteur précise : « Pour demeurer dans une stricte vraisemblance, la plupart des statistiques attribuées à l’Agglomération ont été empruntées à la région parisienne. V.V. » C’est notamment pour des nécessités romanesques que V.V. situe assez explicitement cette intrigue en Espagne, où le spectre du pouvoir absolu de Franco ajoute un ressort supplémentaire à l’intrigue lorsque certaines évoquent, au sujet du bouclage, des craintes de coup d’Etat fasciste. Le critère idéologique joue également, car cette manière détournée d’évoquer la situation de la France peut être une stratégie argumentative.
[102] Il le fait en flattant les pulsions les plus basses que sont le voyeurisme et le sensationnalisme, qui font de nos jours le succès d’émissions et de revues sordides : comme nous l’avons vu, les conceptions aristocratiques de V.V. s’effacent prestement devant ses combats idéologiques, qu’il mène sans la moindre décence. Nous ne nions pas qu’il existe, dans nos sociétés, de véritables barbares ; mais au-delà du fait que V.V. réunit dans un périmètre réduit une variété invraisemblable de criminels, nous dénonçons l’emploi d’un ressort si peu noble dans un ouvrage qui se veut littéraire (mutilations infâmes, mœurs sexuelles sataniques, etc.). Ces thématiques, qui du reste peuvent être évoquées avec talent par de véritables écrivains (Cf. Les Diaboliques de Barbey d’Aurevilly, ou la prose célinienne), constituent hélas, à notre époque, un procédé grossier et vulgaire destiné à attirer un public manufacturé à l’avenant, en arborant de manière éhontée les bannières de l’art. Du reste, Chateaubriand, aristocrate plus respectable, déclarait dans la Préface d’Atala : « Peignons la nature, mais la belle nature : l'art ne doit pas s'occuper de l'imitation des monstres. » Chateaubriand, Atala - René, Pocket, 1999, Préface de la première édition, p. 143.
[103] L’opération est, rétroactivement, baptisée P.U.R.G.E.
[104] p. 584.
[105] V.V., par l’intermédiaire de Paula Abad, nous exprimait ses idées à ce sujet. Il considère les habitants des banlieues en situation difficile comme des « victimes d’eux-mêmes, en fin de compte, car d’autres, ayant traversé les mêmes épreuves, en étaient ressortis sans léser autrui » (p. 439.) : évidemment, un homme aussi distant des problèmes du peuple que l’est V.V. ne peut qu’exprimer ces sophismes pseudo-aristocratiques, étendant à autrui les exigences qu’un aristocrate authentique ne s’imposerait qu’à lui-même, et concluant que si des individus, par une chance ou des talents supérieurs, ont pu s’en sortir, on est en mesure d’exiger de tous le même succès. Triste conception minimaliste, qui se satisfait non pas de la probabilité du succès pour les populations défavorisées, mais de sa simple possibilité, et ce aux antipodes de la notion d’ « égalité des chances » – alors même que l’une des citations liminaires de Pourquoi je serais plutôt aristocrate, de John Ford, était : « La démocratie dont je suis partisan, c’est celle qui donne à tous les mêmes chances de réussite, selon la capacité de chacun. Celle que je repousse, c’est celle qui prétend remettre au nombre l’autorité qui appartient au mérite. » Ibid., p. 7. Nous précisons que nous nous gardons bien d’attribuer à V.V. toute idée exprimée par un de ses personnages : mais nous estimons avoir une connaissance suffisante de l’individu et de ses principes pour pouvoir lui en attribuer certaines sans le moindre doute.
[106] La comparaison a ses limites, car Nicolo Grosso citait Démosthène, Euripide et les Gracques, alors que notre barbare inculte, incapable de s’exprimer en bon français (même lorsqu’il lit ses discours, qui, nous le présumons, sont composés par des gens plus lettrés), ne peut se réclamer que des Bigard et des Doc Gynéco. Quant à la nature des opérations répressives mises en place, elles se valent : que dire en effet de descentes de police musclées réalisées à six heures du matin, sous l’œil des caméras, pour arrêter des suspects dont la plupart seront ensuite relâchés fautes de motifs d’inculpation ? De telles opérations sont menées contre des sans-papiers présumés, mais le furent également à l’occasion des émeutes de Villiers-le-Bel de 2007 (où les forces de l’ordre ont fait l’objet de tirs de grenaille), consécutives à la mort de deux adolescents, tués par une voiture de police dont les occupants prirent la fuite avant même l’arrivée des secours, se rendant coupables de non-assistance à personnes en danger : une descente de police fut ensuite réalisée contre plusieurs résidents, dont le foyer d’un des deux jeunes tués. Rappelons que Churchill disait que dans une démocratie, seul un livreur de lait peut frapper à notre porte à l’aurore...
[107] Tribunal à l’équité hautement douteuse, comme l’évoque allusivement V.V. dans La Trinité du Mal (ce qui ne l’empêche pas de louer son « injustice cautérisante » Ibid., p. 94.), et comme l’a démontré Noam Chomsky : en effet, n’y étaient considérés comme « crimes de guerre » que les crimes commis par les seuls nazis. Les bombardements massifs de populations civiles, notamment à Dresde, Hiroshima et Nagasaki, crimes de guerre si jamais il en fut, ne furent aucunement dénoncés. Dans La Bête et le venin, V.V. rectifiait le tir : « les procès de Nuremberg, faits par des vainqueurs à des vaincus, au mépris des conventions internationales et au nom d’une législation inventée a posteriori constituent un déni de justice. ». La Bête et le venin, op. cit., p. 155.
[108] La Trinité du mal, ou réquisitoire pour servir au procès posthume de Lénine, Trotsky, Staline, Editions de Fallois, L’Age d’Homme, Lausanne, 1998, p. 7.
[109] A la faveur d’un aperçu historique éminemment partial, V.V. nous démontre, dirions-nous de manière à peine abusive, que sous le règne de Nicolas, la Russie était la plus heureuse des nations, que les libertés et la justice, régnaient, etc.
[110]Ibid., p. 12.
[111] Cf. Noam Chomsky, What Uncle Sam Really Wants, ‘Teaching Nicaragua a Lesson’, Odonian Press, Berkeley, 1995, pp. 40-46. V.V. attribue également au communisme les victimes de la guerre d’indépendance angolaise (contre le Portugal puis contre l’Afrique du Sud et les forces qui la soutenaient), alors même que les socialistes menés par Agostinho Neto luttaient (avec l’aide internationaliste de Cuba) pour leur indépendance, et que les Etats-Unis et le régime raciste d’Afrique du Sud voulaient les soumettre. De même, dans La Bête et le venin, V.V. attribue au communisme les morts causées par le régime Khmer au Cambodge (soutenu par la politique américaine génocidaire, qui désirait miner le recouvrement du Vietnam), sans considérer que c’est bien la République socialiste du Vietnam qui, en 1979, y a mis fin, ce même Vietnam contre lequel étaient ignoblement intervenus les Etats-Unis, avec les encouragements enthousiastes de Volkoff. Sur ce sujet, voir Noam Chomsky, ‘Inoculating Southeast Asia’, Ibid., pp. 58-60.
[112] « J’ai posé leurs trois portraits devant moi ; je veux me pénétrer du maléfice de leurs visages. » La Trinité du mal, op. cit., p. 14.
[113] Ibid., p. 52.
[114] Précisons tout de même qu’il le combattait déjà avant la disparition de l’URSS, notamment avec la publication du roman LeMontage, qui lui a valu maintes attaques. Il ne s’agit pas tant d’un sursaut de la « treizième heure », à l’image des « poules » qui, à la Libération, furent les plus prompts dans leurs condamnations des collaborateurs et les plus impitoyables dans leur châtiment, mais d’une marque de vanité, d’un désir de s’approprier une victoire qu’il estime comme la sienne. Cette hypothèse est manifeste lorsque, dans La Bête et le Venin ou la fin du communisme, V.V. rappelle subtilement sa préséance : « M. Landsbergis, Président de la République de Lithuanie, a réclamé « un procès de Nuremberg du communisme ». Ne lui disputons pas la paternité de cette idée… » (La Bête et le Venin, op. cit., p. 154). V.V. n’a pas l’ « âme généreuse » de Langelot, pour qui « la victoire a toujours un goût amer ». (Après le combat épique contre M. Huc : « L’excitation du combat était retombée et, pour les âmes généreuses, la victoire a toujours un goût légèrement amer. » Langelot et le satellite, p. 203).
[115] Jusqu’aux perversions proprement impérialistes, comme la torture couramment employée par les services spéciaux, notamment en Algérie : « car c’est contre une conspiration communiste que, à tort ou pas tout à fait, l’armée croyait s’y battre » La Bête et le venin, op. cit., p. 21. Ainsi les victimes elles-mêmes deviennent-elles coupables, au mieux complices : qu’on s’imagine l’indignation que susciterait un individu qui exempterait les nazis de leurs crimes au prétexte qu’ils pensaient lutter contre une conspiration sémite… Ce rapprochement n’est pas arbitraire, V.V. s’échinant, à travers ses ouvrages, à présenter le communisme comme une idéologie d’extrême droite : « Les Protocoles des sages de Sion, Mein Kampf et Votre bel aujourd’hui ? Pardon, j’ai tort de mettre Maurras dans cette équipe : un vrai monarchiste ne peut pas être un fasciste. Tiens, je vais t’apprendre quelque chose : c’est mon Directorat qui a eu l’idée géniale d’assimiler le fascisme à une tendance de droite, alors qu’en réalité il est plutôt plus à gauche que nous. » Aleksandre Psar, dans Le Montage, op. cit., p. 153.
[116] Ibid., p. 55.
[117] Ses principales sources sont Wolfe, Fischer et Valentinov. Elles sont tellement hétéroclites, qu’il orthographie, dans ses références directes, tantôt « Lénine », tantôt « Lenin ». N’ayant, apparemment, jamais lu aucun ouvrage de Lénine ou de Trotsky, ni même de Marx, il ne laisse pas d’affirmer : « je ne pense pas que Lénine ait réellement été marxiste. » Ibid., p. 56.
[118] Ibid., p. 95.
[119] La Bête et le venin, op. cit., p. 9. V.V. ne laisse pas de préciser, avec la pompe qui le caractérise : « cela fait aussi le nombre correspondant d’orphelins, d’enfants posthumes, de mères accablées, d’amours brisées, et de vies marquées au poinçon du désespoir, les survivants étant plus à plaindre que les morts. » V.V. est complètement hermétique et étranger à la notion d’objectivité.
[120] Ibid., p. 10.
[121] V.V. ne la nie nullement, nous l’avons vu. Cf. « nous n’étions pas très forts en humilité, mais je crois que nous étions assez forts sur le sacrifice. » L’exil est ma patrie, op. cit., p. 105. Nous ne reviendrons pas sur la conception qu’a V.V. de l’aristocratie, conception qui l’amène à avoir autant de mépris à l’égard de la vie d’autrui qu’à l’égard de la sienne propre – en théorie, car en pratique, il aime sa vie et méprise celle des autres.
[122] La Bête et le venin, op. cit., p. 10. Peut-être pourrions-nous voir, dans ces propos pour le moins incongrus à la fin du XXe siècle, un autre stigmate de cette désuétude volkovienne que nous avons évoquée, cet atavisme suranné qui l’amène à considérer qu’on peut encore, de nos jours, composer un poème après une tragédie, comme Voltaire et son Poème sur le désastre de Lisbonne ; mais ce n’est pas là un argument déterminant, d’autant plus que V.V. n’est qu’un thuriféraire de McCarthy & Reagan, et considère que Franco a mené une « guerre héroïque » (Autobiographie, in Lydwine Helly, op. cit., p. 27.) contre les communistes...
[123] Cité par Arnaud Laster, Pleins feux sur Victor Hugo, Comédie-Française, Paris, 1981, p. 93.
[124] Cette association d’extrême droite, nationaliste et colonialiste, décerne chaque année ce prix à « une personnalité qui a, par ses écrits ou par ses actes, apporté une contribution exemplaire à la désinformation en matière scientifique ou historique, avec des méthodes et arguments idéologiques. » Parmi les lauréats, citons Olivier Le Cour Grandmaison pour son œuvre Coloniser, exterminer : Sur la guerre et l’État colonial (2005), et Pierre Bourdieu pour l’ensemble de son œuvre (1998).

Exécution de Nimr al-Nimr, Arabie Saoudite et Iran : conflits religieux ou politiques ?

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« Depuis notre naissance, nous sommes soumis à l’oppression, à l’intimidation, aux persécutions et à la terreur, au point que même les murs nous faisaient peur. Même les murs ! Y a-t-il quelqu’un qui n’a pas subi l’injustice et l’oppression dans ce pays ? J’ai plus de 50 ans, soit un demi-siècle. Depuis que je suis venu au monde, je ne me suis jamais senti en sécurité dans ce pays, nulle part, depuis mon enfance. Nous sommes continuellement accusés, menacés et agressés de toutes parts...  Nos poitrines resteront nues face à vos balles et nos mains resteront vides (sans arme), mais nos cœurs resteront emplis de foi… Nous n’avons qu’une alternative : vivre sur cette terre en hommes libres et dignes, ou y être enterrés avec les honneurs (après le martyre)… Nous ne cesserons de dénoncer votre oppression et de revendiquer nos droits.» Nimr al-Nimr, 7 octobre 2011.


Les médias occidentaux et du monde arabe ont largement rapporté l’exécution par décapitation du dignitaire chiite Nimr Baqer al-Nimr ainsi que de 46 autres saoudiens – majoritairement sunnites – accusés de terrorisme et/ou de sédition. Ils ont également insisté sur les réactions très virulentes du monde chiite, de Sayed Ali Khamenei, Guide Suprême de la République Islamique d’Iran, à Sayed Hassan Nasrallah, le Secrétaire Général du Hezbollah (qui est allé jusqu’à parler d’un acte de décès pour le règne dynastique des Saoud), en passant par celle de Sayed Ali Sistani, la plus haute autorité religieuse d’Irak. Même si cela a été peu mentionné, d’autres instances, mouvements et personnalités ont condamné cette exécution, en Irak, au Pakistan, en Inde, au Yémen, au Bahreïn et au Liban, notamment le Conseil des Fatwas irakien (sunnite), le FPLP palestinien, ainsi que les organisations de défense des droits de l’homme Amnesty International et Human Rights Watch. 

L’accent a surtout été porté sur le caractère sectaire de cet événement, souvent replacé dans le cadre d’une « fracture croissante » entre sunnites et chiites, notamment entre l’Arabie Saoudite, berceau de l’Islam et « cœur » du sunnisme, et l’Iran, cœur spirituel du chiisme, dans une apparente lutte d’influence pour la domination du Moyen-Orient. Le différend millénaire entre les « sunnites » ou « loyalistes » de l’ « Ecole des Califes » (Compagnons qui ont dirigé le monde musulman après le décès du Prophète) d’une part, et les « chiites » ou « partisans » de l’ « Ecole de la Demeure » (les Imams de la lignée du Prophète, figures « d’opposition ») d’autre part, est très souvent présenté comme le sésame qui permet de comprendre les luttes et guerres impitoyables qui déchirent la région. Et ce jusqu’à la coalition américano-saoudienne qui dévaste depuis 9 mois le Yémen zaydite – une branche minoritaire du chiisme –, et la lutte contre Daech auxquelles seraient opposées une alliance « traditionnelle » (Amérique du Nord et Europe alliées à l’Arabie Saoudite et aux autres pétromonarchies du Golfe sunnites) et une alliance « orthodoxe » (Iran, Irak et Hezbollah chiites, Syrie alaouite – une autre branche minoritaire du chiisme – et Russie).

Mais ces analyses, par trop simplistes, traduisent une méconnaissance de l’Histoire du monde arabo-musulman et de la géopolitique du Moyen-Orient, et reposent sur des présupposés fallacieux qui ne résistent pas à l’examen. Et, de manière révélatrice, elles ne posent pas même les questions qui s’imposent, à savoir, puisqu’il s’agit au départ de l’exécution d’une importante figure religieuse, celles des motivations alléguées, présumées et/ou probables de cet acte, dans un tel contexte de surcroît, car Nimr al-Nimr était emprisonné depuis juillet 2012 et condamné à mort depuis plus d’un an.

Qui était donc Nimr al-Nimr ? C’était effectivement une figure religieuse chiite (un « Cheikh »), qui avait suivi un cursus de théologie en Iran avant de revenir prêcher dans sa province natale de Qatif, en Arabie Saoudite. Mais dès l’abord, il faut souligner que le seul qualificatif de religieux est insuffisant pour désigner Nimr al-Nimr,  car la « laïcité » ne règne pas en terre d’Islam, nombre de figures politiques majeures étant des clercs (Hassan al-Banna, Sayed Qutb, Ruhullah Khomeini, Hassan Nasrallah, etc.), surtout après les efforts occidentaux – couronnés de succès – visant à marginaliser et/ou briser les dirigeants et Etats séculiers (l’Egypte de Nasser, l’Irak de Saddam Hussein, la Libye de Kadhafi, la Syrie de Bachar al-Assad), avec les résultats que l’on connait. Nimr al-Nimr doit donc être considéré certes comme un prédicateur religieux, mais aussi, indéniablement, comme une figure politique majeure de l’opposition, très populaire au sein de la jeunesse, et ayant un rayonnement bien au-delà de sa secte et de son pays, notamment grâce à son charisme et à son courage face aux injustices criantes de la société saoudienne.

Nimr al-Nimr dénonçait en effet la dynastie des Saoud de manière très virulente et réclamait des réformes et une démocratisation du pays, face à une monarchie médiévale qui, comme chacun le sait, considère les droits de l’homme, les libertés en général et la liberté d’expression en particulier comme des hérésies, et, soulignons-le, punit l’hérésie par le tranchant du sabre voire la crucifixion. Nimr al-Nimr a souvent été emprisonné, et très certainement torturé pour ses déclarations véhémentes et sa participation à des manifestations pacifiques malgré les violences auxquelles étaient soumis les citoyens, la répression à balles réelles, les arrestations abusives, les tortures, etc. En 2012, le quotidien britannique The Guardian décrivait cette situation comme « le conflit le moins rapporté du Moyen-Orient », expliquant cette omerta médiatique occidentale sur le « Printemps arabe » saoudien par les contrats énergétiques et d’armements faramineux conclus avec cette pétromonarchie par Washington et Londres – et Paris –, dont elle est un allié stratégique. 


La situation des droits de l’homme en Arabie Saoudite est décrite en ces termes par Amnesty International dans son rapport 2014-2015 :

« Dans le Golfe, les autorités de Bahreïn, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis ont inlassablement muselé la dissidence et réprimé tout signe d’opposition au pouvoir, avec la conviction que leurs principaux alliés dans les démocraties occidentales ne risquaient guère de soulever des objections… [En Arabie Saoudite,] des restrictions sévères pesaient sur la liberté d’expression, d’association et de réunion. Le gouvernement a réprimé la dissidence en arrêtant et en incarcérant des personnes qui le critiquaient, y compris des défenseurs des droits humains. Beaucoup de ces personnes ont été jugées dans le cadre de procès inéquitables par des tribunaux n’appliquant pas une procédure régulière, notamment un tribunal spécial antiterroriste qui prononçait des condamnations à mort. Une nouvelle loi assimilait réellement au terrorisme les critiques à l’égard du gouvernement et d’autres activités pacifiques. Les autorités ont réprimé le militantisme en ligne et intimidé les militants et les membres de leur famille qui dénonçaient des violations des droits humains. La discrimination envers la minorité chiite persistait ; certains militants chiites ont été condamnés à mort et beaucoup d’autres à de lourdes peines d’emprisonnement. Des informations ont fait état de tortures régulièrement infligées aux détenus ; des accusés ont été déclarés coupables sur la base d’ ‘aveux’ obtenus sous la torture, d’autres ont été condamnés à des peines de flagellation… Le gouvernement ne tolérait pas l’existence de partis politiques, de syndicats ni de groupes indépendants de défense des droits humains. Des personnes qui avaient créé des organisations non autorisées ou en étaient membres ont été arrêtées, poursuivies en justice et emprisonnées… Tous les rassemblements publics, y compris les manifestations, demeuraient interdits en vertu d’un arrêté pris en 2011 par le ministère de l’Intérieur. Ceux qui tentaient de braver cette interdiction risquaient d’être arrêtés, poursuivis et emprisonnés, entre autres pour avoir ‘incité la population à s’opposer aux autorités’.» 

On le voit, c’est bien au péril de sa vie – et de celle de ses proches – qu’on s’engage sur la scène politique en Arabie Saoudite.

Nimr al-Nimr était une figure majeure de ce mouvement de contestation populaire qui réclamait le respect des droits humains et davantage de libertés, et malgré les provocations et sévices auxquels étaient soumis les manifestants, dont son neveu de 17 ans qui fut également arrêté, torturé et condamné à mort – il attend encore son exécution –, il resta un partisan farouche de la non-violence. Précisons qu’il en va de même pour le mouvement de protestation au Bahreïn qui dure depuis 2011, et dont les dirigeants ont maintenu le caractère pacifique malgré une répression sanglante et l’intervention des forces armées saoudiennes – contre laquelle de nombreuses manifestations ont été organisées en Arabie Saoudite même, avec la participation active de Nimr al-Nimr. Au Bahreïn comme en Arabie Saoudite, les manifestants demandaient avant tout une démocratisation du pays, tout comme les autres mouvements populaires spontanés du « Printemps arabe », en particulier la Tunisie et l’Egypte. Mais alors que ces mouvements ont largement été relayés par les médias arabes et occidentaux, qui dans l’ensemble sympathisaient avec ces revendications légitimes, les mouvements populaires au Bahreïn et en Arabie Saoudite ont été ignorés et/ou dénoncés comme des revendications sectaires, au seul prétexte de la grande proportion de chiites qui y participent. Rappelons que 15% de la population saoudienne est chiite, surtout concentrée dans les zones pétrolières stratégiques à l’Est du pays où elle est majoritaire, ainsi que 60% de la population du Bahreïn, et qu’elles font face à des monarchies wahhabites – branche extrémiste et marginale du sunnisme qui considère le chiisme (et nombre d’écoles du sunnisme) comme des hérésies pires que la démocratie, la liberté, etc.

Les mouvements populaires en Arabie Saoudite et au Bahreïn ne sont pas sectaires, et ne demandent pas plus de droits pour les seuls chiites – bien que ces populations soient particulièrement marginalisées et opprimées – mais pour toute la population, brimée dans son ensemble par des dynasties régnantes tyranniques, les Saoud et les Al-Khalifa. Voilà ce que déclarait Nimr al-Nimr le 7 octobre 2011 :

« Nous avons trois revendications essentielles : des réformes politiques dans le sens de plus de liberté et de dignité pour le peuple, la libération des prisonniers politiques arrêtés pour leur simple participation à des manifestations, dont certains sont emprisonnés depuis plus de 16 ans, et la fin de la répression au Bahreïn. » 

Est-ce là une revendication sectaire, une querelle de chapelle ? Certes pas : c’est bel et bien un authentique mouvement en faveur de la liberté et du respect des droits de l’homme. Et il ne pourrait en aller autrement : du fait même qu’ils sont minoritaires dans le monde islamique, et qu’ils sont toujours les cibles et les principales victimes des discours sectaires, les dirigeants chiites sont très vigilants sur ces questions, évitant tout propos sectaire et prônant l’unité islamique et citoyenne, dénonçant tout discours factieux et toute idée de division, de sécession ou de lutte armée, accusations traditionnellement lancées contre eux pour les discréditer auprès du reste de la population et justifier leur répression sanglante.

Il est absurde, indigne et irresponsable de donner une caractérisation sectaire à ces revendications de démocratie pour la seule raison que, de fait, elles permettraient une meilleure représentation des chiites, ce qui est le propre de toute démocratie représentative. A ce titre, toute revendication de démocratie pourrait être caricaturée comme la simple manifestation d’un esprit de parti, car il suffirait de stigmatiser la couleur politique (et/ou religieuse) des manifestants ou porte-paroles de ces mouvements pour en nier le caractère légitime et universel. On pourrait même dire, de manière à peine plus abusive, que cela reviendrait à donner un caractère sectaire à un acte de banditisme après avoir découvert que l’agresseur était sunnite et l’agressé chiite, ou vice versa, même si aucun d’entre eux ne le savait et que le mobile était bien évidemment purement matériel. Et même si le détrousseur et/ou meurtrier arguait (à tort ou à raison) de l’identité sectaire pour rallier des complices crédules, la cause première ne resterait-t-elle pas le gain matériel ?

Nimr al-Nimr ne faisait référence à son appartenance sectaire que pour aller dans le sens de l’unité, comme il le fit dans ce même discours d’octobre 2011 :
« Qui a prétendu que les chiites sont les seuls à être opprimés ? Devrions-nous nous taire parce que nous ne sommes pas les seules victimes des arrestations et de la répression ? Mais c’est pire encore ! En quoi cela serait-il une excuse (pour le régime) ? Devrions-nous tolérer qu’ils arrêtent (injustement) des sunnites ? Sur quelle base ? Pourquoi arrêtent-ils ces milliers de personnes (sunnites et chiites) ? Nous sommes tous victimes (de ce régime). Où est l’argent, où sont les milliards ? Le chômage, l’emprisonnement, le dénuement touchent toute la population… Nous continuerons à réclamer les droits de tous les opprimés. » 

Il dénonçait également les allégeances sectaires, rappelant que l’Islam abhorrant tout type d’oppression, la responsabilité d’un musulman est de se désolidariser de tout oppresseur, quel qu’il soit : familles Saoud et al-Khalifa en premier lieu, jusqu’à la famille al-Assad, tant les sunnites que les chiites sont innocents des crimes des uns et des autres, et doivent les condamner sous peine d’en être complices, affirmait-il en décembre 2011, en concluant que tous les opprimés doivent s’unir contre leurs oppresseurs. Enfin, Nimr al-Nimr était un défenseur acharné de la cause palestinienne, et appelait son gouvernement à envoyer ses forces armées contre Israël au lieu d’agresser le Bahreïn.

Certains médias ont parlé du caractère « provocateur » des discours de Nimr al-Nimr, mais ce sont là des « précautions oratoires » absurdes voire indécentes qui semblent faire abstraction de la violence massive et inouïe, physique et non pas verbale, à laquelle ils constituent une réponse. Dans l’un de ses derniers discours datant du 22 juin 2012, deux semaines avant son arrestation,  Nimr al-Nimr évoquait la mort du Prince Nayef, Ministre de l’Intérieur et héritier au trône, en affirmant explicitement que la seule réaction possible face à la disparition du meurtrier, tortionnaire et geôlier de leurs enfants – dont des membres de sa propre famille –, était de glorifier Dieu et de se réjouir, seul « l’Ange de la mort » étant capable d’atteindre ces monarques absolus qui s’arrogent le trône à vie. Une déclaration tout à fait « proportionnée », pour reprendre un terme cher à nos hommes politiques et médias, et qui ne justifie certes pas l’épithète flétrissante de « provocateur » face à des despotes, assassins et tortionnaires de sang-froid : au contraire, dans de telles conditions d’oppression, c’est plutôt sa sagesse et sa modération qu’il faudrait saluer, car il a toujours rejeté les appels à la violence et à la sédition auxquelles on s’évertuait à l’acculer, et a toujours été un avocat ardent de la contestation pacifique.  

L’accusation d’être un « agent iranien », un instrument de « l’expansionnisme » perse – bien que l’Iran n’ait commis aucun acte d’agression depuis le XIXe siècle – a également été portée contre lui. Mais sa dénonciation du régime syrien, allié stratégique de Téhéran, est un signe éloquent de son indépendance, maintes fois revendiquée, et attestée par les Etats-Unis eux-mêmes selon Wikileaks. De plus, Nimr al-Nimr a montré l’inanité et les contradictions de cette accusation non étayée en rappelant que l’oppression contre les chiites, inhérente au wahhabisme, est bien antérieure à la Révolution Islamique. De telles persécutions se sont produites dès l’établissement du premier Etat saoudien suite à l’alliance de Muhammad Ibn Abd-al-Wahhab et de la Maison des Saoud au XVIIIe siècle, et ont perduré jusqu’à ce jour, s’étendant à toute la population, comme l’indiquait clairement le rapport d’Amnesty International. Et du reste, soulignait Nimr al-Nimr, il sied mal au régime saoudien et aux pays du Golfe, dont le territoire abrite maintes bases militaires américaines et que l’Occident inonde de ses armes, de les accuser d’obtenir une quelconque aide de l’Iran, qui ne peut consister qu’en un soutien moral. Nimr al-Nimr était donc un authentique opposant politique national, au sens le plus noble du terme. C’est pourquoi Amnesty International a clairement dénoncé « un procès politique et inique » et une instrumentalisation de questions annexes :
« Les autorités saoudiennes ont indiqué que les exécutions avaient pour but de combattre la terreur et de préserver la sécurité. L’exécution de Nimr al-Nimr en particulier semble toutefois indiquer qu’elles recourent également à la peine de mort sous couvert de lutte antiterroriste pour régler des comptes et écraser la dissidence. »
Pourquoi le régime saoudien a-t-il décidé d’exécuter Nimr al-Nimr dans ce contexte particulier ? Certainement par dépit face à l’échec de sa campagne au Yémen, qui se révèle un échec spectaculaire malgré 9 mois de guerre sans merci d’une coalition des pays arabes les plus riches – soutenus par l’Occident – contre le plus pauvre d’entre eux, dans laquelle l’Arabie Saoudite ne parvient même pas à défendre son propre territoire contre les frappes et incursions yéménites régulières qui déciment ses troupes. De même, les investissements et espoirs de l’Arabie Saoudite en Irak et surtout en Syrie sont partis en fumée depuis l’intervention russe, Daech – dont Saoud est le père, le wahhabisme la mère et l’Occident l’entremetteur – battant en retrait sur tous les fronts. Ces dépenses colossales, conjuguées à la chute des prix du pétrole, grèvent l’économie saoudienne et lui imposent des réformes, si bien que ses dirigeants sanguinaires sont réduits à des actes de vengeance tels que l’exécution de Nimr al-Nimr et davantage de destructions et de crimes contre la population civile au Yémen où Riyad a annoncé la fin du cessez-le-feu, espérant inculquer la terreur à tous et étouffer toute revendication par ce message sanglant.

Qu’en est-il de la question sectaire et de la « rivalité » entre l’Arabie Saoudite « sunnite » (disons plutôt wahhabite) et l’Iran chiite ? Il est évident que l’Arabie Saoudite, qui, depuis la Révolution Islamique d’Iran en 1979, a dépensé des milliards de dollars pour inonder le monde musulman de diatribes anti-chiites, calomniant sans vergogne les adeptes de cette école et présentant l’Iran comme le principal ennemi du monde arabo-musulman (bien avant les Etats-Unis ou Israël), n’a cessé de faire tout son possible pour donner cette coloration sectaire aux conflits. La propagande de Daech recrute des « djihadistes » pour combattre en Irak et en Syrie par ces mêmes procédés, en persuadant des brutes conditionnées par des décennies de propagande wahhabite qu’ils défendront la pureté originelle de l’Islam contre les « innovateurs chiites et alaouites » qu’il faudrait passer par le fil de l’épée. Ce discours, galvanisé par les desseins de Washington, Londres et Paris au Moyen-Orient et leurs ressources et moyens illimités, a pu toucher des dizaines de milliers de fanatiques au début de la crise syrienne, mais il a beaucoup perdu de son impact au contact de la réalité du terrain, surtout depuis que les crimes indiscriminés des terroristes takfiris ont été révélés au grand jour. La grande majorité de leurs victimes sont en effet des sunnites, et dès le début de la crise en 2011, notamment en Syrie où la majorité de l'armée loyaliste est sunnite, toutes les ethnies, religions et sectes ont combattu Al-Qaïda, Daech et autres côte à côte, de même qu’elles ont coexisté pacifiquement pendant des siècles. Ce nouvel acte barbare de l’Arabie Saoudite pourrait également constituer un acte de provocation visant à raviver ces tensions sectaires et rallier le monde sunnite derrière elle, à l’instar de sa rupture des relations diplomatiques avec l’Iran consécutive à l’attaque contre son ambassade à Téhéran.

Quelle est la place réelle de la religion dans tout cela ? Il en va pour ces guerres comme pour toutes les guerres précédentes : la religion n’en est jamais le véritable mobile, mais elle n’est qu’un simple prétexte pour cacher des desseins purement politiques, des luttes d’influence et de pouvoir, entre des aspirations à l’indépendance et à la liberté et des volontés d’hégémonie et de domination, aux échelles des nations, de la région et du monde. Pour se convaincre du fait que la « rivalité » entre l’Iran et l’Arabie Saoudite est de nature politique et aucunement religieuse, il suffit de rappeler que si l’Iran est une République Islamique depuis 1979, elle est chiite depuis le XVIe siècle. Lorsque l’Iran, sous le Shah Muhammad Redha Pahlavi, était le principal allié des Etats-Unis et le « gendarme du Moyen-Orient », n’était-il pas l’allié et même le maître des Saoud ? L’actuel roi d’Arabie Saoudite, Salmane b. Abd-al-Aziz al-Saoud, n’a-t-il pas lui-même accueilli le Shah en dansant au début des années 1970 ? Le Shah n’était-il pas un perse, n’était-il pas prétendument un chiite ? L’Arabie Saoudite n’était-elle pas wahhabite ? Certes si. Mais cela ne posait aucun problème, car l’essentiel était sauf, à savoir les liens de vassalité mutuels envers les Etats-Unis et leur politique impériale et néocoloniale au Moyen-Orient, dont Téhéran et Riyad, tout comme Tel-Aviv, étaient de fidèles agents. Il est donc absurde de prétendre que les questions sectaires constituent la base de la rivalité entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, qui ne date que de 1979, année de la Révolution de l’Imam Khomeini qui a transformé l’Iran en une puissance indépendante, anti-impérialiste et internationaliste, ennemie implacable des Etats-Unis, tout comme Cuba en 1959, face auxquels Washington craignait un « effet domino » du souverainisme triomphant qui a bel et bien eu lieu en Amérique Latine, et qui est en cours au Moyen-Orient. C’est alors qu’il a fallu combattre l’Iran, au prétexte de la « lutte contre le chiisme » pour l’Arabie Saoudite, de la « lutte contre les Perses » pour l’Irak de Saddam Hussein (la population irakienne étant majoritairement chiite, le prétexte sectaire était impensable), et de la « lutte contre le fondamentalisme » ou la « prolifération nucléaire » pour les Etats-Unis. 

Nimr al-Nimr dénonçait vivement cette imposture dans son discours, s’adressant aux Saoud et condamnant leurs politiques séditieuses tant à l’intérieur du pays que dans la région :
« Nous ne voyons aucun problème entre les sunnites ou les chiites, entre les différents pays sunnites et l’Iran. Le seul problème c’est vous, et vous vous moquez du monde [en instrumentalisant cette prétendue rivalité sectaire]. Il n’y a pas de problèmes entre les sunnites et les chiites, ce ne sont que des mensonges et des falsifications dont vous vous servez pour tromper les ignorants d’entre vos partisans et les brutes qui se prétendent ‘salafistes’ : les ‘salafistes’ de Nayef, les ‘salafistes’ des Saoud, qui n’accordent aucune considération à la religion, le ‘salafisme’ qui se base sur le meurtre, le viol de l’honneur, la trahison, le collaborationnisme avec les Etats-Unis, tel est leur ‘salafisme’. Tels sont les Saoud. »
Par sa foi en la lutte non-violente et en la force invincible d’une parole de vérité face à la plus rétrograde, à la plus impitoyable des tyrannies, Nimr al-Nimr incarnait de manière exemplaire l’aspiration des peuples arabes à la démocratie et à la dignité. Bien que la condamnation de son exécution ait été assez tiède en Occident, se réfugiant souvent derrière de timides condamnations de principe de la peine de mort, tous les partisans authentiques du droit à l’auto-détermination des peuples et de la liberté d’expression peuvent considérer Nimr al-Nimr comme un martyr et en porter le deuil.

Sayed Hasan

State of emergency: the Gravediggers of the French Republic

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By Sayed Hasan

Source : http://sayed7asan.blogspot.fr/2015/12/etat-durgence-les-fossoyeurs-de-la.html
Translated from French by Jenny Bright



“It is theterrorism that threatens our freedom today. It is not the state of emergency. I repeat: the state of emergency does not mean the abandonment of the rule of law. We are fighting terrorism, and we will defeat it, with the arms of the Republic, of democracy, with the strength of our values, our principles and our republican principles of law.” So said the smooth-talking French Interior Minister Bernard Cazeneuve on December 2, 2015 before announcing the results of the “exceptional measures” permitted by the state of emergency, taking care not to specify, for the some 10% of searches that would have led to seizures, detainment and/or legal actions, how many of them were actually related to terrorism. 

It was revealed since that almost all seizures and indictments concerned offenses and crimes very far from planning acts of terror and/or “radical Islam” – such as drug trafficking, banditry, etc., and to date, despite the thousands of wrecked homes, the places of worship desecrated and above all the countless innocent lives left traumatized or even ruined, no “terrorist” has been arrested, nocell” has been dismantled. A resounding failure in all, at least if one considers that this is indeed, first and foremost, about fight against terrorism, which all the same requires a strong dose of credulity. 

In 1990, in his novelLe Bouclage (The Sealing Off),Vladimir Volkoff[1]had already described such methods: impose on a whole “sensitive” neighbourhood a state of siege, intern and file its people and search their homes from top to bottom, on the pretext of an imminent terrorist attack, which will be “heroically” foiled by the elimination of a criminal organization that was under longstanding close surveillance, but which the location and neutralization of will retroactively constitute the official pretext for the entire operation. It will allow the imprisonment of some offenders previously elusive through legal channels, and above all to summon the entire population to the due veneration towards the Nation, Order and Security. A dastardly plot of which the author, a visceral anticommunist and Islamophobe and flatterer of American imperialism, seemingly a supporter of torture, openly monarchist, was a proselyte, but our current government has clearly seen the wider picture and extended its Gestapo measures to the whole territory, in addition to having established them for an absolutely senseless term – and one that is indefinitely renewable.

The fight against the terrorism of Daesh, which our country openly allied itself to in Syriaand before that in Libya, is clearly a pretext to restrict the freedoms and force terror on the population, to silence any “dissident” voices, any political or social protest. And of course, Muslims and descendants of immigrants as a whole are a primary target, either to destroy what remains of theirforeign”culture orto woo voters of the far-right National Front. Especially as in order to create a “SacredUnion”, a common enemy can act as a political project, and the more spectacular the acts and measures, the harder it will be for the masses to reflect and consider. All these measures are obviously another attempt of the most discredited government in the history of the French Republic to improve its image, legitimately and irreparably tarnished, but through which we can perceive – and this is the only thing that can reassure us – the convulsive spasms of an agony foreseen to be devastating.

“The Al Nosra Front is doing a good job in Syria.” (Laurent Fabius, French Foreign Minister) 
“...It's doing a good job in France too!” (Al-Baghdadi)


The supposed fight against terrorism is clearly a terrible deception, eminently absurd moreover, both in terms of its postulates and principles – who can believe that all these measures can discourage or hinder in the slightest the action of seasoned terrorists, determined to die at gunpoint – and in terms of its results. But even if it had any efficacy and contributed occasionally to protect the lives of citizens (in a purely quantitative sense, since it is difficult to conceive of a healthy life after the unprecedented violence of a police search, or while living in the fear of it, especially since it targets innocent Muslim families, political and trade union activists, etc. ; let us remember that Winston Churchill said that “Democracy means that if the doorbell rings in the early hours, it is likely to be the milkman...), it would be the duty of any person attached to republican values ​​to denounce its arbitrariness and fight it.

Terrible though it may be, the prospect of a terrorist attack remains that of a criminal act perpetrated by individuals, madmen, fanatics, who destroy human lives in an atrocious way, but it constitutes a violence that retains the status of accident within a society – as opposed to asystemic or structuraldeterioration. Terror acts are not committed by State officials, by law enforcement, and as such are comparable to acts of banditry, with their share of innocent victims, albeit collateral, which does not fundamentally change things. Terrorism and banditry are committed by individuals who place themselves beyond the law and may threaten the life of any citizen, but in no way threaten society as a whole or in its foundations: while criminals flout, defy and trample it, the law stands still for all other citizens and the whole of society. But when the State apparatus, which, according to the famous definition of Max Weber, holds the “monopoly on legitimate violence, itself abolishes the rule of law and is guilty of such abuses of persons, regardless of the reason or rather the pretext, giving to arbitrary and illegitimate violence the force of law, it is the very foundations of democratic society that are undermined. The State, which has been constituted so as to ensure the freedom, the safety and the welfare of citizens (and in the Western philosophical tradition, freedom is its supreme goal), becomes the very body that tramples the basic rights of all citizens, without any possible resistance, without any resort or appeal, which should be considered far more serious, far more dangerous than November 13th, January 7th or even September 11th. Despite what MrCazeneuve says, while terrorism may actually threaten our lives, only the State can be a real threat to our freedoms.

The maxim that guides the French government’s action, and which is seemingly, tacitly or explicitly, approved by all of the political class, the media, and much of the French population, isthis: the most valuable asset of man is not freedom, but security, and it would be quite natural and sane to sacrifice some freedoms for more security. An idea which constitutes a death certificate for republican values, and could even cause us to wonder, disregarding the extremely marginal nature of the French Resistance, if it was worth the fight against the Nazi occupation. In the words of Benjamin Franklin, one of the founding fathers of the United States,Those who would give up essential Liberty, to purchase a little temporary Safety, deserve neither Liberty nor Safety [and end up losing both].” And as we have seen, if the violations of the freedoms allowed by the state of emergency are gross and vile, bordering on totalitarianism, temporary security gains made ​​are minute at best, and at worst and in full likelihood, are negative, because the targeting of a whole category of citizens can only feed tensions, further divide society and give more credit to extremist discourse and actions, and thus promote the recruitment ofDaesh and other violent organizations. Even the Judiciary Union had denounced the state of emergency in an unusually vehementstatement.

The security escalation, denial of rights and the emergency measures that affect all citizens cannot reduce violence and extremism : on the contrary, such measures are inflammatory and, while pretending to be their cure, enter them insidiously into our lives. These are elementary truths, although stifled by the surrounding political and media hype. Goebbels himself theorised, “If you tell a lie big enough and keep repeating it, people will eventually come to believe it.” And he would have added: “The lie can be maintained only for such time as the State can shield the people from the political, economic and/or military consequences of the lie. It thus becomes vitally important for the State to use all of its powers to repress dissent, for the truth is the mortal enemy of the lie, and thus by extension, the truth is the greatest enemy of the State.” Our government seems to have understood this, as it is considering measures that would make France a police state that dictatorships have nothing to envy, by muzzling freedom of expression and information, by attacking privacy, and inscribing the state of emergency into the Constitution, in order to sustainably and totally control the whole population – not to mention the deprivation of nationality for dual citizens, which violates the very idea of equal rights and justice. George Orwell, here we are.

Faced with this relentless state violence, what can we do, if not make use of the freedoms we still have? Reject it in principle, and, in deed, denounce it as much as possible. Show our solidarity to all the victims of these unacceptable and outrageous measures, which is a civic and humanitarian duty. Never (again) to compromise by voting for individuals or groups who backed these totalitarian measures, so that at least they cannot claim to act in our name. 

Ultimately, let us remind ourselves of the words of Henry David Thoreau, theorist of civil disobedience: “Under a government which imprisons any unjustly, the true place for a just man is also a prison.

To the raiders: the key is under the doormat!!!

#RaidMe



 


[1]Vladimir Volkoff, French novelist of Russian origin whose parents were exiled after the 1917 Revolution, French intelligence officer in Algeria, won the French Academy prize in 1982 following an anti-Soviet spy novel, had in particular these words: “Why should we care about the outcry? Let us do like the Israelis in Palestine, Thatcher in the Falklands and Reagan in Granada!... The real enemy of the police officer is not the villain nor the villains' lawyer but the judge... This country loves right-wing politics with a left-wing label.” Le Bouclage, Fallois Press, L'Age d'Homme, Lausanne, 1990, pp.117, 199, 584. And let's also mention this: “The French are runaways, they mostly ran in 1940, many of their intellectuals licked the boots of the Communists for forty years, and the more masochistic continue with Islam.” The Berkeley at five, Fallois Editions and L'Age d'Homme, Paris and Lausanne, 1994, p. 7. He is above all the author of an excellent series of books for youths, Langelot.

Lettre ouverte à tous les jeunes musulmans

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L’adversité est le meilleur moyen de triompher

Par Ramzy Baroud, le 31 décembre 2015
Ramzy Baroud

Source : CounterPunch
Traduit par Diane, vérifié par Ludovic, relu par Literato pour le Saker Francophone




Lorsque j’étais petit garçon, je rêvais de renaître hors de la misère du camp de réfugiés de Gaza, à une autre époque et en un autre lieu, où il n’y aurait pas de soldats, pas d’occupation militaire, pas de camps de concentration et pas de corvée quotidienne – mon père luttant pour notre survie et ma mère s’efforçant de compenser l’humiliation de la vie par son amour constant.

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Lorsque j’ai grandi et que j’ai reconsidéré mes fantasmes d’enfant, je suis arrivé à une conclusion tout à fait différente : si je le devais, je recommencerais tout à l'identique, je ne changerais pas mon passé, ou du moins j’essaierais. J’embrasserais chaque instant, je revivrais chaque larme, chaque perte et je chérirais chaque triomphe, même modeste.

Lorsque nous sommes jeunes, nos aînés échouent souvent à nous dire que nous ne devrions pas craindre la souffrance et les difficultés ; que rien ne peut être aussi stimulant pour la croissance de l’identité de quelqu’un, pour le sentiment d’avoir un but dans la vie et la libération de l’esprit humain que la lutte contre l’injustice. C’est vrai, on ne devrait jamais intérioriser la servitude ni porter sa condition de victime comme si c’était une médaille ; car le moindre acte de résistance à la pauvreté, à la guerre ou à l’injustice, quelle qu’elle soit, est le premier critère et le plus essentiel pour préparer quelqu’un à une existence plus riche de sens et à une vie meilleure.

Je dis cela parce que je comprends ce que beaucoup d’entre vous doivent vivre. Ma génération d’habitants des camps de réfugiés en a fait l’expérience dans son expression la plus violente que vous puissiez imaginer. Ce sont des années difficiles et exigeantes pour la plus grande partie de l’humanité, mais d’autant plus pour vous, jeunes musulmans, en particulier. Entre le racisme des politiciens et des partis américains et européens, le sentiment anti-musulman qui s’étend dans la plus grande partie du monde, propagé par des individus égoïstes aux projets sinistres, jouant sur les peurs et l’ignorance des gens, et la violence et la contre-violence infligées par des groupes qui se définissent eux-mêmes comme des musulmans, vous vous retrouvez enfermés dans une prison de stéréotypes, de discours de haine des médias et de violence, visés, étiquetés et, de manière imméritée, craints.

La plupart d’entre vous êtes nés ou ont grandi dans ce confinement social et politique et vous ne vous souvenez pas d’un moment particulier dans votre passé où la vie était relativement normale, où vous n’étiez pas le bouc émissaire pratique pour beaucoup de ce qui avait mal tourné dans le monde. En fait, sciemment ou non, vos caractères ont été façonnés par cette réalité pénalisante, où vous subsistez entre accès de colère contre la maltraitance que vous subissez et tentatives désespérées de vous défendre, de vous débrouiller pour votre famille et de défendre votre communauté, votre culture et votre religion.

Plus important, vous continuez à lutter, au quotidien, pour développer un sentiment d’appartenance, de citoyenneté dans des sociétés où vous vous sentez souvent rejetés et exclus. Ils demandent votre assimilation, et pourtant vous repoussent chaque fois que vous vous rapprochez. C’est apparemment une tâche impossible, je sais.

Et peu importe ce que vous faites, vous n’avez pas encore ouvert une brèche dans la représentation injuste de qui vous êtes et des nobles valeurs que défend votre religion. Leur racisme semble croître, et toutes les flèches de leur haine persistante pointent l’Islam, malgré vos tentatives passionnées de les convaincre du contraire.

En fait, vous avez de la peine à comprendre pourquoi l’Islam, en effet, fait partie de ce débat au premier chef. L’Islam n’a jamais invité les États-Unis à entrer en guerre au Moyen-Orient, à changer vos civilisations et à tourmenter des musulmans en d’autres endroits du globe.

L’Islam n’a jamais été consulté lorsque Guantánamo a été construit pour servir de goulag en dehors des règles de protection des droits humains et du droit international.

L’Islam est à peine un sujet de discussion alors que les parties belligérantes, prônant des agendas politiques entièrement voués à leurs propres intérêts, se battent pour l’avenir de la Syrie, de l’Irak, du Yémen ou de l’Afghanistan, et ainsi de suite.

L’Islam n’était pas le problème lorsque la Palestine a été envahie par les milices sionistes, avec l’aide des Britanniques et, plus tard, des Américains, transformant la Terre sainte en un champ de bataille pendant la plus grande partie du siècle dernier. Les répercussions de cet acte ont scellé le destin de la région, la faisant passer d’une paix relative à la guerre et aux conflits perpétuels et répugnants.

La même logique peut être appliquée à tout ce qui est allé de travers, et vous vous êtes souvent souvent étonnés vous-mêmes à ce propos. L’Islam n’a pas inventé le colonialisme et l’impérialisme, mais a incité les Asiatiques, les Africains et les Arabes à combattre ce terrible fléau. L’Islam n’a pas inauguré l’époque de l’esclavage de masse, bien que des millions d’esclaves américains et européens aient été eux-mêmes musulmans.

Vous essayez de leur dire tout cela, et vous insistez sur le fait que les goûts des groupes pervers comme ISIS ne sont pas un produit de l’Islam mais un sous-produit de la violence, de la cupidité et des interventions étrangères. Mais ils n’écoutent pas, ripostant avec des versets sélectifs de votre Livre saint, qui étaient conçus pour des contextes et des circonstances historiques spécifiques. Vous partagez même de tels versets du Coran avec tous vos contacts sur les réseaux sociaux : « Celui qui tue une personne, c’est comme s’il avait tué toute l’humanité ; s’il sauve une vie, c’est comme s’il avait sauvé toute l’humanité… » (Sourate 5 ; verset 32), dans l’espoir de faire un peu comprendre le caractère sacré de la vie humaine dans votre religion, mais un changement d’attitude fondamental est encore à venir.

Donc vous désespérez, du moins quelques-uns d’entre vous. Certains de ceux qui vivent dans les pays occidentaux cessent de partager avec d’autres le fait qu’ils sont musulmans, évitant toute discussion qui pourrait entraîner leur mise au ban de sociétés toujours plus intolérantes. Certains de ceux qui vivent dans des pays majoritairement musulmans, malheureusement, luttent contre la haine avec la haine d’eux-mêmes. De toute façon, ils oscillent entre la haine des autres et la haine d’eux-mêmes, la crainte et l’apitoiement sur eux-mêmes, l’apathie forcée, la rage et le dégoût d’eux-mêmes. Avec le temps, un sentiment d’appartenance est devenu inatteignable et, comme moi quand j’étais plus jeune, vous vous demandez comment cela aurait été si vous aviez vécu à une autre époque, dans un autre lieu.

Mais, au milieu de tout cela, il est vital de nous rappeler que les fardeaux de la vie peuvent offrir les meilleurs leçons de croissance personnelle et collective.

Vous devez comprendre qu’il existe encore un groupe de gens à qui ont été évités les procès collectifs de l’histoire : un groupe qui n’a pas souffert des persécutions, du racisme, d’une guerre apparemment perpétuelle, du nettoyage ethnique et de tous les maux contre lesquels les musulmans protestent de bon droit aujourd’hui, de la Syrie à la Palestine jusqu’à l’Amérique de Donald Trump. Cela ne les rend pas okay, mais c’est un rappel important que vos difficultés ne sont pas uniques parmi les nations. C’est le moment de comprendre qu’il pourrait être temps pour vous d’apprendre quelques-unes des leçons les plus précieuses de la vie.

Pour surmonter cette épreuve, vous devez d’abord être tout à fait clairs sur ce que vous êtes ; vous devez être fiers de vos valeurs, de votre identité ; vous ne devez jamais cesser de combattre la haine avec l’amour, de tendre la main, d’éduquer, d’appartenir. Parce que si vous ne le faites pas, alors le racisme gagne et vous perdez cette occasion irremplaçable de croissance individuelle et collective.

Parfois, je plains ceux qui sont nés avec des privilèges : bien qu’ils aient accès à l’argent et aux possibilités matérielles, ils peuvent rarement apprécier le type d’expériences que seules la misère et les souffrances peuvent offrir. Rien ne s’approche de la sagesse née de la douleur.

Et si jamais vous faiblissez, essayez de vous rappeler : Dieu « n’impose à aucune âme une charge plus lourde que celle qu’elle peut porter » (Chapitre 2, verset 286).

Ramzy Baroudécrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en matière de médias, auteur de plusieurs livres et fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier ouvrage est My Father Was a Freedom Fighter : Gaza’s Untold Story (Pluto Press, London). Son site : ramzybaroud.net

Voir également :

Lettre de Sayed Ali Khamenei à la jeunesse occidentale suite aux attentats terroristes à Paris

Lettre ouverte aux identitaires et autres « remigrationnistes », par un Français de confession musulmane 

Execution of Nimr al-Nimr, Saudi Arabia and Iran: religious or political conflicts?

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By Sayed Hasan

Translated from French by Jenny Bright


“Since ourbirth, we are subjected to oppression, intimidation, persecution and terror, so that even the walls frightened us. Even the walls! Is there anybody who has not suffered injustice and oppression in this country? I am over 50 years old, that's half a century. Since I was born, I never felt safe in this country, in no part of it, since my childhood. We are continually accused, threatened and attacked from all sides...Our chests will stay bare against your bullets and our hands will remain empty (unarmed), but our hearts will remain full of faith... We have only one alternative:to live on this land as free and dignified men, or be buried with honours (after martyrdom)... We will never cease to denounce your oppression and claim our rights.”
Nimr al-Nimr, 7 October 2011.


The Western media and the Arab world have widely reported the execution by beheading of Shi'a cleric Nimr Baqer al-Nimr and 46 other Saudi – mostly Sunnis – accused of terrorism and/or sedition. They also emphasized the virulent reactions of the Shiite world, from Sayed Ali Khamenei, Supreme Leader of the Islamic Republic of Iran, to Sayed Hassan Nasrallah, the Secretary General of Hezbollah (who went as far as talking of a death certificate for the dynastic rule of the Saud), via that of Sayed Ali Sistani, the highest religious authority of Iraq. Even if it was hardly mentioned, other bodies, movements and personalities have condemned the execution, in Iraq, in Pakistan, in India, in Yemen, in Bahrain and in Lebanon, including the Iraqi Council of Fatwas (Sunni), the Palestinian PFLP and human rights organisations Amnesty International and Human Rights Watch.
The emphasis was focused on the sectarian nature of the event, often seen in the context of a “growing gap” between Sunnis and Shiites, especially between Saudi Arabia, birthplace of Islam and the “heart” of Sunnism, and Iran, the spiritual heart of Shiism, in an apparent power struggle for domination of the Middle East. The age old conflict between “Sunnis” or “loyalists” of the “School of the Caliphs” (Companions who led the Muslim world after the death of the Prophet) on the one hand, and the “Shiites” or “supporters” of the “School of the Household” (Imams of the lineage of the Prophet, figures of the “opposition”) on the other hand, is very often presented as the key for understanding the ruthless struggles and wars that have torn the region. And this until the US-Saudi coalition which has been devastating for 9 months Zaydi Yemen – a minority branch of Shiism –, and the fight against Daesh which a “traditional” alliance would be opposed to (North America and Europe combined with Saudi Arabia and other Sunni Gulf oil monarchies) and an “orthodox” alliance (Shiite Iran, Iraq and Hezbollah, Alawite Syria – another minority branch of Shiism – and Russia).
But these analyses, overly simplistic, reflect a misunderstanding of the history of the Arab-Muslim world and the geopolitics of the Middle East, and are based on fallacious assumptions that do not withstand scrutiny. And, tellingly, they do not even pose the necessary questions, namely, as we are talking about the execution of an important religious figure, those of the alleged, suspected and/or probable motivations of that act, moreover in such a context, as Nimr al-Nimr had been imprisoned since July 2012 and sentenced to death for over a year.
So who was Nimr al-Nimr? He was indeed a Shiite religious figure (a “Sheikh”), who had followed a theological curriculum in Iran and Syria before returning to preach in his home province of Qatif, in Saudi Arabia. But first of all, it must be emphasized that the sole qualifier of “religious” is insufficient to describe Nimr al-Nimr, as secularism does not reign in the Muslim World, with many major political figures being clerics (Hassan al-Banna, Sayed Qutb, Ruhullah Khomeini, Hassan Nasrallah, etc.), especially after (successful) Western efforts to marginalise and/or destroy secular leaders and States (Nasser's Egypt, Saddam Hussein's Iraq , Gaddafi's Libya, Bashar al-Assad's  Syria), with the results we are familiar with. Nimr al-Nimr must certainly be regarded as a religious preacher, but also, undeniably, as a major politicalfigure of the opposition, very popular among the youth, and having an influence way beyond his sect and his country, thanks to his charisma and his courage against the flagrant injustices of Saudi society.

Nimr al-Nimr denounced with great virulence the Saudi Dynasty and called for reforms and a democratisation of the country, faced with a medieval monarchy which, as everyone knows, considers human rights, freedoms in general and freedom of speech in particular, as heresies, and, let it be emphasised, punishes heresy with the edge of the sword and crucifixion. Nimr al-Nimr was often imprisoned, and certainly tortured, for his vehement declarations and his participation in peaceful demonstrations despite the violence which citizens were subject to, repression using live ammunition, abusive arrests, torture, etc. In 2012, the British newspaperThe Guardian described this situation as “the least reported conflict in the Middle East”,explaining that the Western media omertà on the Saudi “Arab Spring” is due to energy contracts and huge arms deals made with this oil monarchy by Washington and London – and Paris –, of which it is a strategic ally.
The human rights situation in Saudi Arabia is described in these terms by Amnesty International in its 2014-2015 report:
“In the Gulf, authorities in Bahrain, Saudi Arabia and the United Arab Emirates (UAE) were unrelenting in their efforts to stifle dissent and stamp out any sign of opposition to those holding power, confident that their main allies among the western democracies were unlikely to demur. ... [In Saudi Arabia,] the government severely restricted freedoms of expression, association and assembly, and cracked down on dissent, arresting and imprisoning critics, including human rights defenders. Many received unfair trials before courts that failed to respect due process, including a special anti-terrorism court that handed down death sentences. New legislation effectively equated criticism of the government and other peaceful activities with terrorism. The authorities clamped down on online activism and intimidated activists and family members who reported human rights violations. Discrimination against the Shi’a minority remained entrenched; some Shi’a activists were sentenced to death and scores received lengthy prison terms. Torture of detainees was reportedly common; courts convicted defendants on the basis of torture-tainted “confessions” and sentenced others to flogging… The government did not permit the existence of political parties, trade unions and independent human rights groups, and it arrested, prosecuted and imprisoned those who set up or participated in unlicenced organizations....All public gatherings, including demonstrations, remained prohibited under an order issued by the Interior Ministry in 2011. Those who sought to defy the ban faced arrest, prosecution and imprisonment on charges such as “inciting people against the authorities”.”
As we see, it is at the peril of his life – and that of his family – that anyone engages in politics in Saudi Arabia.
Nimr al-Nimr was a major figure in this popular protest movement that called for the respect of human rights and more freedoms, and despite the provocations and abuses to which the demonstrators were subject, including his nephew of 17 years who was also arrested, tortured and sentenced to death – he is still awaiting execution –, he remained a staunch supporter of non-violence. It should be noted that the same applies to the protest movement in Bahrain that has continued since 2011 and whose leaders have maintained a peaceful nature despite the bloody repression and intervention of the Saudi armed forces – against which many protests were organized even in Saudi Arabia, with the active participation of Nimr al-Nimr. In Bahrain as in Saudi Arabia, the demonstrators demanded primarily a democratization of the country, like other spontaneous popular uprisings of the “Arab Spring”, in particular Tunisia and Egypt. But while these movements were widely relayed by Arab and Western media, which was generally sympathetic to these legitimate demands, the popular movements in Bahrain and Saudi Arabia have been ignored and/or denounced as sectarian demands, solely on the pretext of the large proportion of Shiites who participate. Recall that 15% of the Saudi population is Shiite, concentrated in strategic oil areas in the east of the country where it is the majority, and 60% of the population of Bahrain, and they face Wahhabi monarchies – an extremist and marginal branch of Sunni Islam that considers Shi'ism (and many schools of Sunnism) as heresies worse than democracy, freedom, etc.
Popular movements in Saudi Arabia and Bahrain are not sectarian, and do not demand more rights only for Shiites – although these populations are particularly marginalized and oppressed – but for the entire population, bullied as a whole by the tyrannical ruling dynasties, the Saud and Al-Khalifa. This is what Nimr al-Nimr declared on October 7, 2011:
“We have three key demands: political reforms in the direction of more freedom and dignity for the people, the release of political prisoners arrested for their mere participation in demonstrations, some of whom have been imprisoned for over 16 years, and the end of repression in Bahrain.”
Are these sectarian claims, chapel quarrels? Certainly not: it is indeed a genuine movement for freedom and respect for human rights. And it could not be otherwise: since Shias are a minority in the Islamic world, and are still the main targets and victims of sectarian discourse, Shiite leaders are very vigilant on these issues, avoiding all sectarian notions and advocating Islamic and civic unity, denouncing any seditious speeches and any idea of division, secession or armed struggle, accusations traditionally made ​​against them to discredit them with the rest of the population and justify their bloody repression.
It is absurd, outrageous and irresponsible to give a sectarian characterization to these demands for democracy for the sole reason that, in fact, they would allow better representation for Shiites, which is characteristic of any representative democracy. As such, any claim of democracy could be caricatured as the simple manifestation of partisanship because it would be enough to point to the political (and/or religious) colour of protesters or spokespersons of these movements to deny their legitimate and universal character. One could even say, a little more abusively, that this would amount to give a sectarian nature to an act of banditry after discovering that the perpetrator was Sunni and the attacked Shiite, or vice versa, even though none of them knew it and that the motive was obviously purely material. And even if the thief and/or murderer argued (rightly or wrongly) from a sectarian identity to rally gullible accomplices, would the leading cause not remain the material gain?
Nimr al-Nimr only referred to his sectarian affiliation in order to inspire unity, as he did in this same speech of October 2011:
“Who claimed that the Shiites are the only ones being oppressed? Should we remain silent because we are not the only victims of arrests and repression? But it's even worse! How would this be an excuse(for the regime)? Should we tolerate them(unjustly) arresting Sunnis? On what basis? Why do they arrest thousands of people (Sunni and Shiite)? We are all victims (of this regime). Where is the money, where are the billions? Unemployment, imprisonment, deprivation affect the entire population... We will continue to demand the rights of all the oppressed.” 
He also denounced sectarian allegiances, recalling that since Islam abhorred any kind of oppression, the responsibility of a Muslim is to dissociate from any oppressor, whatever he is: Saud and al-Khalifa families first, until the al-Assad family, both Sunni and Shia are innocent of the crimes of these ruling families, and must condemn them on pain of being accomplices, he affirmed in December 2011, concluding that the oppressed must unite against their oppressors. Finally, Nimr al-Nimr was a fierce defender of the Palestinian cause, and called his government to send its armed forces against Israel instead of attacking Bahrain.
Some media have talked about the “provocative” character of the speeches of Nimr al-Nimr, but these are absurd or even indecent “oratorical precautions” that seem to ignore the massive and unprecedented violence, physical, not verbal, to which they are a response. In one of his last speeches dating from June 22, 2012, two weeks before his arrest, Nimr al-Nimr evoked the death of Prince Nayef, Minister of Interior and heir to the throne, by explicitly stating that the only reaction possible in the face the disappearance of the murderer, torturer and jailer of their children – including members of his own family – was to glorify God and rejoice, only the “Angel of Death” being able to reach these absolute monarchs who claim the throne in life. A statement that is entirely “proportionate”, to use a term dear to our political and media men, and that certainly does not justify the withering epithet “provocative” against cold-blooded despots, murderers and torturers: on the contrary, in such conditions of oppression, rather it is his wisdom and moderation that should be praised, as he has always rejected calls to violence and sedition which they strove to drive him to, and has always been a strong advocate of peaceful dissent.
The accusation of being an “Iranian agent”, an instrument of Persian “expansionism” – although Iran has not committed any act of aggression since the nineteenth century – was also brought against him. But his denunciation of the Syrian regime, strategic ally of Tehran, is an eloquent sign of his independence, repeatedly claimed, and witnessed by the United States themselves according to Wikileaks. Moreover, Nimr al-Nimr has shown the inanity and contradictions of this unsubstantiated accusation, recalling that oppression against the Shiites, inherent in Wahhabism, came well before the Islamic Revolution. Such persecutions have occurred since the establishment of the first Saudi State following the alliance of Muhammad Ibn Abd al-Wahhab, and the House of Saud in the eighteenth century and lasted until this day, extending to the entire population, as clearly indicated the Amnesty International report. And besides, Nimr al-Nimr pointed out, it ill becomes the Saudi regime and the Gulf countries, whose territory is home to many US military bases and the West flooded its weapons, to accuse them of getting any help from Iran, which can consist only of moral support. Nimr al-Nimr was therefore a genuine national political opponent, in the noblest sense. That is why Amnesty International has clearly denounced “a political and grossly unfair trial” and a manipulation of related questions:
Saudi Arabia’s authorities have indicated that the executions were carried out to fight terror and safeguard security. However, the killing of Sheikh Nimr al-Nimr in particular suggests they are also using the death penalty in the name of counter-terror to settle scores and crush dissidents.”
Why did the Saudi regime decide to execute Nimr al-Nimr in this particular context? Definitely out of spite at the failure of their campaign in Yemen, which reveals itself as a spectacular failure despite the 9 months of war without mercy from a coalition of the richest Arab countries – supported by the West – against the poorest of them, in which Saudi Arabia cannot even defend its own territory against the regular Yemeni strikes and incursions decimating their troops. Similarly, the investments and hopes of Saudi Arabia in Iraq and especially in Syria went up in smoke since the Russian intervention, Daesh – which Saud is the father of, Wahhabism the mother, and the West the matchmaker – beating a retreat on all fronts. These colossal expenditures, combined with falling oil prices, strain the Saudi economy and impose reforms on it, so that its leaders are reduced to bloody acts of revenge such as the execution of Nimr al-Nimr and more destruction and crimes against the civilian population in Yemen, where Riyadh announced the end of the cease-fire, hoping to instill terror in all and stifle any demands with this bloody message.
What about the sectarian issue and the “rivalry” between “Sunni” Saudi Arabia (or rather Wahhabi) and Shiite Iran? It is clear that Saudi Arabia, which, since the Islamic Revolution of Iran in 1979, has spent billions of dollars flooding the Muslim world with anti-Shiite diatribe, shamelessly slandering the followers of this school and presenting Iran as the main enemy of the Arab-Muslim world (well before the United States or Israel), has continued to do everything possible to give this sectarian colour to the conflicts. The propaganda of Daesh recruits “jihadists” to fight in Iraq and Syria by the same processes, persuading brutes conditioned by decades of Wahhabi propaganda to defend the original purity of Islam against the “Shiite and Alawite innovators” who must be driven through with the sword. This speech, galvanised by the plans of Washington, London and Paris in the Middle East and their unlimited means and resources, could have affected tens of thousands of fanatics at the beginning of the Syrian crisis, but it has lost much of its impact on contact with reality on the ground, especially since the indiscriminate crimes of takfiri terrorists were brought to light. The vast majority of their victims are indeed Sunnis, and from the beginning of the crisis in 2011, especially in Syria where the majority of the loyalist army is Sunni, all ethnicities, religions and sects fought Al Qaeda, Daesh and others side by side, as they have peacefully coexisted for centuries. This new barbaric act of Saudi Arabia could also constitute a provocation aimed at reviving these sectarian tensions and rally the Sunni world behind it, like the cut of its diplomatic relations with Iran subsequent to the attack against its embassy in Tehran, a convenient pretext for a certainly premeditated action.
What is the real role of religion in all this? This applies to those wars like all previous wars: religion is never the real motive, but is a mere pretext to hide purely political purposes, struggles for influence and power, between aspirations for independence and freedom and will of hegemony and domination, at the scale of nations, the region and the world. To be convinced that the “rivalry” between Iran and Saudi Arabia is of a political nature and not religious, just remember that if Iran is an Islamic Republic since 1979, it is Shiite since the sixteenth century. When Iran, under the Shah Muhammad Redha Pahlavi, was the main ally of the United States and the “"Middle East’s policeman”, was he not the ally and even the master of Saud? The current king of Saudi Arabia, Salman b.Abd-al-Aziz al-Saud, has he not himself greeted the Shah with dances in the early 1970s? The Shah was he not a Persian, was he not allegedly Shiite? Saudi Arabia was it not Wahhabi? Certainly yes. But that was no problem, because the essential was safe, namely the bonds of mutual vassalage to the US and its imperial and neo-colonial policy in the Middle East to which Tehran and Riyadh, just like Tel Aviv, were faithful agents. It is therefore absurd to claim that sectarian issues form the basis of the rivalry between Saudi Arabia and Iran, which dates only from 1979, the year of the Revolution of Imam Khomeini that transformed Iran into an independent, anti-imperialist and internationalist power, and implacable enemy of the United States, like Cuba in 1959, against which Washington feared a “domino effect” of triumphant sovereignism that has indeed taken place in Latin America and is underway in the Middle-East. So they had to fight Iran, under the pretext of the “fight against Shiism” for Saudi Arabia, the “fight against the Persians” for Saddam Hussein's Iraq (the Iraqi population being mostly Shiite, the sectarian pretext was unthinkable), and the “fight against fundamentalism” or “nuclear proliferation” scam for the United States.
Nimr al-Nimr strongly denounced this imposture in his speech, addressing the Saud and condemning their seditious policies both within the country and in the region:
“We see no problem between Sunnis and Shiites, between Sunni countries and Iran. The only problem is you, and you laugh at the world [by exploiting this alleged sectarian rivalry]. There are no problems between Sunnis and Shiites, they are just lies and falsifications that you use to deceive the ignorant of your supporters and thugs who claim to be 'Salafist':the 'Salafists' of Nayef, the 'Salafists' of Saud, which give no consideration to religion, the 'Salafism' which is based on murder, rape of honour, betrayal, collaborationism with the United States, such is their 'Salafism'. These are theSaud.”
By his faith in non-violent struggle and in the invincible power of a word of truth facing the most backward, the most ruthless tyranny, Nimr al-Nimr embodied in an exemplary way the aspirations of Arab peoples for democracy and dignity. Although the condemnation of his execution was lukewarm in the West, often hiding behind timid condemnations of principle of the death penalty, all genuine supporters of the right to self-determination of peoples and freedom of expression may consider Nimr al-Nimr as a martyr and mourn him.
Sayed Hasan
             

Imam Khomeini : La Mecque est usurpée par des ennemis de l'Islam (VOSTFR)

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Transcription : 

J'ai vécu tant de choses, telles la guerre et bien d'autres, mais sur ce point, ma patience est à bout. La Sainte Mosquée (à La Mecque) a été usurpée par ces individus, et il en a été ainsi depuis le début. Qui sont-ils pour s'arroger le titre de Gardiens des Deux Saintes Mosquées ? Qui les a nommés Gardiens des Deux Saintes Mosquées ? De quel droit ont-ils changé le nom d'un Etat Islamique du Hijaz en Royaume d'Arabie Saoudite ? Quelle est la raison de ce changement ?

Tous les musulmans sont prêts à se sacrifier pour La Mecque, c'est le lieu que tous les Prophètes ont servi. Mais aujourd'hui, il est souillé par un tas d'incroyants qui ne savent pas quoi en faire pas plus qu'ils ne sont capables de connaitre ou comprendre les devoirs (religieux) qui en découlent pour eux. La honte et le déshonneur seront sur tous les musulmans du monde s'ils restent passifs et silencieux face à la violation de la mosquée la plus sacrée du monde. (Les Saoud)  se verront porter un coup fatal par les musulmans, croyants et par le peuple du Hijaz. Les musulmans ne resteront pas passifs face à cela.

Nimr al-Nimr, symbole de la résistance à l'oppression et de la liberté d'expression

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Suite à mon article sur l’exécution de Nimr al-Nimr et les tensions entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, je publie un extrait d’un discours de Cheikh Nimr al-Nimr datant du 7 octobre 2011. Prononcé avant la prière rituelle du vendredi, il comprend deux sections, l’une religieuse et l’autre politique, une disposition traditionnelle chez les chiites depuis la Révolution Islamique de l’Imam Khomeini.

Cet extrait se situe à la transition entre ces deux sections, et en plus d’apporter des informations précises sur le « Printemps arabe » en Arabie Saoudite – soumis à un embargo politico-médiatique depuis 2011 –, il permet de voir comment la religion peut être non pas un vecteur d’oppression et d’arriération, mais bien un instrument de libération et d’émancipation des peuples, conception avec laquelle l’Occident n’est pas forcément familier.

La dénonciation politique de la religion en tant qu’instance de domination réactionnaire, inculquant la résignation aux peuples face au pouvoir politique temporel en échange d’hypothétiques récompenses éternelles, était combattue par Marx, farouchement athée, mais également par Rousseau, Robespierre et Jaurès, dont la pensée s’inspirait largement – et explicitement – de sources religieuses.
Par sa dénonciation virulente, éloquente et courageuse d’un régime barbare qui compte parmi les plus tyranniques au monde (mais ne laisse pas d’être un allié stratégique de Washington, Londres et Paris) et son combat pacifique pour la liberté et la dignité, qui n’étaient certes pas de vains mots pour lui, Nimr al-Nimr est incontestablement un martyr de la lutte pour l’auto-détermination des peuples et la liberté d’expression. Loin de l’étouffer et de l’éteindre, son exécution ne fera que donner un plus grand écho à sa voix.


Sayed Hasan




Transcription :

[…]

Ces soldats, ces officiers, ces journalistes, ces écrivains, tous ces gens-là sont des valets de ce régime tyrannique. Ils vendent leur religion au tyran contre les profits du monde d’ici-bas : ils tuent, écrivent [des mensonges], versent le sang, etc., en mercenaires. Ce sont les pires créatures de Dieu, les plus viles. Ils vendent leur religion pour des avantages matériels, pour qu’un tyran reste au pouvoir, pour que le tyran jouisse et se délecte dans l’oppression du peuple. Ces gens-là, quel est leur destin ? Le Feu de l’Enfer, éternellement ! Ce sont les pires créatures de Dieu.

Eh bien, nous, dans de telles conditions et face à de tels événements, face à ces plumes mercenaires, face à ces langues calomniatrices et à ces âmes perverties, nous devrions nous taire ? Proclamer la vérité est un devoir impérieux. Car lorsque nous sommes confrontés à une volonté et des actions agressives visant à frapper la société, à commettre des actes criminels contre la société, tuer les citoyens, les arrêter, les terroriser, lorsque nous sommes confrontés à un pouvoir oppresseur déterminé à écraser l’aspiration des citoyens à la liberté et à la dignité, lorsque des écrits, etc., soutiennent ces actions et machinations des oppresseurs, le silence est un péché.

Le Prophète (paix et bénédictions de Dieu sur lui et sa famille) a dit : « Rester silencieux lorsque proclamer la vérité est obligatoire est une innovation (péché mortel). » Lorsqu’il y a une nécessité impérieuse de s’exprimer, faute de quoi l’honneur des gens serait violé, leur sang versé, et que les croyants se verraient agressés, alors il devient un devoir (religieux) de proclamer la vérité et de dénoncer le mensonge et les manipulations, les révélant pour ce qu’ils sont. 

Le Prophète (paix et bénédictions de Dieu sur sa famille) a déclaré : « Lorsque les innovations apparaissent... » 

Certains demanderont où voit-on des innovations ? L’oppresseur est un innovateur, et la pire des innovations est l’oppression de l’oppresseur. Car qu’est-ce que l’innovation ? C’est quelque chose qui revêt (frauduleusement) l’habit de la religion. Un despote qui s’arroge une légitimité religieuse, c’est là la plus grande des innovations. La plus grande des innovations est qu’un tyran s’habille des vêtements de la religion, et qu’il se considère comme le dépositaire de l’autorité divine auprès des hommes et des croyants. C’est la plus grande des innovations !

« Lorsque les innovations apparaissent dans ma Communauté, que le savant expose son savoir, et s’il ne le fait pas, la malédiction de Dieu est sur lui. » (Hadith du Prophète) Et si, au contraire, le savant ajoute l’innovation à l’innovation et défend le tyran... Que Dieu nous en préserve !

C’était là une introduction sur (les péchés) que peut causer la langue (calomnies, impostures...). Poursuivons notre propos.

Le Ministre de l’Intérieur a publié un communiqué menaçant, mensonger, manipulateur et falsificateur, qui s’inscrivait clairement dans les déclarations et rencontres précédentes indiquant que l’Etat et le gouvernement s’apprêtaient à commettre un massacre dans ce pays, mais ce projet a échoué grâce à la réponse appropriée de la jeunesse qui est revenue à la sagesse et à la raison. Ils avaient longuement préparé leur complot, car durant la journée, avant même les événements de la nuit, ils ont lancé l’accusation d’ingérence étrangère. Tous les faits, toutes les déclarations télévisées sont disponibles pour confirmer qu’il s’agissait d’une provocation planifiée. Ils avaient tout préparé pour pousser les gens à la réaction et perpétrer un massacre, pour répandre le sang, terroriser le peuple. Ils ont donc publié leur communiqué. Appliquons maintenant nos principes.


« Celui qui tait (ne proclame pas) la vérité est un diable muet. » (Hadith du Prophète). C’est ce que nous enseigne le hadith, « Celui qui tait (ne proclame pas) la vérité est un diable muet. » Allons plus loin. Si quelqu’un ne tait pas la vérité, mais la pervertit, mélangeant le vrai et le faux, c’est encore pire ! Ou s’il inverse la vérité et le mensonge, c’est encore pire ! Que dirons-nous à leur propos ? Si « Celui qui tait (ne proclame pas) la vérité est un diable muet », alors celui qui mélange le vrai et le faux, ou pervertit le vrai, et revêt le faux des vêtements de la vérité, alors il est pire que le dernier des chiens ! Il est pire que le dernier des chiens ! 

Pour tous ces gens-là (journalistes, fonctionnaires, « savants » au service des Saoud), on peut utiliser ces termes. L’Etat vous demande... « Celui qui tait (ne proclame pas) la vérité est un diable muet », allez donc ! Prononcez les paroles de vérité ! Appliquez ce hadith ! Appliquez-le quand il le faut ! Dites la vérité ! Ecrivains, savants, penseurs, tous ceux qui publient des déclarations ou écrits. 

Vous voulez vous taire ? Vous ne pouvez pas parler ? Vous êtes excusés. Car le hadith condamnant celui qui tait la vérité ne concerne que ceux qui ont la capacité de s’exprimer. Quiconque ne peut pas, il est excusé, il peut ne pas s’impliquer. Mais parler pour dire des contre-vérités, revêtir la vérité du mensonge, prendre le parti de l’oppresseur contre l’opprimé, cela en fait les pires des diables, si celui qui se tait est un diable muet !

Eh bien, poursuivons. Leur communiqué présentait leur position, à nous de présenter la nôtre. Leur communiqué nous demande de proclamer clairement notre position vis-à-vis de ces événements, donc revenons sur tout ce qui les a précédé pour leur donner leur portée véritable.

Depuis 100 ans, nous subissons l’oppression, la tyrannie, la peur et la terreur. Depuis l’instant de notre naissance, nous sommes confrontés à la peur, à la terreur, au harcèlement et aux persécutions. Nous sommes nés dans un environnement de terreur tel que même les murs nous faisaient peur. Même les murs ! Que n’a pas subi chacun d’entre nous en fait de terreur, d’injustice et d’oppression dans ce pays ?

J’ai plus de 50 ans, soit un demi-siècle. Depuis que je suis venu au monde et jusqu’à ce jour, je ne me suis jamais senti en sûreté ou en sécurité dans ce pays, nulle part, depuis mon enfance. Car nous sommes continuellement accusés en tous lieux en en toutes circonstances, et menacés à chaque instant. Et c’est ce que m’a dit le chef de la police judiciaire en personne, lorsque j’ai été arrêté, il m’a dit : « Vous les chiites, il faut tous vous tuer. »Telle est leur logique ! « Vous tous ! » C’est le mot du chef de la police de la région orientale, lui-même ! Et bien d’autres choses similaires... 

Où est donc la sécurité ? Et comme dit le Commandeur des Croyants (l’Imam Ali), « Il n’y a aucun bienfait dans un pays, si ce n’est avec la sécurité et le bonheur. » Et nous manquons de l’un et de l’autre. Quels sont les bienfaits de ce pays ? Où est le bonheur ? Qui jouit du bonheur ? Il n’y a que des couches de misères. Dans tous les domaines : misère sécuritaire, misère économique, misère sociale, misère politique, misère de la connaissance, une misère universelle ! Et c’est pourquoi nous avons une position claire, qui constitue une réponse au communiqué mensonger du jour. 

Incroyable ! La presse d’aujourd’hui m’attribue des déclarations qui justifieraient la répression contre ma communauté ?! Que Dieu nous préserve ! Ils n’ont pas le droit ! C’est une infamie ! Les journaux d’aujourd’hui et d’hier écrivent que Nimr al-Nimr, de la ville d’Al-Awamiya, appelle à la cessation des manifestations, etc. Ils retournent mes propos et les pervertissent pour leur faire dire le contraire de ce qu’ils signifiaient ! Mes déclarations sont enregistrées et publiées. Je n’ai jamais appelé à cesser les manifestations, jamais ! Ce sont des manifestations autorisées (du point de vue de la loi religieuse).

L’Etat avait un plan, mais nous avons déjoué cette machination et nous avons déclaré aux jeunes que ce n’était pas vrai. Cette nuit même, dans cette région, aux habitants d’Al-Awamiya : nous n’avons pas appelé à arrêter les manifestations, nulle part, ni à disperser les regroupements où que ce soit ! A Al-Awamiya, les jeunes ont demandé : « Comment parvenir à une issue avec un tel Etat, face à de tels développements ? »  Je leur ai dit de manifester cette nuit même. Qu’ils sortent et manifestent ! Pourquoi devrions-nous laisser l’Etat nous manipuler, se jouer de nous, etc. ? Mais cet Etat (est aussi falsificateur) que ceux qui ont prétendu « Dieu n’a pas dit ‘Malheur à ceux qui boivent’ mais ‘Malheur à ceux qui prient’. » Voyez avec quelle impudence ils déforment les paroles ! Eh bien, poursuivons.

Ce que nous avons dit (qu’ils mentent autant qu’ils veulent dans leurs communiqués), j’ai dit que le pouvoir est coupable, que c’est lui qui a provoqué le peuple, et pendant plus de trois heures, la police tirait à balles réelles sur le peuple. Pourquoi n’ont-ils pas reproduit cette déclaration ? 

Et j’ai condamné le pouvoir, et j’ai dit que personne n’a le droit de critiquer ou de persécuter ces jeunes. Pourquoi ne l’écrivent-ils pas ? Pourquoi ? En plus de ça, vous voulez encore utiliser mes déclarations pour frapper ma communauté en mon nom ? Votre machination a échoué, et la manipulation des médias étatiques s’est retournée contre vous. Car les déclarations du chef des forces de sécurité ont mis à jour votre machination face aux médias étatiques. Maintenant, vous voulez une caution de la société (pour vos actes) ?

Nous avons invité les groupes à maintenir leurs manifestations pacifiques, et vous voyez maintenant les campagnes dans la presse et les médias. Leur plan est toujours d’actualité, à savoir perpétrer un massacre et déverser le sang, bienvenue à vous ! Nous sommes prêts ! Notre sang n’est pas cher payé lorsqu’il s’agit de la défense de nos valeurs ! Nous ne craignons pas la mort, et convoitons le martyre ! Nous revendiquons nos droits ! [...]

Nous avons rappelé que ces choses se produisent depuis 100 ans ; revenons maintenant aux derniers événements. Il y a quelques mois, la flamme de l’aspiration à la dignité a commencé à brûler chez les jeunes. La flamme de la liberté scintille : le peuple est sorti pour demander des réformes, sa dignité et ses libertés.

Il y a des manifestants qui sont prisonniers depuis plus de 16 ans, injustement opprimés. Et après cela, nous avons vu l’armée saoudienne traverser la péninsule pour violer et écraser le Bahreïn. Puis arrestations après arrestations. Qui a donc est responsable de la sédition et des violences ?

Est-ce celui qui a manifesté pacifiquement, ne portant que des pancartes, de manière tout à fait légale et licite, et il ne se trouve aucun jurisconsulte (autorité religieuse) pour l’interdire.  Qu’un individu manifeste pacifiquement pour demander son droit, sa dignité, aucun jurisconsulte ne peut interdire cela. Et celui qui interdirait cela (au nom de la religion) n’est pas un jurisconsulte, car un (authentique) jurisconsulte n’interdirait jamais cela. Les gens peuvent nommer (indûment) de telles personnes « jurisconsultes » ou « savants »... Et comme disait l’Imam al-Sadiq, « Peut-on trouver un seul jurisconsulte (authentique) dans cette ville ? ». De telles personnes ne sont pas des jurisconsultes.

C’est le pouvoir qui cause la sédition, les conflits et les violences dans la ville d’Al-Awamiya, et non le peuple. Ceux qui causent la sédition, les conflits et les violences sont le gouvernement et ses forces tyranniques. Et avant ces incidents, ils provoquaient déjà le peuple en tirant à balles réelles sur les passants qui marchaient simplement dans la rue, et ils écrasaient les gens avec leurs véhicules : combien de passants ont été écrasés volontairement (par les véhicules des forces armées), combien de passants ont été blessés ou tués par balles, combien d’actes de provocation aux points de contrôle, sans parler des arrestations et de la répression.

Qui cause donc la sédition, les conflits et les violences ? Celui qui subit la répression ? Celui sur qui on tire à balles réelles ? Celui qu’on emprisonne ? Celui qu’on opprime ? C’est le pouvoir qui cause la sédition, les conflits et les violences, et pas le peuple ! Dans ce pays, personne n’a causé la sédition, les conflits et les violences sinon le gouvernement !

Pourquoi les gens manifestent-ils ? Ils demandent leur dignité. Ils manifestent leur solidarité avec le peuple du Bahreïn. Ils demandent la libération des prisonniers (politiques). Ils demandent des réformes. Ils demandent des droits. Enonçons les trois points principaux et laissons le reste de côté (les réformes, la dignité, la liberté, la justice, etc.).

1 / Les prisonniers que vous arrêtez durant les manifestations ;

2 / Les prisonniers que vous détenez depuis plus de 16 ans ;

3 / L’ingérence de l’armée saoudienne pour frapper notre peuple au Bahreïn.

Ce sont ces trois points qui ont provoqué, entrainé et amplifié la sédition, et leur maintien ajoute à la sédition. Et nous continuerons à défendre les prisonniers, passés et présents, nous nous tiendrons à leurs côtés, et nous sommes prêts à être arrêtés avec eux, et même à ce que notre sang soit versé pour eux, en leur défense. Et nous persisterons à nous mobiliser et à manifester de plus en plus notre soutien à notre peuple au Bahreïn. Même si l’armée saoudienne n’était pas intervenue, il aurait tout de même été de notre devoir de nous tenir aux côtés du Bahreïn qui est notre peuple, alors qu’en est-il maintenant que l’armée saoudienne elle-même participe à l’écrasement, au meurtre, au viol de l’honneur et au pillage ?

Ils veulent nous intimider et nous imposer le silence, mais nous ne nous tairons pas ! Nous ne resterons pas silencieux ! 

Ils sont la source de la sédition ! Ils veulent mettre fin à la sédition ? Alors qu’ils se retirent du Bahreïn ! Qu’ils relâchent les prisonniers ! Qu’ils fassent des réformes ! Qu’ils rendent au peuple sa dignité. 

Certaines personnes viennent nous dire : « Mais vous n’êtes pas les seuls à être opprimés. » Incroyable ! Est-ce là une excuse (pour le régime) ? Mais c’est pire encore ! « Vous n’êtes pas les seuls, il n’y a pas que les chiites, beaucoup d’autres se font arrêter (injustement). » Mais c’est pire encore ! Qui prétend que cela serait une excuse (pour le régime) ? Pourquoi arrêtent-ils (injustement) des sunnites ? Sur quelle base ? Pourquoi arrêtent-ils ces milliers de personnes (sunnites et chiites) ? « Vous n’êtes pas les seuls à vivre dans la misère, d’autres la subissent aussi. » Pourquoi tolèrerions-nous que d’autres soient dans la misère ? Où est l’argent, où sont les milliards ? Pourquoi nous disent-ils « Vous n’êtes pas les seuls à subir le chômage, vous n’êtes pas les seuls à être emprisonnés, vous n’êtes pas les seuls à être privés de ceci et cela, etc. » Mais c’est encore plus grave, c’est pire pour le régime, c’est une accusation plus grande encore lancée contre lui !

C’est ce pouvoir tyrannique qui a causé cette sédition. Mais qu’il sache que nous persisterons à défendre les prisonniers, à défendre notre peuple au Bahreïn et à manifester notre solidarité avec eux, jusqu’à ce qu’ils l’emportent et récupèrent leurs droits, avec la volonté de Dieu. 

[…]


Assimilation des musulmans Français : « Merci, très peu pour nous »

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Par Joseph Massad

Source : Electronic Intifada (22 janvier 2015)

Les assaillants de Charlie Hebdo ne faisaient-ils que suivre l’exemple de la culture dominante de la France ? (Stephen Lam / Reuters)

Les Français sont peut-être mieux connus, tant à leurs yeux qu’à ceux des Européens de l’Ouest et des Américains de race blanche, comme des créateurs de haute couture et des maîtres dans l’art culinaire dont le langage amoureux est particulièrement adapté à la romance.

Cependant, les Américains de race blanche, comme les Allemands et les Britanniques, ont une relation mitigée avec les Français, mais clairement faite de plus d’amour que de haine, comme en témoigne tout récemment la publication dans le New York Times d’une tribune par Marine Le Pen, leader du Front National, parti d’extrême-droite.

Mais dans le reste du monde – depuis les Antilles à l’Afrique du Nord, de l’Ouest et centrale, jusqu’au Moyen-Orient et à l’Asie du Sud-Est –, les Français sont majoritairement considérés comme des assassins et des tortionnaires chevronnés, dont la langue gracieuse et raffinée ne sert pas tant à décrire une sauce crémeuse onctueuse ou un décolleté plongeant sur une robe de soirée, et moins encore à faire la cour ou à flirter, qu’à enrober les douleurs et les souffrances indicibles qu’ils infligent à des millions d’innocents.

Pourtant, la culture française dominante persiste à ne vouloir se considérer qu’à travers ses propres yeux, et la plupart des Français sont scandalisés à l’idée même que quiconque dans le monde puisse seulement remettre en question l’image élogieuse et raffinée qu’ils ont d’eux-mêmes.

Barbaries coloniales

Ce contraste est à la fois dû à l’Histoire de la France et à ses politiques actuelles. Commençons par l’Histoire : un rapport sur les atrocités coloniales françaises en Indochine pour les années 1930-33, suite au déclenchement de la mutinerie de Yen Bay en février 1930, recense certaines des méthodes monstrueuses de torture chères aux officiers français. Selon la célèbre activiste française Andrée Viollis, les méthodes de torture incluaient – en plus de l’utilisation de l’électricité – la privation de nourriture, le bastinado (flagellation de la plante des pieds), les épingles introduites sous les ongles, les semi-pendaisons, la privation d’eau et l’usage de tenailles appliquées sur les tempes (pour faire jaillir les orbites), entre autres. Une méthode plus délicate comprenait l’utilisation d’ « une lame de rasoir [pour] couper la peau des jambes en longs sillons, combler la plaie avec du coton et brûler ce coton[1]. »

En 1947-48, les autorités coloniales françaises se sont déchaînées à Madagascar, tuant et violant la population et incendiant des villages entiers, en guise de châtiment suite au soulèvement nationaliste malgache. Certaines des pratiques et spécialités de torture spécifiquement françaises qui furent employées contre le peuple de Madagascar incluaient les « vols de la mort », où des indigènes étaient jetés depuis des avions militaires au milieu de la mer, se noyaient et devenaient des « disparus ».

Cette méthode meurtrière était une spécialité dont la France s’enorgueillissait tellement que les autorités coloniales françaises en Algérie continuèrent à y recourir plusieurs années plus tard, pendant la bataille d’Alger en 1956-57. Dans le cas de l’Algérie, les parachutistes Français ont décidé de perfectionner cette méthode lorsque des cadavres d’Algériens ont commencé à refaire surface, exposant cette pratique. La modification consistait à attacher des blocs de béton aux pieds des victimes pour s’assurer qu’ils coulent définitivement (les généraux argentins soutenus par les Etats-Unis trouveront cela très utile dans leurs efforts pour réprimer la résistance à leur dictature à la fin des années 1970).

Ce ne sont pas des méthodes de torture ad hoc que les Français ont élaborées sur place, mais des cruautés bien conçues et bien rodées. Dans l’Algérie du 19e siècle, le général Saint-Arnaud brûlait les révolutionnaires algériens dans des grottes et ses soldats violaient les femmes algériennes, comme le feront les soldats Français tout au long de la révolution algérienne, des années 1950 au début des années 1960.

Les estimations des morts causées par les Français s’élèvent à un million de Vietnamiens et un million d’Algériens. Quant à Madagascar, on estime que plus de 100 000 personnes ont été tuées par les Français. Ce ne sont là que quelques exemples de la barbarie coloniale française dans certaines colonies, et en aucun cas une liste exhaustive. Le colonialisme français, sous le titre grandiose de « mission civilisatrice », a clairement échoué à civiliser, avant tout, les Français eux-mêmes. La « mission », semblerait-il, reste inaccomplie !

Catholicisme laïque

La question de la façon dont les Français sont perçus ne se limite pas seulement à l’Histoire, mais reste pertinente dans le présent. Tandis que l’assimilation des indigènes aux coutumes du Français colonisateur a été le noyau du programme colonial français, cette philosophie est venue hanter les Français après qu’ils se soient partiellement retirés des colonies pour constater que les immigrants africains, arabes et indochinois, entre autres, n’étaient pas « assimilables » aux usages des « Français ». Il semble que seuls les immigrants allemands, russes, espagnols, italiens et certainement hongrois en France puissent être maintenant assimilés à la société française, mais pas les immigrés plus basanés et surtout non-chrétiens.

Le massacre des Algériens Français commis par la police française en octobre 1961, qui s’inspirait clairement de la spécialité des « vols de la mort » de l’armée française en Algérie et à Madagascar, a entraîné la mort de plus de 200 manifestants musulmans (certaines estimations vont jusqu’à 400) qui furent abattus ou jetés dans la Seine.

Il a fallu attendre 1998 pour que le gouvernement français catholique[2] reconnaisse enfin que la police a tué à peine 40 des 200 à 400 musulmans Français assassinés. Les victimes du gouvernement français catholique considèrent ces actes barbares et cruels comme une des principales caractéristiques de la culture catholique française, voire comme une définition de celle-ci. Et non seulement n’est-ce pas une vue propre aux musulmans Français (les autorités coloniales françaises ont inventé la catégorie des « Français musulmans » dans l’Algérie du 19e siècle afin d’imposer légalement aux Algériens de renoncer à la « loi islamique », y compris la polygamie, pour pouvoir accéder à la pleine citoyenneté française), mais les Juifs Français eux-mêmes ont également compris l’antisémitisme catholique français comme un élément central de la culture catholique française.


Après tout, les Juifs Français avaient été soumis par Napoléon à un « test pH » similaire – ou est-ce un test de « catholicité » ? – en 1806, visant à rassurer ses craintes au sujet des lois juives sur la polygamie et le divorce qui contredisaient les lois nationales françaises, et qui ne devaient plus être appliquées : c’était là une condition de l’émancipation juive. Bien sûr, ces lois de l’Etat étaient conformes à la monogamie catholique, mais pas à la polygamie juive. Pourtant, les Français continuent à se voir et à se présenter au monde et à eux-mêmes comme des amants sensibles et pensifs, des intellectuels engagés et des défenseurs du sécularisme ou « laïcité » !

C’est ce dernier point qui fait désormais partie intégrante des campagnes sectaires et racistes officielles et officieuses des catholiques Français, « laïques » bien sûr, contre les musulmans Français, sans parler des musulmans hors de France. C’est là-bas que les musulmans Français sont considérés comme ayant en quelque sorte leurs origines géographiques, religieuses et culturelles, hors de France, une accusation qui n’est jamais portée contre les citoyens Français d’origine immigrée italiens, allemands, russes, espagnols ou hongrois.

Si les catholiques Français ont insisté pour que les musulmans et juifs algériens deviennent Français sous l’Algérie française (les Juifs Français d’origine algérienne ont été considérés comme ayant réussi à effectuer cette transition avec succès depuis le décret Crémieux de 1870 qui les a légalement transformés en citoyens Français et non plus Algériens, un statut qui a ensuite été révoqué sous le régime collaborationniste de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale, révélant la fragilité de la tolérance catholique française), les mêmes catholiques Français insistent pour que les Français d’origine musulmane algérienne en France soient contraints à s’assimiler encore à une sorte de francité fantasmatique prétendument séculaire ou « laïque » et en aucun cas chrétienne.

Il est difficile de savoir si les Bretons, les Corses ou les Basques et les Alsaciens – en 2011, Nicolas Sarkozycroyait que ces derniers vivaient toujours en Allemagne – se sont déjà entièrement assimilés à cette francité présumée ou s’ils sont toujours dans l’attente de nouvelles instructions.

Les valeurs de la République

Au lendemain de l’attaque contre les bureaux du magazine Charlie Hebdo par deux musulmans Français, et l’attaque d’un supermarché juif français par un troisième (les origines géographiques des parents de ces hommes ont été immédiatement identifiées par les médias français comme significatives voire centrales dans leurs crimes), l’ancien Président Français d’origine catholique hongroise Nicolas Sarkozy (son grand-père maternel est un Juif grec qui s’est converti au catholicisme), a proposé« d’expulser toute Imam [Français musulman] qui soutient des vues qui ne respectent pas les valeurs de la République. »

On ne sait pas si Sarkozy serait d’accord avec la proposition de l’expulser en Hongrie ou en Grèce s’il venait à épouser des vues « qui ne respectent pas les valeurs de la République ». De même, il reste difficile de savoir si cela devrait aussi être le sort réservé aux prêtres catholiques Français et aux rabbins juifs Français s’ils s’avèrent manquer de respect envers ces valeurs, bien qu’en se basant sur le statut des Juifs sous Vichy, il semble que les rabbins ne seraient pas épargnés non plus.

Contrairement à la perception qu’ont la plupart des catholiques Français d’eux-mêmes, le problème avec la culture française contemporaine dominante catholique (« laïque ») est, avant tout, son manque de raffinement. Le racisme français s’exprime souvent de la manière la plus vulgaire, sans les moindres palliatifs ou euphémismes. En cela, les Français sont différents de leurs pairs des contextes américain et britannique, où le racisme est souvent formulé dans un langage socialement plus acceptable, bien qu’il cache derrière lui la même vulgarité raciste. La vulgarité du racisme catholique français, cependant, est plus similaire à celle du racisme juif israélien, qui n’a souvent que faire des périphrases et autres produits cosmétiques linguistiques.

Les politiques et crimes actuels du gouvernement français au Mali, en Libye et en Afghanistan, pour ne citer que les trois principaux sites des interventions militaires françaises, se poursuivent. Lorsque les troupes françaises ont ouvert le feu sur une voiture civile en Afghanistan en 2011, tuant trois civils, dont une femme enceinte et un enfant, le ministre Français de la Défense Gérard Longuet a exprimé sa « profonde tristesse » pour ces morts, mais a déclaré que les soldats avaient agi en légitime défense car la voiture avait « refusé de s’arrêter en dépit des sommations répétées. »

Le soutien français actuel apporté aux djihadistes syriens, y compris l’aide de la France et de l’OTAN, sinon l’encouragement, prodigués aux Français musulmans désireux de prendre part aux combats en Syrie, démentent l’horreur officielle des catholiques Français face à la montée de l’Etat Islamique et à ses pratiques de décapitation. Peut-être que les membres Français de Daech ont trop bien assimilé la culture catholique française, surtout en ce qui concerne l’intolérance et la décapitation – car la pratique « laïque » de l’Etat français d’exécution des criminels par décapitation par la guillotine s’est poursuivie jusqu’en 1977, la dernière personne décapitéeétant par coïncidence un criminel Français musulman.

Qui devrait s’assimiler ?

C’est cette France qui accuse sa population musulmane de refuser de s’assimiler à ses usages, mais ne se demande jamais pourquoi elle ne devrait pas s’assimiler à leursmanières – puisque les musulmans Français font tout autant partie de la France et de sa culture que les catholiques Français et puisque la France n’est plus la propriété exclusive des catholiques Français qui pourraient en disposer à leur guise. Peut-être que les catholiques Français (devrions-nous simplement les appeler Gaulois ?) pourraient apprendre des musulmans Français une certaine forme de tolérance.

Après tout, ce sont les musulmans Français qui ont subi et continuent du mieux qu’ils peuvent à supporter le racisme et l’intolérance des catholiques Français depuis des décennies. Les catholiques Français pourraient-ils à leur tour apprendre à supporter la tolérance des musulmans Français ? Aussi choquante que cette dernière idée puisse être aux yeux des catholiques Français et des racistes sectaires (qui sont bien sûr « laïques »), ces mêmes personnes n’ont jamais considéré leurs actions choquantes lorsque, en tant que minorité coloniale, ils ont cherché à forcer la majorité des colonisés à s’assimiler à leurs usages – quels que soient leurs usages, bien sûr.

On ne sait pas vraiment si on attend des musulmans Français qu’ils adoptent la torture et les méthodes meurtrières des catholiques Français et leur intolérance « laïque » dans le cadre de leur processus d’assimilation. Si cela était effectivement requis, alors les trois seuls musulmans Français assimilés avec succès ne seraient autres que Cherif et Saïd Kouachi, les frères qui ont attaqué Charlie Hebdo, et Amedy Coulibaly, qui a attaqué le supermarché juif.

De manière assez surprenante, le gouvernement français a refusé de reconnaître à quel point les frères Kouachi étaient des Français bien assimilés, et il a demandé au gouvernement algérien de les faire enterrer en Algérie, un pays où ils n’avaient jamais mis les pieds, plutôt qu’en France où ils se seraient assimilés d’une manière exemplaire. Le gouvernement algérien a dûment refusé d’autoriser l’inhumation des deux Français sur son sol. La France a obtenu la même réponse du gouvernement du Mali, qui a rejeté une demande du gouvernement français de leur envoyer le corps du citoyen Français Coulibaly pour qu’il y soit enterré.

Malgré l’ampleur horrible des actes de ces trois hommes, leurs crimes restent numériquement modestes et pâles comparés aux bien plus cruelles monstruosités des Français catholiques et « laïques » qui ont atteint des proportions génocidaires à travers le monde. Cependant, si les frères Kouachi et Coulibaly avaient survécu, ils auraient encore eu besoin de beaucoup de leçons de cruauté et d’intolérance violente avant de pouvoir devenir entièrement assimilés à l’authentique francité catholique et laïque.

Le reste des musulmans Français continuent à résister à l’assimilation à la francité catholique et « laïque » et à refuser de suivre l’exemple de l’intolérance des Français catholiques et « laïques » racistes et de leurs quelques émulateurs musulmans. Pour la majorité des musulmans Français, la réponse à ces invitations catholiques françaises et laïques à l’assimilation est un « Non merci » explicite, ou plutôt, dans la langue raffinée des Français : « Merci, très peu pour nous ! »

Joseph Massad est Professeur de Sciences Politiques et d’Histoire intellectuelle du monde arabe moderne à l’Université Columbia (New York). Son dernier ouvrage est L’Islam dans le libéralisme.


[1] Andrée Viollis, SOS Indochine, p. 13. Egalement mentionnée, « Introduire un fil de fer en tire-bouchon dans le canal urinaire et le retirer brusquement. » Et, pour des femmes de 16 à 18 ans, « viols, pendaison par les orteils, flagellation sur les cuisses et la plante des pieds, introduction de nids de fourmis dans les parties intimes, leurs bras et leurs jambes attachés, jusqu’à ce qu’elles avouent faire partie d’un groupement communiste. » [Note du traducteur]
[2] Il s’agit de la culture et de l’histoire chrétienne originelles, indépendamment de l’attachement à la foi, toute idée ou référence religieuse ayant été éradiquées avec succès par les voltairiens, malgré la résistance de Rousseau, Robespierre et Jaurès, entre autres. Aujourd’hui, les « racines judéo-chrétiennes » de la France sont néanmoins brandies par les athées les plus forcenés pour dénoncer l’Islam et les musulmans. Selon nous, les musulmans permettraient bien plutôt à la « fille aînée de l’Eglise » de renouer avec une identité, des traditions et des valeurs longuement enterrées. [Note du traducteur]

Hassan Nasrallah : L'exécution de Nimr al-Nimr signe l'arrêt de mort des Saoud

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Discours du Secrétaire Général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, le 3 janvier 2016, à l’occasion du décès de Cheikh Muhammad Khatoun et de l’exécution de Cheikh Nimr al-Nimr




Transcription :

[…] 

Que Dieu fasse miséricorde à notre cher et digne Cheikh (Mohamed Khatoun), et qu'il le ressuscite avec les Prophètes, les martyrs, les véridiques et les justes, et ceux-là sont une bonne compagnie.

Quoi qu'il en soit, au Liban, les grands savants d'hier et d'aujourd'hui (que Dieu les protège) ont la possibilité de se déplacer d'un pupitre à un autre, d'une place à une autre, pour proclamer la vérité, dire des paroles de vérité, et derester vivants, sans que des mains meurtrières les atteignent, sauf à de rares occurrences. Mais il y a beaucoup d'endroits dans le monde ou cela ne leur est pas possible.

C'est l'un de ces endroits que je vais évoquer dans notre propos du jour, à savoir une terre... – je vais parler en toute clarté : aujourd'hui, nous allons tout dire en toutes lettres ; l'heure n'est plus aux précautions oratoires et aux embellissements, laissons tout cela de côté, ce temps est pour moi révolu.
Sur une terre de la péninsule arabique, un Etat a été établi, et ce territoire a été nommé de manière frauduleuse, oppressive, mensongère et usurpatrice le « Royaume d’Arabie Saoudite ». La Terre des deux Lieux Saints, la Terre du Prophète (paix et bénédictions de Dieu sur lui et sa famille), de sa famille et de ses nobles Compagnons, la Terre des premiers moudjahidins (des batailles) de Badr et d'Uhud, la Terre de l'Islam, est nommée d'après le nom d'une famille ! La famille dynastique des Saoud, qui s'est imposée au peuple de la péninsule arabique, oui, imposée à eux par les massacres, les meurtres et la terreur.

Et tout cela est présent dans les livres d'histoire, même dans ceux qui ont été composés par les partisans des Saoud pour les Saoud eux-mêmes, qui parlent de ces vérités et les présentent comme des objets d'orgueil pour le roi fondateur et pour les gangs criminels qui tuaient, violaient, massacraient et démembraient les peuples originels de la péninsule arabique, en déversant par torrents le sang de ces peuples, de ces tribus et de ces familles. 

Ainsi a été fondé ce royaume, grâce au soutien britannique, à l'argent britannique, aux armes britanniques, en tant que partie prenante du projet colonial britannique visant à s'emparer de nos pays ; et de manière simultanée, une autre entité était également fondée sur les massacres, les carnages , les démembrements et le sang versé, sous le nom d'Israël, en Palestine Occupée.

Sur cette terre (d'Arabie saoudite), il n'y a pas de place pour un homme de foi, appelant aux réformes, et cela n'est pas spécifique aux chiites et à la région orientale : qu'il soit chiite, sunnite, islamique ou non, nationaliste, patriote, libéral, quel qu'il soit. Sur ce territoire, dans ce royaume, la critique est interdite, l'objection est interdite, le débat est interdit, tout cela est interdit.

Eh bien, aujourd'hui, nous n'allons pas reprendre toute l'histoire, mais nous concentrer directement sur le présent, face à un événement choquant, un événement absolument terrible. Peut-être que les Saoud minimisent leur acte, car ils minimisent l'ensemble de cette Communauté (islamique), mais c'est un événement dont il est impossible de minimiser la portée. S'en prendre ainsi à un grand savant courageux, respecté et réformiste tel que Son Eminence le martyr Cheikh Nimr al-Nimr n'est pas un événement sur lequel on peut passer comme ça, en aucun cas. Ils se trompent lourdement et se font des illusions, et lisent très mal la situation (s'ils le croient).

Eh bien, entrons dans le vif du sujet de manière cohérente, calme et logique.

Premièrement, pourquoi ont-ils exécuté Son Eminence le Cheikh al-Nimr ? Quelle est son histoire, quel est son péché, quel est son crime ? Qu'ont-ils déclaré au monde ? Ils n'ont rien pu dire (de conséquent). Bien sûr, je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres condamnés, je n'ai pas suivi leur dossier : oppresseurs ou opprimés, justement ou injustement exécutés, Dieu seul le sait. Avec un tel système judiciaire et un tel Etat, il est impossible de se prononcer au jugé, et c'est pourquoi je ne le fais pas. Mais considérons Son Eminence le Cheikh martyr, et laissons de côté les autres personnes accusées d'attentats, de terreur, etc., et lui avec eux, tous sous le chef d'accusation de terrorisme.

Eh bien, quel est son crime ? La justice saoudienne est-elle parvenue à prouver que le Cheikh al-Nimr (je n'ai pas retenu les termes exacts) a porté les armes ? Qu'il aurait fait usage d'armes, tué ? Indépendamment du caractère licite ou non de tels actes. A-t-il créé une organisation armée ? Vous pouvez dire une telle chose à mon sujet et au sujet de mes frères, sur le Sayed Abbas (Musawi), que nous avons créé une organisation armée pour combattre Israël. Et bien sûr, c'est là un crime absolument atroce (d'après vous), n'est-ce pas ? A-t-il créé une organisation armée ? A-t-il appelé à combattre ? A-t-il appelé à prendre les armes ? Ou bien sa démarche est-elle totalement pacifique ? Une démarche pacifique. Comme pour tous les savants dans la région orientale en particulier. 

Comme pour les savants et les dirigeants au Bahrein aujourd'hui, qui ont tous été jetés en prison. Citons le Cheikh Salmane, le Cheikh al-Miqdad, le Professeur Abd-al-Wahhab al-Hussein, le Professeur Hassan, etc., un grand nombre de noms. Eh bien, pourquoi ont-ils été jetés en prison et condamnés à de longues années de réclusion ? Ont-ils appelé à la violence, au combat, ont-ils pris les armes ? Jamais ! Même après leur emprisonnement dans les geôles de la dynastie al-Khalifa au Bahrein, ils ont publié un communiqué insistant auprès du peuple pour maintenir et confirmer le caractère pacifique du mouvement. Et ce communiqué est un acte de condamnation des al-Khalifa et de leur pouvoir, qui emprisonnent, torturent et oppriment des individus qui, depuis l'intérieur de leurs prisons et de leurs souffrances, maintiennent le caractère pacifique du mouvement. Et s'ils donnaient d'autres instructions, elles seraient suivies. S'ils donnaient d'autres instructions, elles seraient suivies. Mais tels sont leur culture, leur choix et leur éthique.

Eh bien, il en va de même pour le Cheikh al-Nimr. Son véritable problème, c'est qu'il a proclamé la vérité. C'était un homme extrêmement courageux, sans le moindre doute. Chaque personne a un certain nombre de caractéristiques nobles, dignes et respectables, mais en général, l'une d'entre elles est particulièrement distincte et prime sur les autres, et celle qui peut le mieux décrire le Cheikh martyr Nimr al-Nimr est le courage. C'était un homme d'un grand courage dans ce qu'il disait, et dans le lieu et le contexte dans lequel il faisait ces déclarations. Oui, il s'exprimait avec virulence. Mais il disait la vérité. Il ne portait pas les armes, mais il critiquait, il objectait. Ils essaient aujourd'hui de salir son image. Mais c'était un homme réformiste.

Il revendiquait les droits du peuple de la péninsule arabique frauduleusement nommée le « royaume d’Arabie Saoudite ». Il revendiquait le droit de ce peuple à choisir ses dirigeants, plutôt qu'un prince après l'autre héritent du pouvoir. Il demandait que ce peuple bénéficie de ses richesses, au lieu que les princes Saoud les accaparent pour s'enrichir davantage tandis que le peuple s'appauvrit. Il demandait les libertés fondamentales que revendique tout homme n'importe où dans le monde. Et il demandait cela avec courage, avec éloquence, avec véhémence. Et voilà ce que fut son crime. Car celui qui s'exprime est exécuté, celui qui objecte est exécuté. Et de la part de qui ? De cette Arabie Saoudite qui prétend répandre la démocratie dans toute la région, et défendre les libertés dans la région. Ce jour noir est une condamnation absolue et sans appel (de l'Arabie Saoudite).

Aujourd'hui, le sang du Cheikh al-Nimr macule les visages, les corps, le passé, le présent et l'avenir des Saoud jusqu'au Jour du Jugement Dernier, et il les hantera dans ce monde comme dans l'autre. 

[Audience : Mort aux Saoud !]

Le Cheikh Nimr a-t-il appelé à la sécession ?A-t-il appelé à la division du pays ? En toute vérité, les Américains voulaient que les chiites de la région orientale prônent le séparatisme. Qu'ils déclarent que le pétrole présent dans leur région est à eux et qu'ils veuillent se séparer, avoir leur Etat indépendant. Et il y a quelques années, les Américains ont fait cette offre à certains dirigeants chiites de la région orientale, mais les savants et dirigeants chiites de cette région ont refusé la division, le séparatisme et la sécession, et ils ont insisté pour rester dans leur pays, en tant que partie de leur pays. 

Comment cette loyauté patriotique, nationale et humaine est-elle remerciée ? Elle est accueillie avec le fil de l'épée, réservé à quiconque objecte ou s'oppose.

Deuxièmement... Car telle est la vérité quant au Cheikh Nimr, telle est son histoire. Il n'y a rien d'autre. Apportez donc d'autres (accusations) si vous le pouvez ! Bien sûr, il se trouve malheureusement des plumes mercenaires pour écrire qu'il s'agit d'une sentence légale sur le plan de la loi et de la religion. Sur quelle base cette sentence serait-elle légale ? Avez-vous étudié le dossier, enquêté ? Y a-t-il eu un véritable procès ? Dans chaque procès [en Arabie Saoudite], même l'avocat de la défense n'a pas le droit à la parole ! Même l'accusé n'a pas le droit de s'exprimer pour se défendre ! 

[…]


Coup d’État manqué en Turquie – quelques premières réflexions

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Par le Saker US – Le 18 juillet 2016

Source : thesaker.is


Saker US

Lorsque j’ai entendu dire qu’un coup d’État était en cours en Turquie, ma première pensée a été que c’était la manière des États-Unis de punir Erdogan pour ses soudaines excuses à la Russie. Oui, bien sûr, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup d’autres explications possibles, mais c’était celle que je souhaitais. J’ai même dit à ma famille que c’était un coup d’État soutenu par les États-Unis et que si Erdogan et ses partisans le disaient, cela leur coûterait cher. Moins de 24 heures plus tard mes espoirs étaient comblés.
 

Un ministre turc accuse les autorités étasuniennes d’avoir organisé la tentative de coup d’État (article en anglais)

Kerry critique la Turquie pour avoir insinué que Washington a préparé le coup d’État contre Erdogan (article en anglais)

Erdogan ne s’est pas laissé décourager et il a déclaré publiquement : « Cher président Obama, je vous l’ai déjà dit, arrêtez Fethullah Gulen ou renvoyez-le en Turquie. Vous n’avez pas écouté. J’en appelle à vous encore une fois – extradez cet homme de la Pennsylvanie vers la Turquie. Si nous sommes des partenaires stratégiques, faites le nécessaire » a-t-il dit. Il a également explicitement qualifié tout pays soutenant Gulen d’« ennemi déclaré de la Turquie ».

Maintenant, nous devons nous rappeler qu’Erdogan a une histoire de zigs suivis de zags, donc il serait bien capable d’embrasser chaleureusement Obama très bientôt, mais je trouve ça peu probable. Pourquoi ? Simplement parce qu’il y a beaucoup de preuves indirectes que les États-Unis étaient en effet derrière ce coup d’État. Considérez ceci :

Le coup d’État a impliqué un très grand nombre de gens Nous pouvons nous faire une idée de son ampleur en regardant l’énorme purge qui a lieu maintenant en Turquie. Selon diverses sources, cela comprend pas moins de 6 000 personnes, beaucoup d’officiers supérieurs (y compris 5 généraux et 29 colonels), 2745 juges et procureurs. Donc la première chose que nous devons nous demander est quelle est la probabilité que les États-Unis n’aient pas su ce que les comploteurs préparaient. Ma thèse est que dans un pays fondamentalement en guerre − où les forces US impliquées tout près dans des opérations de combat en Syrie et en Irak sont déployées et où les États-Unis détiendraient 50 armes nucléaires tactiques − l’idée que ces derniers ne l’ont pas vu venir est irréaliste. La Turquie est membre de l’OTAN, ce qui signifie pratiquement que les État-Unis ont un contrôle total sur l’armée turque, et nous savons grâce à Sibel Edmonds que l’État profond turc a des liens très étroits avec l’État profond américain. Et nous devrions croire que personne aux États-Unis ne l’a vu venir ?

En plus, lorsque Erdogan dit que les États-Unis ne se sont pas pressés de condamner le coup d’État, il a tout à fait raison. En fait, c’était plutôt amusant pour moi de voir tous les médias occidentaux indiquer que le coup d’État avait réussi, tandis que les Iraniens et les Russes rapportaient qu’il avait échoué. Si c’était un vœu pieux des deux côtés, qu’est-ce que ça nous dit sur leurs souhaits ?

Maintenant, regardons les choses sous l’angle du cui bono.

Certains, y compris Fethullah Gulen, ont suggéré que ce coup d’État était une opération sous fausse bannière perpétrée par Erdogan lui-même. Et il est vrai qu’il a déclaré que ce coup d’État était « un don de Dieu […] parce que ce sera une bonne raison de nettoyer notre armée ». Mais la réalité est que ce coup d’État embarrasse énormément Erdogan qui avait déjà purgé les forces armées à plusieurs reprises et ne pouvait pas prendre le risque de voir une fausse bannière se transformer en quelque chose de réel : même le général Bekir Ercan Van, le commandant de la base d’Incirlik en Turquie, a été détenu par les autorités turques sous l’accusation de complicité dans la tentative de coup d’État. Donc non seulement ce coup d’État a montré que Erdogan était haï au plus haut niveau de l’armée, mais son échec a débouché sur une énorme purge qui affaiblira considérablement les forces armées turques, qui sont engagées non seulement en Syrie mais encore dans une guerre civile sanglante contre les Kurdes. Donc l’idée qu’Erdogan ait déclenché lui-même le coup d’État me semble tout à fait tirée par les cheveux.

Ensuite, bien sûr, il y a la Russie. Tandis que je suis entièrement d’accord avec le fait que la Russie profitera énormément de ce coup d’État manqué, je suis aussi convaincu que les Russes n’ont jamais eu nulle part les moyens nécessaires pour déclencher un coup d’État en Turquie. Ni les kémalistes ni les partisans de Gulen ne sont pro-russes et la Russie n’a tout simplement pas le genre d’accès dans cet important pays, membre de l’Otan, qui lui permettrait de provoquer des coups d’État militaires.

Quant aux États-Unis, si le coup d’État avait réussi, ils auraient pu placer un dirigeant militaire docile et probablement beaucoup plus fiable au pouvoir en Turquie. Maintenant que le coup d’État a échoué et qu’Erdogan semble furieux contre les États-Unis, ceux-ci sont les grands perdants de ce résultat final. Mais si le coup d’État avait réussi ?

Gardez à l’esprit que la guerre du 08.08.08 [après l’agression de l’Ossétie du Sud par la Géorgie, NdT] et le cas de trouble de la personnalité multiple à propos de la Syrie ont montré qu’il n’y a pas de politique étrangère unifiée aux États-Unis. Il y a une politique étrangère de la Maison Blanche, une politique étrangère de la CIA, ensuite il y a la politique étrangère du ministère des Affaires étrangères et la politique étrangère du Pentagone. Nous savons même qu’il y a une politique étrangère néocon distincte. Chacune d’entre elles a poussé les comploteurs à agir, exactement comme les néocons ont poussé Saakachvili à attaquer l’Ossétie du Sud.

Maintenant que le coup a échoué, cependant, la situation a le potentiel de tourner fortement en faveur de la Russie et, même si les Russes ne feront jamais confiance à Erdogan, ils sont aussi tout à fait conscients des avantages objectifs qu’ils peuvent tirer de la situation actuelle. La réussite ultime serait de provoquer un retrait de la Turquie de l’OTAN, mais personnellement je doute que ce soit possible. Un but plus réaliste pourrait être d’accepter que la Turquie reste formellement dans l’OTAN, mais qu’au moins en Syrie, Erdogan accepte la réalité créée par les Russes sur le terrain. Le fait que Lavrov et Kerry se soient mis d’accord sur un cessez-le-feu communà long terme, dont les termes exacts doivent rester secrets, m’indique que les Russes ont contraint les États-Unis à des concessions dont ces derniers ne veulent pas qu’elles soient rendues publiques (et non l’inverse, parce que Moscou a aujourd’hui toutes les cartes en main et que Kerry n’a par conséquent aucun moyen de faire pression sur la Russie). Autrement dit, maintenant que même les États-Unis ont fondamentalement cédé, du moins temporairement, les Turcs n’ont aucune raison d’essayer d’imposer quoi que ce soit sur la Syrie.

La situation actuelle recèle un énorme potentiel de développements favorables pour la Russie. J’espère que les Russes développeront une pensée créative et utiliseront cette situation au maximum pour créer un fait accompli sur le terrain en Syrie.  Le meilleur choix pour la Russie serait d’avoir un partenaire fiable et prévisible en Turquie. Hélas, cela n’arrivera pas. La deuxième meilleure option est d’avoir une Turquie faible dilapidant la plus grande partie de ses ressources et de son énergie à traiter des crises internes. Cela semble être ce qui se passera dans un avenir prévisible. De façon générale, c’est une bonne chose pour la Russie, la Syrie et, vraiment, la région tout entière.

The Saker

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker francophone

Bachar al-Assad : Après le mandat de Hollande, les Français sont-ils plus en sécurité ?

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Interview du Président syrien par des médias français, le 8 janvier 2017




Transcription :

Question 1 : Monsieur le Président, vous venez de rencontrer une délégation de députés français. Pensez-vous que cette visite aura une influence sur la position française à l’égard de la Syrie ?

Bachar al-Assad : C’est une question française. Nous espérons que toute délégation qui viendra ici pourra voir la vérité sur ce qui se passe en Syrie durant ces dernières années, depuis le début de la guerre il y a six ans, et le problème maintenant, concernant la France en particulier, est qu’ils n’ont pas d’ambassade, ils n’ont absolument aucune relation avec la Syrie. Alors c’est comme si... on peut dire que c’est un Etat aveugle. Comment pouvez-vous forger une politique envers une région donnée si vous ne voyez pas, si vous êtes aveugles ? Il faut être capable de voir. L’importance de ces délégations est qu’elles représentent les yeux des États, mais cela dépend de l’État en question ; est-ce qu’il veut voir (la réalité des choses), ou est-ce qu’il veut continuer à adopter la politique de l’autruche et refuser de dire la vérité, parce que maintenant, dans le monde entier, tout est en train de changer à tous les niveaux à l’égard de la Syrie, (aux niveaux) local, régional et international. Jusqu’à présent, le gouvernement français n’a pas changé de position, ils maintiennent leur rhétorique désuète qui est déconnectée de la réalité en Syrie. C’est pourquoi nous espérons qu’il se trouvera quelqu’un au sein l’État qui veuille bien écouter (ce que rapporteront) ces délégations, (écouter) les faits. Je ne parle pas de mon opinion, je parle de la réalité en Syrie. Donc, nous avons de l’espoir.


 
Question 2 : Monsieur le Président, vous avez dit qu’Alep constitue une victoire majeure pour la Syrie, et un tournant majeur dans la crise. Que ressentez-vous lorsque vous voyez les photos des centaines de civils qui ont été tués durant les bombardements et la dévastation de la ville ?

Bachar al-Assad : Bien sûr, il est très douloureux pour nous, en tant que Syriens, de voir une quelconque partie de notre pays détruite, ou de voir tout sang répandu où que ce soit, c’est évident, c’est une réalité d’ordre émotionnel, mais pour moi en tant que Président ou en tant qu’officiel, la question (qui se pose) pour le peuple syrien (est celle-ci) : Qu’est-ce qu'il va faire ? Quest-ce que je vais faire ? Il ne s’agit pas des sentiments. Les sentiments vont de soi, comme je l’ai dit. (La question est) comment nous allons reconstruire nos villes.

Question 3 : Mais le bombardement d’Alep-Est était-il la seule solution pour reprendre la ville, avec la mort de civils, vos concitoyens ?

Bachar al-Assad : Cela dépend du type de guerre que vous recherchez. Recherchez-vous une guerre tranquille, une guerre sans destruction ? Dans toute l’Histoire, je n’ai jamais entendu parler d’une bonne guerre, toute guerre est mauvaise. Pourquoi mauvaise ? Parce que toute guerre entraîne de la destruction, toute guerre entraîne des tueries, c’est pourquoi toute guerre est mauvaise. Vous ne pouvez pas dire « c’est une bonne guerre », même si c’est pour une bonne raison, pour défendre votre pays, pour une noble raison, mais une guerre reste (toujours) mauvaise. Ce n’est pas la (bonne) solution (seulement) si vous avez une autre solution. Mais la question est la suivante : comment pouvez-vous libérer les civils de ces zones de l’emprise des terroristes ? Est-il préférable de les laisser, de les abandonner entre leurs mains, sous leur joug, à leur sort défini par ces terroristes, à savoir la décapitation, le meurtre, tout sauf la présence de l’Etat ? Est-ce le rôle de l’État, de rester passif et de regarder ? Vous devez libérer (ces régions), et c’est parfois le prix à payer, mais à la fin, les gens sont libérés des terroristes. Telle est la question maintenant : sont-ils libérés ou non ? Si c’est le cas, c’est bien ce que nous devons faire.

Question 4 : Monsieur le Président, un cessez-le-feu a été signé le 30 décembre. Pourquoi l’armée syrienne se bat-t-elle toujours près de Damas, dans la région de Wadi Barada ?

Bachar al-Assad : Tout d’abord, le cessez-le-feu concerne différentes parties, alors pour pouvoir dire qu’il y a un cessez-le-feu viable, il faut que chaque partie cesse de combattre et de tirer, et ce n’est pas le cas dans beaucoup de régions de Syrie, et cela a été rapporté par le Centre d’observation russe du cessez-le-feu. Il y a des violations de ce cessez-le-feu tous les jours en Syrie, y compris à Damas, mais principalement à Damas parce que les terroristes occupent la principale source d’eau de Damas où plus de cinq millions de civils sont privés d’eau depuis trois semaines, et le rôle de l’armée syrienne est de libérer cette zone afin d’empêcher ces terroristes d’utiliser cette eau pour asphyxier la capitale. Voilà pourquoi.

Question 5 : Monsieur le Président, Daech n’est pas une partie prenante du cessez-le-feu...

Bachar al-Assad : Non.

Question 5 (suite) : Avez-vous l’intention de reprendre Raqqa, et quand ?

Bachar al-Assad : Permettez-moi de poursuivre (ma réponse à) la deuxième partie de la première question. Ce cessez-le-feu ne concerne pas Al-Nusra et Daech, et la zone dans laquelle nous avons récemment combattu pour la libérer, concernant les sources d’eau de la capitale Damas, est occupée par Al-Nusra et Al-Nusra a officiellement annoncé qu’ils occupent cette zone. Cela ne fait donc pas partie du cessez-le-feu.

En ce qui concerne Raqqa, bien sûr, c’est notre mission, selon la constitution et selon les lois, que de libérer chaque pouce de territoire syrien. Il n’y a aucun débat à ce sujet, qui n’est pas à discuter. Mais il s’agit de savoir quand, quelles sont nos priorités, et c’est une question militaire, touchant à la planification militaire, aux priorités militaires. Mais à l’échelle nationale, il n’y a pas de priorité : chaque pouce de territoire (occupé) est syrien, et (sa libération) doit être du ressort du gouvernement.

Question 6 : D’importantes discussions auront lieu à Astana à la fin du mois, avec de nombreuses parties syriennes, y compris certains groupes d’opposition, disons. Qu’êtes-vous prêt à négocier directement avec eux, et qu’êtes-vous prêt à négocier pour aider la paix à revenir en Syrie ?

Bachar al-Assad : Bien sûr, nous sommes prêts, et nous avons annoncé que notre délégation à cette conférence est prête à s’y rendre lorsqu’ils définiront... quand ils auront fixé le moment de cette conférence. Nous sommes prêts à négocier sur tout. Lorsque vous parlez de négociations pour savoir s’il faut mettre un terme au conflit en Syrie ou parler de l’avenir de la Syrie, tout est pleinement ouvert, il n’y a pas de limites pour ces négociations. Mais qui va être là de l’autre côté ? Nous ne le savons pas encore. Est-ce que ce sera une véritable opposition syrienne – et quand je dis « véritable », cela signifie qui ait des racines en Syrie, pas en Arabie Saoudite, en France ou en Angleterre, il doit s’agir d’une opposition syrienne pour discuter des questions syriennes. Donc, la viabilité ou, disons, le succès de cette conférence dépendra de ce point.


Question 7 : Êtes-vous-même prêt à discuter de votre poste de Président ? Cela a été contesté.

Bachar al-Assad : Oui, mais ma position est liée à la Constitution, et la Constitution est très claire quant au mécanisme par lequel vous pouvez élire un Président ou vous débarrasser d’un Président. Donc, s’ils veulent discuter de ce point, ils doivent discuter de la Constitution, et la Constitution n’est ni la propriété du gouvernement, ni du Président, ni de l’opposition. Elle doit être la propriété du peuple syrien, donc vous avez besoin d’un référendum pour toute Constitution. C’est un des points qui pourraient être discutés lors de cette réunion, bien sûr, mais ils ne peuvent pas (simplement) dire « nous voulons ce Président » ou « nous ne voulons pas ce Président » parce que le Président est lié aux urnes. S’ils ne veulent pas de lui, remettons-nous en aux urnes. Le peuple syrien (dans son ensemble) doit élire un Président, et pas (seulement) une partie du peuple syrien.

Question 8 : Et avec cette négociation, quel sera le sort des combattants rebelles ? [sic]

Bachar al-Assad : Conformément à ce que nous avons mis en œuvre au cours des trois dernières années, parce que nous voulons vraiment avoir la paix en Syrie, le gouvernement a offert l’amnistie à chaque militant qui dépose les armes, et cela a fonctionné. Et ils ont toujours la même option s’ils veulent revenir à la normalité, revenir à leur vie normale. C’est le maximum que vous puissiez offrir, l’amnistie.

Question 9 : Monsieur le Président, comme vous le savez, l’élection présidentielle française aura (bientôt) lieu. Avez-vous un favori, avez-vous une préférence pour l’un des candidats ?


Bachar al-Assad : Non, parce que nous n’avons de contact avec aucun d’entre eux, et nous ne pouvons pas beaucoup compter sur les déclarations et la rhétorique pendant la campagne électorale, donc nous disons toujours qu’il faut attendre et voir quelle politique ils vont adopter quand ils seront en poste. Mais nous gardons toujours l’espoir que la prochaine administration, le prochain gouvernement ou le prochain Président veuillent considérer la réalité de la situation, se déconnecter de la politique (actuelle qui est) déconnectée de notre réalité. C’est notre espoir, et ils pourraient (alors) œuvrer pour l’intérêt du peuple français, parce que la question que doivent maintenant se poser, après six ans, les citoyens français, est celle-ci : vous sentez-vous plus en sécurité ? Je ne pense pas que la réponse soit oui. Le problème de l’immigration a-t-il amélioré la situation dans votre pays ? Je pense que la réponse est non, que ce soit en France ou en Europe. La question est maintenant : quelle en est la raison ? C’est la question que la prochaine administration, le prochain gouvernement ou le prochain Président devront traiter pour faire face à notre réalité, et non pas à leur imagination comme cela s’est produit au cours des six dernières années.

Question 10 : Mais l’un des candidats, François Fillon, n’a pas la même position que la position officielle. Il voudrait rétablir le dialogue avec la Syrie. Pensez-vous que son élection – s’il est élu – pourrait changer la position de la France sur la Syrie ?

Bachar al-Assad : Sa rhétorique au sujet des terroristes, ou disons la priorité de la lutte contre les terroristes et non l’ingérence dans les affaires d’autres pays, est la bienvenue, mais nous devons être prudents, car ce que nous avons appris dans cette région au cours des dernières années, c’est que beaucoup d’officiels disent quelque chose et font le contraire. Je ne dis pas que M. Fillon ferait cela. J’espère que non. Mais nous devons attendre et voir, parce qu’il n’y a pas de contact. Mais jusqu’ici, s’il met en œuvre ce qu’il a dit, ce sera très bien.

Question 11 : Appréciez-vous François Fillon comme politicien ? [sic]

Bachar al-Assad : Je n’ai pas eu de contact avec lui ni de coopération, donc tout ce que je pourrais dire maintenant ne serait pas très crédible, pour être franc avec vous.

Question 12 : Y a-t-il un message que vous souhaitez adresser à la France ?

Bachar al-Assad : Je pense que si je voulais m’adresser aux politiciens, je dirais cette chose évidente : vous devez œuvrer pour l’intérêt des citoyens syriens, mais depuis six ans, la situation va dans l’autre sens, parce que la politique française a nui aux intérêts français. Donc pour le peuple français, je dirais que les médias dominants ont échoué (manqué à leurs devoirs) dans la majeure partie de l’Occident. Leur récit a été démystifié en raison de la réalité, et vous avez les médias alternatifs, vous devez rechercher la vérité. La vérité a été la principale victime des événements au Moyen-Orient, y compris en Syrie. Je demanderais à tout citoyen en France de rechercher la vérité, l’information véritable, à travers les médias alternatifs. Lorsqu’ils rechercheront ces informations, ils pourront être plus efficaces face à leur gouvernement, ou du moins ne pas permettre à certains politiciens de fonder leur politique sur des mensonges. C’est ce que nous pensons être la chose la plus importante au cours des six dernières années.


Question 13 : Monsieur le Président, votre père a été Président de la Syrie à vie. Envisagez-vous la possibilité de ne plus être le Président, un jour ? [sic]

Bachar al-Assad : Oui, cela dépend de deux facteurs : le premier est la volonté du peuple syrien. Veulent-ils que cette personne soit Président ou non ? Si je veux être Président alors que le peuple syrien ne me veut pas, même si je gagnais les élections, je n’aurais pas de soutien fort, je ne pourrais rien faire, surtout dans une région complexe comme la Syrie. Vous ne pouvez pas être simplement élu Président, cela ne fonctionne pas, vous avez besoin de soutien populaire. Sans cela, je ne pourrais pas réussir. Donc, dans ces conditions, il n’y aurait aucun sens à être Président.

Le second : si j’ai le sentiment que je veux être Président, je vais me présenter, mais cela dépend du premier facteur. Si  je sens que le peuple syrien ne veut pas de moi, bien sûr, je ne serais pas candidat. Donc, il ne s’agit pas de moi principalement, il s’agit du peuple syrien : me veulent-ils ou non ? Voilà comment je vois les choses.

Question 14 : Dernière question : Donald Trump doit être nommé Président des États-Unis dans moins de deux semaines. Il a été clair sur le fait qu’il veut améliorer les relations avec la Russie, qui est l’un de vos principaux alliés...

Bachar al-Assad : Oui, exactement.

Question 14 (suite) : Considérez-vous... Pensez-vous que cela changera la position des États-Unis envers la Syrie ?

Bachar al-Assad : Oui, si vous voulez parler de façon réaliste, parce que le problème syrien n’est pas isolé, ce n’est pas seulement syro-syrien. En réalité, la plus grande partie... ou disons que la majeure partie du conflit syrien est régionale et internationale. La partie la plus simple à traiter est la partie syro-syrienne. La partie régionale et internationale dépend principalement de la relation entre les Etats-Unis et la Russie. Ce qu’il a annoncé hier était très prometteur, s’il y a une authentique approche ou initiative visant à améliorer la relation entre les États-Unis et la Russie, cela affectera tous les problèmes dans le monde, y compris la Syrie. Donc, je dirais que oui, nous pensons que c’est positif en ce qui concerne le conflit syrien.

Question 14 (fin) : Qu’est-ce qui est positif ? [sic]

Bachar al-Assad : La relation, l’amélioration de la relation entre les Etats-Unis et la Russie se reflétera positivement sur le conflit syrien.

Journalistes : Merci beaucoup.

Vladimir Poutine : ‘Big Brother’ espionne ses alliés, les soumet au chantage

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Qui, des Etats-Unis ou de la Russie, interfère dans les élections d'autres pays, espionne ses ennemis et ses alliés (dont l'Elysée) et exerce menaces, pressions et chantage contre les uns et les autres ? Vladimir Poutine a déjà proposé une réponse, cautionnée par les révélations de Snowden.

Discours de Vladimir Poutine sur le Nouvel ordre mondial, 24 octobre 2014


Réunion duClub International Valdaï : De nouvelles règles ou un jeu sans règles ?



Transcription :

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Noussommes entrés dans unepériodededifférentes interprétationset de silencesdélibérésdans la politique mondiale. Le droit international a maintes fois étéforcéde battre en retraite, encore et encore,par l’assaut impitoyable dunihilisme légal. L’objectivitéetla justiceont étésacrifiées sur l’autel de l’opportunisme politique. Des interprétations arbitraireset des évaluationsbiaiséesont remplacéles normes juridiques. Dans le même temps, l’emprise complète surles médias de massemondiaux ont rendu possible,quand on le désirait,deprésenter le blanccommenoiret le noircomme blanc.


Dans une situationoù vous aviez la domination d’unpayset de ses alliés, ouplutôt de ses satellites, larecherche de solutions globales s’est souventtransformée enune tentative d’imposerses propresrecettes universelles. Lesambitionsde ce groupesont devenues si grandesqu’ils ont commencé àprésenterlespolitiquesqu’ils concoctaient dans leurscorridors du pouvoircomme le point de vuede l’ensemble dela communauté internationale. Maiscen’est pasle cas.

La notion même de« souveraineté nationale »est devenueune valeur relativepourla plupart des pays. Enessence, ce qui était proposéétaitcetteformule : plus la loyauté de tel ou tel régime en place enversleseulcentre de pouvoirdans le monde est grande, plus grande sera sa légitimité.

Nousaurons unediscussionlibreaprès mon propos et je seraiheureux derépondre à vos questionsetje tiens également àutilisermondroit à vousposer des questions. Que personne n’hésite à essayer de réfuterlesargumentsque jeviens d’exposerlors de la discussionà venir.

Lesmesures prisescontre ceux quirefusent de se soumettresont bien connuesetont été essayées ettestéesde nombreuses fois. Ellescomprennent l’usage de la force, la pression économique et la propagande, l’ingérencedans les affaires intérieures, et les appels àune sorte delégitimité« supra-légale » lorsqu’ils ont besoinde justifier une interventionillégaledans tel ou telconflitou de renverser des régimesqui dérangent. Dernièrement,nousavons deplus en plus de preuvesque le chantagepur et simplea également été utiliséen ce qui concerneun certain nombre dedirigeants. Ce n’estpas pour rien que« Big Brother »dépense des milliards dedollarspour tenir sous surveillance le monde entier, y comprissespropres alliésles plus proches.

Demandons-nousà quel point nous sommesà l’aiseavec tout cela, à quel point nous sommes en sécurité, combien nous sommes heureux de vivredans ce monde, à quel degré dejustice et de rationalité il est parvenu.Peut-être n’avons-nouspas de véritablesraisons de nous inquiéter, de discuter et deposerdes questions embarrassantes ? Peut-être quela positionexceptionnelledes États-Unisetla façon dont ilsmènentleur leadershipest vraiment unebénédictionpour nous tous, et queleuringérencedans les événementsdu monde entierapporte la paix, la prospérité, le progrès, la croissance etla démocratie, etnous devrionspeut-être seulement nous détendreetprofiter de tout cela ?

Permettez-moi de dire que cen’est pasle cas, absolument pas le cas.

Undiktatunilatéralet le fait d’imposer sespropres modèles aux autresproduisentle résultat inverse. Au lieu derégler les conflits, cela conduit àleurescalade ; à la placed’États souverainsetstables, nous voyons la propagation croissante duchaos ; età la placede la démocratie,il y a un soutienpourun publictrèsdouteuxallant denéo-fascistes avouésà des islamistes radicaux.

Pourquoisoutiennent-ils de telsindividus ? Ils le fontparce qu’ils décidentde les utiliser commeinstruments dans la voie de la réalisation de leursobjectifs, maisensuite, ils sebrûlent les doigtsetfont marche arrière. Je ne cesse jamais d’être étonnéparla façon dontnos partenairesne cessent demarcher surlemêmerâteau, comme on ditici en Russie, c’est-à-dire defaire les mêmes erreursencore et encore.

Ilsont jadis parrainédes mouvements islamistes extrémistespour combattrel’Unionsoviétique. Cesgroupesse sont formés au combat et aguerrisen Afghanistan,et ont plus tard donné naissanceaux Talibanset àAl-Qaïda. L’Occident les a sinon soutenus, du moins a fermé les yeux sur cela, et, je dirais, a fourni des informations et un soutien politiqueetfinancieràl’invasionde la Russieetdespays de la régiond’Asie centrale par les terroristesinternationaux(nous ne l’avons pas oublié).  C’est seulement après que des attaques terroristes horribles aient été commises sur le sol américain lui-même que les États-Unis ont pris conscience de la menace collective du terrorisme. 
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